Maroc

Qui est Murad Rais, le pirate marocain qui a pillé l’Islande ?

Cauchemar des Etats européens tout au long du XVIIe siècle, la République des pirates de Salé, connue aussi sous le nom de la République du Bouregreg, était un état maritime  semi-indépendant, formé des actuelles villes de Rabat et Salé. Née avec l’arrivée des musulmans mauresques expulsés d’Espagne, cette république va prospérer en semant la terreur chez tous les navires européens de l’Atlantique, comme en témoigne leur souvenir dans la littérature européenne notamment chez Voltaire (Candide), ou Daniel Defoe (Robinson Crusoé). Véritable Melting-pot, elle réunit des pirates venus des quatre coins du monde musulman, voire même des « renégats européens». Le plus célèbre d’entres eux est sans doute Mourad Raïs, dont le fabuleux destin a marqué à la fois le Maroc, l’Europe et les Etats-Unis.

Jan Janszoon Von Harlem,  John Barber ou Mourad Raïs, autant de noms pour désigner un pirate au fascinant destin, digne des plus grandes épopées hollywoodiennes.  Né en 1575 à Harlem, une petite cité du nord de la République des Pays-Bas, on ne sait pas beaucoup de choses sur ses premières années mis à part le fait qu’il s’est marié jeune et qu’il était père d’une fille.

C’est à l’âge de 25 ans que son aventure commence, alors que la guerre hispano-hollandaise battait son plein, Jan Janszoon est corsaire pour le compte de l’Etat hollandais. Ayant pour mission de harceler les navires espagnols, il est fait prisonnier en 1618, dans l’exercice de ses fonctions, près de Lanzarote aux Iles Canaries par la flotte turque et emmené comme prisonnier à Alger, qui est alors la capitale d’une régence ottomane semi-indépendante et un grand port de pirates. C’est à Alger qu’il se convertit à l’Islam,  et retrouve une vieille connaissance,  un autre renégat néerlandais, Salomo De Veenboer, devenu Suleyman Raïs après sa conversion et désormais amiral au sommet de sa puissance, et aux côtés duquel il navigue au service de la régence d’Alger. Mais Suleyman Raïs étant tombé lors d’un accrochage contre les Espagnols en 1619, et Alger ayant fait la paix avec plusieurs Etats européens, Jan décide de devenir pirate pour son propre compte et émigre à la république naissante de Salé.

La naissance de cette république est une conséquence indirecte de la Reconquista, bien avant les décrets d’expulsions des musulmans par le roi d’Espagne, les Hornacheros (musulmans originaires de la ville de Hornachos) quittent l’Espagne en emportant leurs biens pour s’installer à l’embouchure du Bouregreg, dans l’actuelle Salé. Puis en 1610, ils sont rejoints par les Mauresques  victimes du décret du roi Philippe III d’Espagne qui  ordonne l’expulsion définitive des musulmans, et s’installe à Salé le neuf (actuelle Rabat). Tous avides de revanche, ils mettent leur fortune et leurs bras afin d’armer des navires, et s’en prendre aux navires et aux côtes européennes qui bordent l’Atlantique.

C’est donc une activité de piraterie déjà bien en place que Jan, désormais appelé Mourad Raïs, trouve à Salé. Cette dernière est dirigée par un conseil de 14 commandants pirates, qui élisent à leur tête le « président de la république », qui est le Grand Amiral. Les Mauresques formant la majorité de la population, c’est l’espagnol qui est la langue officielle, et le sultan Saadien de Marrakech est reconnu comme suzerain, auquel est versée chaque année une dîme symbolique. Fort de ses talents de capitaine et de guerrier, Mourad Raïs va vite grimper les échelons et faire fortune dans cette  république où les renégats européens de différentes origines fournissent des spécialistes dans les domaines techniques (navigateurs, canonniers, chirurgiens etc.), tandis que les Mauresques, bras armé,  forment les « compagnies d’abordage ». Ainsi, grâce à ses talents, il est nommé en 1624 au poste suprême de Grand Amiral, entamant ainsi ses expéditions qui auront marqué l’histoire de la piraterie en Atlantique.

Son expédition la plus audacieuse est sans doute le raid qu’il effectue en Islande, en 1627. Guidé par un prisonnier Danois, il met à sac, selon les sources historiques, la capitale Reykjavik, ainsi que la ville de Grindavik et d’autres lieux comme les Îles Vestman, confirmant ainsi l’emprise des corsaires salétins sur tout l’Atlantique. Ce raid a permis de ramener  des biens précieux pour l’époque : des peaux, du poisson fumés, et surtout 400 captifs islandais.  L’année suivante il fait des expéditions dans les côtes françaises et anglaises, terrorisant la Manche et le détroit de Calais. Confirmant une fois de plus sa mainmise sur l’Atlantique,  il se permet même d’occuper la petite île de Lundy, en mer Celtique, entre l’Angleterre et le pays de Galles, qui lui servira de base d’opérations sur les mers du nord pendant 5 ans.

En 1631, il effectue un autre grand raid sur le port irlandais de Baltimore, où vit une grande communauté de colons  anglais protestants. Guidé cette fois-ci par un captif irlandais du nom de John Hackett, le Grand Amiral attaque Baltimore le 20 juin 1631, et la met à sac à la tête d’une grande flotte de corsaires salétins. Selon les sources,  c’est entre 108 et 237 personnes qui sont faits prisonniers lors de ce raid et vendus comme esclaves dans les marchés d’Afrique du Nord.

Le Sac de Baltimore fut  l’une des dernières de ses grandes expéditions. Le climat politique devenant de plus en plus agité à Salé, Murad Raïs retourne à Alger, d’où il mènera des derniers raids contre des côtes  méditerranéennes   (Sardaigne, Sicile etc.), ainsi que contre les navires vénitiens. Maîtrisant plusieurs langues, il troquait aussi sa casquette de pirate pour celle de diplomate, étant même un intermédiaire diplomatique important entre l’Europe et le Maghreb, c’est d’ailleurs lui qui a permis la conclusion d’un traité franco-marocain en  1631 entre le roi Louis XIII et le sultan Abou Marwan Abd-al-Malik.

L’aventure navale se termine en 1635, quand les chevaliers de Malte attaquent  Tunis par surprise et le capturent avec un bon nombre de ses hommes. Il restera 5 ans enfermé dans les cachots de l’île, où il est victime de mauvais traitements et de tortures, et ne sera libéré que par une attaque corsaire massive sur Malte, orchestrée par son ami le Dey de Tunis, Usta Murad. Affaibli par ses années de captivité, Murad Raïs retourne au Maroc avec les honneurs, et est nommé gouverneur de la forteresse de Oualidia, au nord de Safi, avant de se retirer définitivement de la piraterie et de la vie politique.

La date de sa mort reste inconnue, mais il connaît une postérité grâce à son fils Anthony Janszoon Von Salee,  qui vécut à Manhattan et qui serait le premier musulman dans le nouveau monde. Parmi ses descendants figurent des personnalités importantes de l’histoire des Etats-Unis, dont Bert Bayles, qui fut Président du marché de la Fulton National Bank de New York, et Warren G. Harding, qui n’est autre que le 29e président des Etats-Unis.


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