Maroc

Peine de mort : où en est le Maroc ?

Choqués par l’atroce crime dont a été victime le petit Adnane, nombre de Marocains réclament l’application de la peine capitale. Cette affaire qui a secoué, le week-end dernier, le Maroc a relancé le débat sur cette peine prononcée par les juges, mais dont l’application est suspendue depuis 1993. En 2019, le couloir de la mort comptait 72 condamnés dont une femme. Le point sur cette peine considérée par le gouvernement comme une question conflictuelle.

Faut-il abolir la peine de mort ou la maintenir ? La question est sur le devant de la scène, suite au viol et à l’assassinat du petit Adnane à Tanger. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui réclament la peine capitale contre le meurtrier qui a torturé et ôté la vie à un enfant innocent d’à peine 11 ans. Du côté des défenseurs des droits de l’Homme, on estime que l’atrocité du crime est, certes, avérée, mais « il ne faut pas pour autant maintenir la peine de mort qui a été abolie dans plusieurs pays ».

Le Maroc n’a pas encore voté en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire sur la suspension de l’exécution de la peine de mort, dans la perspective de son abolition, il n’a pas adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort. Le mouvement des droits de l’Homme et le Conseil national des droits de l’Homme, qui se réfèrent à l’article 20 de la Constitution qui consacre le droit à la vie, soulignent l’impératif de supprimer de la législation cette peine qui n’est plus « acceptée par l’évolution civilisationnelle de l’humanité », d’autant plus que la tendance générale dans les droits de l’Homme est pour son abolition. Ils s’appuient aussi dans leur argumentaire sur la non-exécution de cette peine, au Maroc depuis 1993. Ce qui peut être considéré « de facto » comme une suppression de cette peine sans qu’elle ne soit annulée dans la loi. Malgré tout, les juges continuent de prononcer cette peine.

Au cours de l’année 2019, quelque 11 condamnations à mort ont été prononcées en première instance et en appel. Le nombre de condamnés à mort, au cours de l’année 2019, est de 72 personnes, dont une femme, selon les chiffres de l’Observatoire marocain des prisons (OMP). Les crimes de droit commun représentent 71 % des crimes pour lesquels les personnes ont été condamnées à mort, alors que les crimes d’extrémisme et de terrorisme représentent 29% des condamnations à mort. 52 % des condamnés à mort poursuivis pour des crimes d’extrémisme et de terrorisme sont âgés entre 40 et 50 ans, selon l’OMP.

Nécessité d’un débat élargi
Le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) a déjà appelé au lancement d’un débat élargi sur ce dossier, qui est l’objet de prises de position contradictoires au sein de la société. Jusque-là, le gouvernement n’a pas encore tranché cette question, qui divise encore la société, dans le cadre du plan national de la démocratie et des droits de l’Homme, comme en témoigne le débat actuel suscité par l’affaire du petit Adnane. Rappelons à cet égard que Mustapha Ramid a lancé en juillet 2019 le processus de discussion sur les questions conflictuelles, dont fait partie le dossier de la peine de mort et dont les résultats sont très attendus. Sur le plan politique, il s’avère difficile de concrétiser les recommandations de la société civile et du CNDH. Le réseau de parlementaires contre la peine de mort, qui s’est constitué en 2013, (mais sans les parlementaires du PJD dont la position vis-à-vis de ce dossier est tranchée), peine à faire entendre sa voix. Des propositions de loi ont été déposées, au cours des dernières années, au Parlement, mais sans pouvoir lancer un véritable débat au sein de l’institution législative sur l’abolition de la peine de mort. Même lors de l’examen du projet portant modification du code pénal, le dossier n’a pas été débattu. Les différents groupes parlementaires ont préféré, dans la conjoncture actuelle, tenter de trouver un consensus sur d’autres points qui divisent les députés. L’USFP, à titre d’exemple, fervent défenseur de l’abolition de la peine capitale a préféré lâcher du lest sur ce dossier pour accorder les violons avec ses alliés sur d’autres points, car les socialistes savent que c’est une bataille perdue d’avance. L’abolition de la peine de mort n’est pas en effet à l’ordre du jour du gouvernement actuel.Le projet de loi portant modification du code pénal qui est en stand-by au Parlement depuis plus de quatre ans, apporte uniquement quelques nouveautés à la peine de mort, en supprimant la prononciation de cette peine dans les cas de «tentative » de certains crimes ou de participation, sauf pour le terrorisme. L’unique amendement de la majorité (avant le conflit actuel sur l’enrichissement illicite) porte sur le remplacement de la peine capitale par l’emprisonnement à perpétuité pour certains accusés.

La peine capitale dans le monde

Actuellement, plus des deux tiers des pays du monde ont aboli la peine de mort en droit et en pratique, selon le rapport de l’OMP sur la situation des prisons et des détenus au Maroc au titre de 2019. Plusieurs pays dans le monde continuent d’appliquer cette peine. Quelque 657 exécutions ont été recensées dans 20 pays en 2019, soit une baisse de 5 % par rapport à 2018 (au moins 690). Au moins 2307 jugements de peine de mort ont été recensés dans 56 pays. Au moins 26.604 personnes attendaient l’exécution de leur peine de mort dans le monde à la fin de 2019. Fin 2019, 106 pays (plus de la moitié des pays du monde) avaient aboli la peine de mort en droit pour tous les délits, et 142 pays (plus des deux tiers) avaient aboli la peine de mort en droit ou ne l’avaient pas appliquée dans la pratique. Cependant, « malgré cette tendance encourageante, un grand nombre d’exécutions ont toujours lieu et de nombreux pays maintiennent la peine de mort de facto ou dans leur législation ».

Jihane Gattioui  / Les Inspirations Éco


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