PLF 2024. Le taux de croissance, la grande inconnue
En attendant la rentrée économique, prévue dans quelques jours, les propositions relatives au projet de loi de Finances 2024 affluent. Associatifs, chefs d’entreprise, spécialistes de l‘économie, des finances et des affaires se risquent à faire des projections sur le taux de croissance du Royaume en 2024.
L’Alliance des économistes istiqlaliens a récemment dévoilé un chapelet de propositions pour le projet de loi de Finance 2024. Avant d’en citer les plus saillantes, rappelons brièvement que le cadre du PLF retient quatre priorités. Il s’agit du renforcement des mesures de lutte contre les effets conjoncturels, de la poursuite des efforts pour l’instauration des bases de l’État social, de la poursuite de la mise en œuvre des réformes structurelles et de la consolidation de la durabilité de la finance publique.
Pour ce qui est des propositions de l’AEI, elles donnent la priorité à la poursuite des grands chantiers structurants aux niveaux économique et social, ainsi qu’à celui des infrastructures, du soutien du pouvoir d’achat des classes moyenne et démunie, en passant par la mobilisation du secteur privé national et les Marocains du monde (MDM), pour plus d’investissements productifs et innovants.
Il est question également d’accorder une priorité particulière à l’inclusion du monde rural dans la mise en œuvre de tous ces programmes, en y développant une nouvelle classe moyenne, conformément aux orientations royales, tout en privilégiant le « Made in Morocco » comme locomotive pour l’emploi. La liste n’est pas exhaustive.
Un grand absent
Mais s’il y a un grand absent dans les différentes propositions formulées jusqu’ici dans le cadre du projet de loi de Finance 2024, c’est bien le volet des prévisions de croissance. Jusqu’ici, peu de spécialistes se hasardent sur ce terrain, et ce n’est pas un hasard ! Si la prudence est de mise à ce propos, nous explique un spécialiste, c’est qu’il y a plusieurs chocs d’offre, d’origine à la fois exogène et interne, qui pourraient altérer la dynamique des performances de l’économie nationale.
Il s’agit, entre autres, des incertitudes qui planent encore sur la guerre en Ukraine, de la campagne agricole qui fait face à des vagues de chaleur inédites, des prix de l’énergie, une donne que le Maroc ne maîtrise pas, et ce, sans oublier l’inflation.
Chacun de ces paramètres mérite qu’on s’y attarde peu ou prou. Commençons par la campagne agricole, qui cristallisait les espoirs de bons résultats cette saison, notamment pour la campagne des exportations, prévue en octobre. Hélas, la hausse des températures a fait l’effet d’une douche froide sur les producteurs qui craignent des impacts négatifs sérieux sur les récoltes.
C’est encore plus vrai dans les provinces du Sud. Il y a encore quelques jours, la station météorologique d’Agadir a enregistré une température maximale de 50,4°C. Une montée historique qui fait énormément de dégâts dans cette partie du pays considéré comme le grenier agricole du pays. Pendant ce temps, selon les données de la direction générale de l’Hydraulique du ministère de l’Équipement et de l’eau, le taux de remplissage de l’ensemble des barrages se situait, pour la journée du 24 août 2023, à seulement 27,5%, soit quasiment le même niveau que celui de l’année dernière (26,3%) à la même période. Une donne qui n’a pas manqué de provoquer une sécheresse et une pénurie d’eau en 2022, année où le Maroc a traversé sa période la plus sèche depuis 30 ans.
Incertitude sur les rendements agricoles
D’après la Banque mondiale, la sécheresse a entraîné dans le Royaume une baisse de 15,3% de la valeur ajoutée du secteur agricole. Cela s’est matérialisé par une perte de plus de 200.000 emplois en milieu rural, touchant en particulier les ménages les plus modestes. Un scénario qui risque de se répéter cette année.
« Or, l’économie nationale dépend grandement du secteur agricole », explique l’économiste Mohamed Rahj. En effet, l’agriculture revêt une importance économique et sociale indéniable au Maroc, avec une part de quelque 38% dans l’emploi total au niveau national et environ 74% en milieu rural, selon des données de la tutelle datant d’avant-crise. Cette activité contribue, rappelle la même source, pour près de 13% du PIB, sachant que cette contribution est variable selon les territoires.
Pour certaines régions, le secteur agricole représente une part prépondérante de l’activité économique. S’agissant de l’inflation, dont le taux se situe autour de 6%, pour la 2e année consécutive (particulièrement grâce à la mise en place d’un dispositif de protection du pouvoir d’achat), elle demeure également une source d’incertitude.
S’il est vrai que la majorité des dirigeants restent confiants, selon la CEO Survey de PwC Maroc, dans la capacité de leurs entreprises à faire face au ralentissement de l’économie mondiale et nationale, ils considèrent néanmoins l’inflation comme le risque majeur pour 2023. Et ce, compte tenu des divers chocs (sanitaire, énergétique, climatique) et en dépit des mesures de soutien pour atténuer leur impact sur les secteurs clés de l’économie, tels que le tourisme, le transport et l’agriculture. À cela s’ajoute la guerre en Ukraine qui entre dans une nouvelle phase, pleine d’incertitudes.
Que va-t-il se passer maintenant ? Une chose est sûre, si le marché pétrolier a semblé tourner la page de la guerre en Ukraine, au Maroc, les prix à la pompe continuent leur inexorable envolée, avec quatre hausses en seulement deux semaines. Ce qui vient confirmer les craintes des prévisionnistes. Faudra-t-il donc se contenter de 3% environ, comme se risquent à le pronostiquer certains analystes ?
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO