Maroc

Syndicats. À quand la fin de la gérontocratie ?

La réélection contestée de Miloudi Moukharik à la tête de l’UMT après l’amendement du statut de la centrale syndicale remet au goût du jour le débat sur la loi sur les syndicats, dont la première mouture a été finalisée il y a plus de 10 ans. Les syndicats sont divisés sur ce texte que le gouvernement entend mettre sur les rails.

L’UMT, première centrale syndicale au Maroc, n’a pas relevé le défi du renouvellement et du rajeunissement de ses instances décisionnelles. Âgé de 69 ans, Miloudi Moukharik a recouru à l’amendement des statuts de la centrale syndicale la plus puissante au niveau national pour rempiler pour un troisième mandat. À l’instar de ce qui se passe sur l’échiquier politique, le pouvoir au sein des syndicats est très largement confisqué par les aînés. Le système est globalement gérontocratique alors que d’aucuns soulignent la nécessité d’insuffler une nouvelle dynamique à la vie syndicale pour rétablir la confiance et régler la crise de médiation qui risque d’avoir des conséquences dangereuses sur la paix sociale. Les chiffres témoignent de l’ampleur de la désaffection des travailleurs pour le syndicalisme. Seuls 3,4 % des actifs occupés sont affiliés à une organisation syndicale ou professionnelle (6% en milieu urbain et 1% en milieu rural), selon le HCP.

La réglementation de l’échiquier syndical pour garantir la transparence financière, instaurer la démocratie interne et favoriser le renouvellement de l’élite est l’un des préalables pour lutter contre la défiance des travailleurs. Le chef de gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, a annoncé à plusieurs reprises sa volonté d’introduire dans le circuit législatif le projet de loi sur les syndicats, gelé depuis des années à cause de la réticence des centrales syndicales. Mais tant que le dialogue social est au point mort, ce texte ne sortira pas des tiroirs.

Réglementation contestée
De plus en plus de voix s’élèvent pour réglementer le champ syndical. On s’attend à ce que les négociations autour de ce projet soient très ardues. Le gouvernement peut miser sur la divergence des points de vue des centrales syndicales sur ce projet de loi pour tirer son épingle du jeu. Officiellement, l’UMT est l’un des principaux détracteurs de cette réglementation. Miloudi Moukharik a plusieurs fois indiqué aux médias que ce texte constituerait une ingérence dans la vie interne des syndicats. Il estime que le secteur est déjà réglementé par le Code du travail qui consacre tout un chapitre à ce volet et le dahir du 16 juillet 1957.

Le projet de loi, rappelons-le, prévoit les mêmes modalités que la loi sur les partis politiques. Quelques dispositions de la première mouture faisant l’objet de discorde ont été supprimées par le gouvernement Benkirane pour faire adhérer les syndicats à ce projet vertement critiqué. On peut citer, entre autres, la limitation d’âge pour les chefs de file des syndicats. L’ancienne mouture stipulait qu’un dirigeant syndicaliste ne doit pas être un retraité mais un salarié en fonction. Cette condition est rejetée par quelques syndicats, mais approuvées par d’autres qui brandissent l’importance de la légitimité morale des responsables syndicaux et du renouvellement des élites contrairement aux pratiques actuelles.

Ce point devra encore une fois être mis sur la table des négociations pour favoriser le changement. Le gouvernement compte convaincre les syndicats d’accepter la loi régissant le champ syndical en s’appuyant sur un argument de taille: l’immunisation de l’action syndicale contre les coordinations qui ont pullulé ces dernières années. Ces organisations sont de plus en plus fortes dans quelques secteurs, au point qu’elles arrivent à mobiliser en masse les salariés. Les coordinations qui n’ont aucune représentativité auprès du gouvernement ont pu couper l’herbe sous le pied des centrales syndicales. La réglementation devra permettre d’appuyer les syndicats pour qu’ils soient l’unique relais en matière de formulation des doléances sociales des salariés.

Pour y arriver, il faut dire que la loi à elle seule ne sera pas suffi – sante. Une action en profondeur devra être lancée pour faire renaître la confiance perdue dans les syndicats qui sont en perte de vitesse. La démocratie a en effet besoin de syndicats forts et transparents.


Le contrôle financier est lacunaire

Le renforcement de la transparence financière des syndicats s’impose. L’article 8 du texte fondamental stipule que «la loi détermine notamment les règles relatives à la constitution des organisations syndicales, à leurs activités et aux critères d’octroi du soutien financier de l’État, ainsi qu’aux modalités de contrôle de leur financement». Actuellement, seules les dépenses relatives aux élections sont assujetties au contrôle de la Cour des comptes. La subvention publique annuelle n’est soumise à aucun contrôle. Le Code du travail prévoit le contrôle des subventions publiques octroyées aux organisations syndicales, qui n’est pourtant pas opéré. Il est à préciser que le soutien financier aux syndicats varie en fonction de leur représentativité. En somme, la subvention étatique est jugée dérisoire par les syndicats car elle ne permet de couvrir qu’une partie des dépenses. Les centrales syndicales, qui ont du mal à recruter, ne peuvent compter sur le financement via les adhésions.


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