Maroc

Salma Bougarrani : “J’ai d’abord fondé Green Watech pour le défi”

Salma Bougarrani.
Co-fondatrice et directrice générale de la start-up Green Watech

Co-fondatrice et directrice générale de la start-up Green Watech, Salma Bougarrani revient sur le lancement de ce projet qu’elle copilote avec Lahbib Latrach. Entretien

Pouvez-vous nous parler des débuts de Green Watech et vos motivations ?
Six ans en arrière, j’étais consultante indépendante dans le domaine de l’environnement et de l’assainissement, j’ai travaillé pendant deux ans avec la population rurale locale au Maroc, et c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience des enjeux, dans mon pays, liés à l’accès à l’assainissement et à l’eau potable. J’ai également pris conscience du fait que ce défi nécessite de nouvelles façons de penser, de nouvelles priorités, de nouvelles normes et de nouvelles façons de faire. J’ai remarqué que le domaine de l’assainissement au Maroc, en particulier dans les zones rurales, était dominé par des entreprises offrant des solutions technologiques non adaptées aux contexte et conditions socio-économiques locaux. Dans le milieu rural, les petites communautés et villages ont un grand retard au niveau de l’assainissement liquide ; de plus, ce sont des zones en stress hydrique. En 2018, j’ai donc décidé de fonder Green Watech (GW), pour le défi en premier. Je suis une scientifique marocaine qui a eu une éducation très modeste et qui a dû travailler très dur. Je suis entrée dans le domaine de l’entrepreneuriat parce que je crois que chacun de nous peut faire la différence, et je voulais contribuer positivement pour relever les défis auxquels mon pays est confronté.

Qui se cache derrière Green Watech ?
Elle a été cofondée par Lahbib Latrach et moi-même. Je suis titulaire d’un doctorat en environnement et traitement des eaux de l’Université de Leipzig en Allemagne et de l’Université Mohammed V. J’ai occupé plusieurs postes à Pékin et en Allemagne, et j’ai été impliquée dans plusieurs projets internationaux, en collaboration avec des équipes de l’Université de Malatya (Turquie) et de l’Institut NIBEC (Irlande du Nord). En 2016, j’ai occupé le poste de chef de projet au sein d’Afayad Group pour la conception et les études techniques, et travaillé en parallèle en tant que consultante indépendante à la Royal Society of Chemistry (RSC) et experte consultante avec GIZ-CESAR. Quant à Lahbib Latrach, il est également titulaire d’un doctorat, cette fois en environnement et gestion de l’eau de l’Université Cadi Ayyad au Maroc. Entre 2013 à 2017, il a travaillé en tant qu’expert consultant à l’Institut international de l’eau et de l’assainissement, où il a aussi été membre des initiatives internationales et de la coopération avec des organismes internationaux comme l’Agence des États-Unis pour le développement (USAID) et l’Agence de coopération internationale japonaise (JICA). Tous les deux avons collaboré dans un projet d’assainissement en Chine, et c’est de là qu’est née l’idée de l’aventure Green Watech. Une certaine compatibilité technique et managériale nous a permis de créer Green Watech.

Comment s’est déroulé le lancement ? Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Le lancement était très difficile, et pour l’entreprise, et pour moi-même en tant qu’entrepreneure dans le milieu rural et dans le domaine de génie civil. Les premiers défis étaient liés à l’environnement entrepreneurial : en tant que femme entrepreneur, je fais face au manque de crédibilité des différents partenaires, clients, fournisseurs, notamment au début de mon projet. Au début, c’était tellement choquant pour les ouvriers de voir une femme leader sur chantier et de devoir suivre ses instructions. Il m’a fallu beaucoup de temps pour gagner leur confiance et leur respect. Le deuxième problème est lié à plusieurs facteurs individuels. Je crois que gérer une entreprise nécessite d’avoir des compétences conceptuelles, relationnelles et techniques, et je reconnais qu’il est difficile de concilier ma vie privée et ma vie professionnelle sans le soutien de ma famille. Nous avons également fait face à d’autres difficultés d’ordre financier : l’accès au marché, la confiance des fournisseurs.

Quelle est la source de financement du projet ?
La première source de financement était du «love money», c’est-à-dire un apport personnel des deux co-fondateurs. Par la suite, nous avons été primés à l’échelle nationale et internationale par des programmes comme Cleantech, Ruforum, CCG, etc. Ceci nous a permis de financer notre premier prototype.

Le projet bénéficie-t-il d’un accompagnement ?
Oui. Le projet bénéficie d’un accompagnement de la part du cluster solaire, Bidaya, de l’ambassade des Pays-Bas, du GIZ et de l’Université Mohammed V.

Quel regard portez-vous sur le Programme national d’assainissement liquide et d’épuration des eaux usées ?
Plusieurs opportunités se sont présentées pour appuyer la mission de GW, principalement dédiée au service de l’assainissement, notamment la loi de l’eau 36-15 qui est entrée en vigueur et qui oblige l’adoption d’un système d’assainissement pour tous les nouveaux chantiers, notamment les maisons d’hôtes, zones de vie, zones industrielles, etc. La deuxième opportunité est le programme national d’assainissement mutualisé, doté d’un budget global de 4,3 milliards de dollars. Le PNAEI a également été récemment lancé par le roi Mohammed VI, assorti d’un budget global de 11,5 milliards de dollars.

Quels sont vos projets futurs ?
Notre vision consiste à être une référence dans l’assainissement low-tech des sites décentralisé en Afrique. Notre ambition est de continuer à travailler dans ce sens afin de respecter les objectifs de développement durable, notamment l’accompagnement des populations en difficulté sans accès aux services d’assainissement. 

Mariama Ndoye / Les Inspirations Éco


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