Participation des jeunes à la politique. Les instances consultatives des jeunes, nouveaux vecteurs d’engagement
Afin que la jeunesse s’implique davantage dans la vie politique, le processus de régionalisation avancée avait institué des instances consultatives chargées de l’étude des questions relatives à ses centres d’intérêt. Ces structures ont cristallisé une nouvelle forme de démocratie participative afin d’encourager la jeunesse à s’investir davantage dans la politique régionale. Zoom sur ces instances à même de participer au rétablissement de la confiance des jeunes dans les institutions publiques.
Au Maroc, les jeunes de moins de 34 ans sont passés, selon le HCP, de 11,5 millions en 2014 à 11,8 millions en 2023, sur une population de 36,31 millions d’habitants. C’est dire le poids démographique de cette tranche de la population et son importance dans le processus démocratique afin qu’elle puisse prendre part aux décisions publiques, notamment politiques.
Dans la foulée des efforts déjà entrepris par le Royaume pour encourager les jeunes à participer activement à la vie politique, et en réponse à leur abstention électorale, une série de mesures a été adoptée pour en améliorer les conditions de participation politique. Il s’agit principalement de l’abaissement de l’âge électoral, en 2002, de 20 à 18 ans, ce qui a permis, quelques années plus tard, de rajeunir une partie de la classe politique et les jeunesses des partis.
Cependant, on a constaté une certaine persistance de cette abstention du fait de plusieurs facteurs. Afin que les jeunes s’impliquent davantage, le processus de régionalisation avancée, ponctué en 2015 par la promulgation de la loi organique n° 111-14 relative aux régions, avait institué pour la première fois, dans le cadre de l’article n°117, les instances consultatives chargées de l’étude des questions relatives aux centres d’intérêt des jeunes.
Ces structures ont cristallisé une nouvelle forme de démocratie participative en vue d’encourager ces derniers à s’investir davantage dans la politique régionale, parallèlement à deux autres instances consultatives relevant des conseils régionaux. À cela s’ajoute la promulgation de la loi n°06-19 relative au Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative au niveau national, dont l’activation se fait toujours attendre.
Attributions des instances : nécessité de franchir un nouveau palier
Si la période 2015-2021 a été celle de la mise en œuvre de la régionalisation avancée, le second mandat des Conseils régionaux (2021-2027), a confirmé, une fois de plus, le rôle primordial des instances des jeunes en faveur du développement régional. Le but étant d’assouvir leurs aspirations en matière d’élaboration des programme de développement régional fixant les actions de développement et de planification pour chaque mandat de six ans.
Au-delà du caractère consultatif de ces instances, il est ressorti d’une enquête – menée début 2019 par la Direction générale des collectivités territoriales (DGCT) auprès desdites collectivités, et portant sur les instances consultatives – que la majorité d’entre elles, y compris celles des jeunes, soit 91%, ont été consultées. Cette consultation portait sur les Programmes de développement régional lors de l’élaboration de ces documents, parallèlement à la prise en compte des avis consultatifs formulés par les instances consultatives des jeunes au niveau des régions.
Toutefois, 36% de ces instances ne disposent pas d’un plan de travail, d’où la nécessité de renforcer leurs capacités par la formation de leurs membres, notamment sur le rôle de ces instances, leurs missions et les attributions des conseils régionaux, en se référant à la loi organique des régions. Selon Khalid Qoubaa, président de l’Instance consultative des jeunes et de l’avenir de la Région Souss-Massa, « il est essentiel de renforcer le rôle des instances des jeunes dans le cadre de la démocratie participative en capitalisant sur les expériences réussies, mais aussi, en franchissant un nouveau palier en matière d’attributions de ces instances, avec une sensibilisation des élus par rapport à leur importance à la démocratie participative », explique-t-il.
Selon notre interlocuteur, l’implication active des instances consultatives des jeunes au développement régional doit désormais couvrir les travaux des sept commissions permanentes des conseils régionaux afin de mieux les impliquer dans la prise de décision, les débats et les échanges. Et ce, sans oublier leur participation au sein des sessions ordinaires et extraordinaires où les décisions régionales sont prises d’une façon périodique.
Les points saillants pour consolider le rôle des instances des jeunes
En termes de participation à la vie politique, plusieurs recommandations et constats ressortent de ce premier bilan de l’activation des instances des jeunes au niveau national, notamment au sein des conseils régionaux. Toujours selon Khalid Qoubaa, il est question de « renforcer les capacités des instances consultatives des jeunes sur l’élaboration et le suivi des politiques publiques territoriales, notamment les programmes de développement régional ».
Sur le plan de la sensibilisation des élus, il est à noter que la classe politique, notamment les élus, doit être accompagnée et formée sur la place accordée à ces instances. Le constat est le même pour les cadres administratifs des régions, pour ce qui est des mécanismes de démocratie participative et du bon fonctionnement des instances consultatives, afin de mieux réussir ce modèle qui n’en est qu’à ses débuts.
Sur le plan national, les membres des instances consultatives des jeunes veulent échanger et partager leur expériences, qui diffèrent d’un territoire à l’autre. Cette démarche devra également couvrir le corps des élus et les cadres de l’administration régionale pour partager les bonnes pratiques et renforcer le réseautage entre les instances précitées.
Ce n’est pas tout : pour la formulation de leurs avis consultatifs, et afin que les voix des jeunes soient entendues, il est nécessaire de mettre à la disposition des membres de leurs instances consultatives des informations et des données utiles pour formuler leurs avis. Il y a lieu par ailleurs d’assurer la participation de leurs membres aux sessions des conseils régionaux et aux travaux des commissions permanentes.
De surcroît, l’effort doit être consolidé par l’élaboration de plans de renforcement des capacités des membres des instances consultatives des jeunes par les conseils régionaux. Ce qui devrait passer par la rédaction des avis consultatifs, le suivi du PDR et la vulgarisation des attributions des régions et des mécanismes de participation citoyenne ainsi que les missions et rôles des instances consultatives, y compris la démarche de mobilisation des associations et des citoyens. Il est nécessaire aussi de développer et de construire des partenariats avec les organismes nationaux et internationaux intervenant dans le domaine de la démocratie participative et de la gouvernance nationale, régionale et locale.
Offrir aux jeunes une participation en dehors des structures classiques
Sur un autre registre, notamment celui de la participation des jeunes dans la politique, le baromètre arabe de 2019 dévoile que seulement 17% des 18-29 ans font confiance au gouvernement, 13% au Parlement et 18% aux partis politiques. Ceci limite leur participation dans la vie publique au sein des structures et processus décisionnels existants, d’où la nécessité de développer de nouveaux vecteurs d’engagement politique. Le but est d’offrir aux jeunes une participation en dehors des structures classiques et conventionnelles à travers des mécanismes de prise de décision telles que les instances des jeunes.
Selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’engagement politique faible des jeunes Marocains par des formes et voies conventionnelles ne signifie pas pour autant que ces derniers manquent d’intérêt pour la politique en général. Dans ce sens, il est impératif de rétablir la confiance des jeunes dans les institutions publiques et soutenir l’efficacité à long terme de politiques publiques qui répondent à leurs besoins dans une période charnière de leur vie.
Par ailleurs, le Nouveau modèle de développement avait également mis l’accent sur cette problématique en affirmant que le développement du Royaume repose sur une jeunesse libre, épanouie, compétente et entreprenante.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO