Maroc

Sauvegarde de la Samir : l’exécutif pointé du doigt

Le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole épingle le gouvernement pour son manque de volontarisme politique pour la résolution de ce dossier. La cession des actifs de la Samir à l’État parait désormais la seule issue qui pourrait être temporaire avant de procéder de nouveau à la privatisation de la raffinerie. L’espoir est nourri dans les parlementaires pour faire aboutir les propositions de loi déjà déposées dans les deux chambres du parlement.

Le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole compte sur les parlementaires pour résoudre ce dossier qui traine depuis 2015. Désormais et en raison des tergiversations gouvernementales, il n’existe plus qu’une seule issue, celle du transfert des actifs de la Samir à l’Etat et la régulation des prix des carburants, selon ce front qui a tenu hier un point de presse animé par son président, Houcine Yamani et son vice-président, Mohamed Benmoussa. Ces deux points ont fait l’objet de deux propositions de loi déposées par les groupes parlementaires de l’USFP et de la CDT à la chambre des conseillers et par le groupement parlementaire du PPS à la chambre des représentants, après un travail de plaidoyer effectué par cette association depuis 2018. Sauf que l’aboutissement de ces deux initiatives législatives, à quelques mois de la fin du mandat gouvernemental, n’est pas garanti. L’expérience démontre en effet que la majorité des propositions de loi reste bloquée dans les tiroirs des commissions. Sans une véritable volonté politique de la part du gouvernement et des acteurs politiques, difficile pour ces textes de voir le bout du tunnel. A ce titre, Mohamed Benmoussa a indiqué que seules deux formations politiques ( le Rassemblement national des indépendants et le Mouvement populaire) n’ont pas répondu favorablement aux appels de l’association, précisant que l’heure est à la mobilisation des différentes parties dont les citoyens autour de cette question de la plus haute importance. Les partis politiques sont appelés à assumer leur responsabilité et à agir le plus tôt possible pour éteindre le feu qui est en train de consumer la raffinerie dont la valeur ne cesse de baisser, passant de 25 MMDH à quelque 18 MMDH. Même le coût de la remise en marche de La Samir devient de plus en plus élevé avec le temps. Il faudra actuellement entre 1,5 MMDH et 2 MMDH pour redémarrer de nouveau la production de la raffinerie.

L’État, seul créancier de la Samir
Le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole n’hésite pas à dégainer et à tirer directement sur l’exécutif en raison de sa « neutralité négative » vis-à-vis de ce dossier alors qu’il pouvait facilement procéder à la résolution de ce dossier car l’État est le principal créancier de la Samir. Aussi, la cession des actifs de la raffinerie à l’État est-elle une solution avantageuse et permettra-t-elle enfin de voir le bout du tunnel. Cette solution pourrait être temporaire pendant deux ou trois ans, avant de ne procéder de nouveau à la privatisation, selon Benmoussa. A cet égard, le gouvernement est tenu, d’une part, de bien préparer le terrain afin d’insuffler une nouvelle dynamique à la Samir et, d’autre part, de lui redonner son éclat d’antan et d’instaurer les règles de transparence et de bonne gouvernance en vue d’éviter les erreurs du passé. L’exécutif est également appelé à mener à bien le dossier d’exploitation des réservoirs de La Samir. Rappelons à cet égard que le gouvernement avait reçu l’approbation du Tribunal de commerce en la matière et a décidé de conclure un contrat avec l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) portant sur les droits d’exploitation des réservoirs de la raffinerie. Mais, jusque-là, ce contrat de location, annoncé en juin, n’est pas encore finalisé alors que le gouvernement était très attendu pour accélérer la cadence en matière d’augmentation des capacités du Maroc en stockage des produits pétroliers en raison de la baisse exceptionnelle des prix observée lors des premiers mois de la crise sanitaire. Cette initiative se serait heurtée à l’opposition de lobbys qui monopolisent le marché marocain des hydrocarbures, comme le laisse entendre le front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole qui estime les pertes à 100 millions de dirhams par mois au titre des redevances de location de l’ensemble des bacs de stockage de La Samir. Cette association met en garde contre l’option qui ne ferait de l’ONHYM qu’un simple intermédiaire entre le marché international et les importateurs, « au détriment du budget de l’État ». Au contraire, cet office devrait jouer un rôle important pour pouvoir instaurer les règles de la compétitivité au sein du marché national et agir sur les prix des hydrocarbures qui n’ont cessé de grimper, déteignant, ainsi, directement sur le pouvoir d’achat des Marocains. Outre la cession des actifs de la Samir à l’État, la régulation des prix des carburants s’impose, selon le front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole qui estime que les deux dossiers sont intimement liés. L’idée est de retirer les hydrocarbures de la liste des produits libéralisés. Le plafond devra être fixé sur la base de plusieurs critères principaux dont le prix international moyen des hydrocarbures, les frais de transport, de stockage et la marge de gain des sociétés de stockage et de distribution. Les pouvoirs publics ont la possibilité de subventionner les prix lorsqu’ils « dépassent » le pouvoir d’achat des consommateurs ou portent atteinte aux intérêts des entreprises et de l’économie nationale.

Raffinage : encourager l’investissement
Le gouvernement fera-t-il marché arrière sur la politique de libéralisation des hydrocarbures ? Rien n’est moins sûr, à en croire les dernières positions des responsables concernés. Rappelons que gouvernement a été vertement critiqué par le conseil de la concurrence quant à la gestion du dossier de la libéralisation des prix des carburants. Mohamed Benmoussa rappelle que l’ancien ministre des Affaires générales et de la gouvernance, Lahcen Daoudi n’a pas été conforté, en 2019, par le conseil de la concurrence dans sa décision de plafonnement des marges bénéficiaires des opérateurs. Cette instance avait précisé que « ce choix ne sera pas suffisant et judicieux du point de vue économique, concurrentiel et en termes de justice sociale ». Le Conseil de la concurrence a en effet critiqué en 2019 l’absence de mesures d’accompagnement pour protéger les consommateurs et les segments les plus vulnérables lors de la mise en œuvre de la libéralisation totale des prix des carburants, entrée en vigueur en décembre 2015. Le conseil n’a pas hésité à souligner qu’il s’agissait d’une libéralisation mal préparée pour plusieurs raisons dont l’arrêt du seul raffineur national qui jouait un rôle essentiel au niveau du maintien des équilibres concurrentielles, de l’approvisionnement du marché et du stockage. Aussi, est-il recommandé d’encourager l’investissement dans l’industrie de raffinage privé et de mettre en place des partenariats public/privé pour développer ce segment.

Tout se joue aujourd’hui !

Le verdict de la commission désignée par le souverain sur les ententes des prix est attendu aujourd’hui. Les résultats de cette commission permettront de prendre les mesures nécessaires. Jusque-là, on ne dispose que des données de l’enquête parlementaire sur les prix des carburants dont les recommandations avaient divisé les composantes de la majorité. La recommandation la plus insistante de cette enquête porte sur la nécessité de fixer un seuil pour la marge bénéficiaire. Les grandes sociétés ont été en effet pointées du doigt par la plupart des groupes parlementaires. Le rapport de l’enquête parlementaire souligne que la marge bénéficiaire des sociétés pétrolières a considérablement augmenté depuis la libéralisation du secteur. La moyenne de différence entre les prix calculés selon la structure ayant précédé la libéralisation et les prix adoptés après la libéralisation est de 0,96 DH/l sur le gasoil et 0,76 DH/l sur l’essence. Les gains nets des sociétés pétrolières sont estimés entre 7 et 17 milliards de dirhams Selon une étude menée pendant trois mois par le front national, les gains immoraux avoisinent 8 MMDH par an.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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