Parité hommes/femmes : Le CESE tire la sonnette d’alarme
Le CESE a constaté que malgré une législation visant l’égalité des droits entre femmes et hommes, la situation sociale des Marocaines régresse dans certains domaines.
Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est intéressé, dans un rapport publié récemment, aux inégalités hommes/femmes et au bilan des dispositions légales intégrées depuis 2000 en faveur d’une parité plus prononcée dans les instances représentatives. Et le bilan qu’il en fait est pour le moins mitigé. Agissant conformément à l’article n°6 de la loi organique 128-12, relative à son organisation et à son fonctionnement, le CESE publie ainsi sa 26e auto-saisine dédiée à la promotion de l’égalité des droits et opportunités entre les hommes et les femmes.
Cette dernière, intitulée : «Les dimensions sociales de l’égalité entre les femmes et les hommes : Constats et recommandations», met en évidence le caractère multidimensionnel de cette question fondamentale. Les réformes du Code de la famille, du Code du travail, du Code pénal et de celui de la nationalité ont, depuis le 20e siècle, fertilisé le champ légal et l’ont rendu propice à l’introduction de lois et autres dispositions versant en faveur de la parité, ce qui a depuis été fait. Pour autant, le CESE remarque que la participation des femmes aux instances de décisions politiques demeure faible, malgré l’adoption de la loi organique n°27-11 (14 octobre 2011, relative à l’accès à la Chambre des représentants).
Le nombre total de femmes élues avait atteint, lors des élections parlementaires de novembre 2011, 67 parlementaires, soit le huitième du total des parlementaires, en-deçà de la cible du tiers qui devait être atteinte en 2015. Aussi, les Marocaines aujourd’hui sont toujours victimes de phénomènes multiples, souvent traumatisants, de harcèlement sexiste et de violences domestiques dont la plupart ne sont même pas encore considérés comme répréhensibles par la loi. C’est notamment le cas des harcèlements et des incivilités en public qu’elles peuvent subir au quotidien dans la rue ou les transports en commun, et qui conduisent les femmes, par leur effet de pression psychologique, à quitter l’espace public et se refermer sur elles-mêmes.
Les Marocaines souffrent également d’inégalités dans l’accès à l’éducation et à la formation, d’absence de reconnaissance légale du préjudice subit par les mineurs victimes de viol, etc. Par ailleurs, le CESE relève que la situation des femmes «cheffes de ménage», des femmes seules, des mères célibataires et des détenues demeure particulièrement difficile. D’autant plus que le veuvage et le divorce ne sont pas traités pour ce qu’ils sont, à savoir des facteurs de précarisation du statut et des ressources des femmes. Une lecture confirmée par le Global Gender Gap Index, publié depuis 2006 par le World Economic Forum. Cet index mesure les écarts entre les hommes et les femmes dans toute leur diversité. Ce dernier s’intéresse ainsi au taux d’activité, à la participation économique, aux revenus, à la scolarisation, à la santé et à la participation politique des femmes. Le niveau 0 correspond à la situation d’inégalité absolue et à la situation d’égalité. Le Maroc occupait en 2015 le 135e rang sur 145 pays, avec un score de 0,593. «Le plus grave est que les performances relatives du Maroc se sont régulièrement dégradées depuis 2006 où le pays était en 107e position», souligne le CESE dans son rapport. Sur la même période, pour ce qui est des indicateurs de participation et d’égalité des chances en matière économique, le Maroc a reculé du 102e au 140e rang.
Parallèlement, le CESE tire la sonnette d’alarme et fait remarquer que, sur la période 2004-2014, les mineurs mariés (moins de 18 ans) sont très majoritairement des filles (82,4%) et pas seulement en milieu rural. L’âge légal du mariage est fixé à 18 ans. Pourtant, s’indigne le CESE, le Code de la famille permet le mariage de mineurs lorsque le juge des affaires familiales le considère comme «justifié» après «contrôle». Le nombre de demandes d’autorisations de mariages de filles mineures et le taux d’approbation ont augmenté durant la période récente.
Ainsi en 2011, un mariage sur huit impliquait une fille mineure, dans un cas sur trois âgée de 14 à 16 ans. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Code de la famille ne fixe pas d’âge en-dessous duquel le mariage ne peut être autorisé. Dans la pratique, les justifications de l’autorisation du mariage des mineurs par les juges et l’acceptabilité sociétale persistante de ce phénomène réfèrent à des considérations où la volonté, les intérêts ou les droits fondamentaux de l’enfant seront moins explicitement pris en compte que le besoin de «sauver l’honneur de la famille», le choix d’«éviter le scandale», de «protéger la chasteté de la jeune fille et la prémunir contre la débauche». Aussi, «il n’est pas rare non plus que le mariage soit conçu comme une protection contre la pauvreté», conclut le CESE.