Retraites. La réforme paramétrique plus qu’urgente
Au cœur de la gestion délicate des retraites, les chiffres dictent leur loi. Fin 2022, les déficits enregistrés par certains régimes soulignent la nécessité d’accélérer la mise en place de réformes structurelles pour en assurer la viabilité et la pérennité à long terme.
Le tableau commence avec les cotisations collectées auprès de 4,6 millions de cotisants qui ont bondi de 5,7% par rapport à 2021 pour atteindre la somme consistante de 57,3 MMDH. Une progression encourageante, mais qui n’a pas échappé aux contraintes du marché. En effet, le rapport sur la stabilité financière dévoile que les placements de ces régimes ont affiché un léger repli (-1,1%) en 2022, s’établissant à 309,723 MMDH.
Hormis les placements de la branche long terme de la CNSS, qui sont constitués de dépôts auprès de la CDG, les autres actifs sont répartis comme suit : 57,3% en titres obligataires, 32,8% en actions et parts sociales, et 7,7% en placements immobiliers.
Conjoncture difficile sur les marchés financiers
L’année 2022 a été marquée par une période difficile sur les marchés financiers, entraînant des conséquences importantes pour les régimes de retraite. L’analyse de BAM indique que la plus-value latente de ces régimes (CMR-RPC, RCAR et CIMR) a subi une forte dégradation (-53,2%), passant de 42,6 MMDH fin 2021 à 20 MMDH en 2022. Les placements en valeur marché ont ainsi atteint 277,1 MMDH, contre 300,9 milliards l’année précédente. En revanche, le régime du CMR-RPC a réussi à redresser ses finances. Le déficit global, qui était auparavant de 4 MMDH, s’est amélioré à 1,4 milliard.
Cette transformation a été rendue possible grâce à deux leviers financiers. Tout d’abord, l’intégration des enseignants contractuels des AREF a apporté un nouveau souffle, propulsant les ressources de cette caisse vers de nouveaux sommets. À partir du dernier trimestre de 2021, les cotisations collectées ont connu une hausse significative, améliorant sensiblement l’équilibre budgétaire. Ensuite, l’État a apporté une contribution spéciale de 2 MMDH en 2022, qui a également constitué une bouffée d’oxygène pour ce régime.
Toutefois, en dépit de ces actions, les flux financiers générés ne seraient guère suffisants pour freiner l’épuisement prochain des réserves du CMR-RPC, d’ici 4 à 5 ans. La baisse des cotisations au régime général du RCAR, consécutive au changement d’adhésion des enseignants contractuels des AREF, a contribué à en accentuer le déficit technique, qui s’élève à 4,1 MMDH, contre 3,3 milliards en 2021.
Premier déficit global de 4,7 MMDH
Suite à une baisse de rendement et à de mauvaises performances financières, le régime a enregistré son tout premier déficit global de 4,7 MMDH. En termes de perspectives à long terme, il a subi une baisse de son taux de préfinancement de 200 points de base, atteignant ainsi 74%. Cette diminution est principalement due à la dévaluation de ses placements.
De plus, l’horizon d’épuisement de ses réserves a été réduit de deux à trois ans. Les deux régimes du secteur public, le CMR-RPC et le RCAR, font face à des déséquilibres structurels, ce qui souligne la nécessité d’accélérer la mise en place de la réforme systémique.
Le premier régime a bénéficié d’une tarification équilibrée grâce à sa réforme paramétrique entreprise en 2016. En revanche, le RCAR souffre toujours d’une sous-tarification des droits accordés à ses affiliés, entraînant un rapport prestations/cotisations dépassant les 140%, malgré sa réforme paramétrique en 2021.
Cette situation entraîne une accumulation d’engagements non couverts, d’une année à l’autre. Par ailleurs, les droits acquis avant la réforme du CMR-RPC en 2016 continuent de peser lourdement sur la viabilité de ce régime et limitent considérablement ses possibilités d’action.
Une réforme paramétrique est nécessaire
En décembre 2022, la CNSS a décidé de revaloriser les pensions de retraite, avec effet rétroactif au 1er janvier 2020. Cette mesure a entraîné une augmentation significative des prestations du régime de retraite de 21,3%, alors que les cotisations collectées n’ont augmenté que de 0,6%. En conséquence, la branche retraite a enregistré un déficit technique de 197,7 MDH, comparé à un excédent de 2,5 MMDH l’année précédente. Cependant, grâce aux produits financiers, la branche a pu dégager un excédent global de 1,5 MMDH.
Malgré la croissance démographique du secteur privé, le taux de préfinancement de la branche est de 64%, en légère baisse par rapport aux 65% de la précédente évaluation et traduit la sous-tarification des droits acquis qui caractérise le régime. Les réserves de la branche devraient toutefois suffire à financer les déficits prévus au cours des 16 prochaines années. Ce délai et les paramètres actuels du fonctionnement du régime lui permettent encore de prendre des mesures pour assurer sa pérennité à long terme, notamment par le biais d’une réforme paramétrique, impliquant la révision du taux de cotisation et de l’âge de départ à la retraite.
Cependant, la réforme envisagée devra permettre d’atteindre plusieurs objectifs majeurs. Tout d’abord, instaurer une tarification équilibrée, assurant ainsi une certaine équité entre les cotisants du régime. Actuellement, le mécanisme d’acquisition des droits est défavorable aussi bien aux carrières courtes que longues, alors qu’il est excessivement «généreux» envers les carrières de durée moyenne. Cette situation nécessite des ajustements pour garantir une meilleure égalité pour l’ensemble des cotisants.
Concernant la CIMR, le solde technique a enregistré une augmentation significative de 27,7% par rapport à son niveau de 2021, atteignant 3,7 MMDH. Cette augmentation résulte principalement d’une hausse plus importante des cotisations (+11,4%) par rapport à celle des prestations (+3,7%). Malgré une détérioration (-69,2%) du solde financier du régime par rapport à 2021, il a tout de même enregistré un excédent global de 4,5 MMDH. Ses évaluations actuarielles indiquent que ce dernier devrait rester excédentaire sur l’horizon des projections, permettant ainsi aux réserves de continuer leur tendance haussière.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO