Maroc

Ordre des architectes. Chakib Benabdellah : “La réadaptation de la loi régissant la profession s’impose”

Chakib Benabdellah
Président du Conseil national de l’Ordre des architectes

Le dernier mandat du Conseil national de l’ordre des architectes s’est achevé sur une note positive. Chakib Benabdellah, qui brigue un second mandat à la tête de l’ordre, a été l’Invité de l’Infomédiaire. Il a souligné que la prochaine mission s’inscrit dans la continuité du précédent. Tous les efforts seront consentis pour mener à bon port l’amendement de la loi qui régit la profession. Le programme de reconstruction d’Al Haouz suscite également l’intérêt des architectes qui dénoncent par ailleurs le non-respect des normes exigées au préalable dans les constructions. Pour s’enquérir de la situation, un déplacement sur le site est prévu.

Quel bilan dressez-vous de votre premier mandat ?
Nous avons eu un mandat très mouvementé de par les perturbations causées par la survenue de la crise pandémique. Il y a eu, ensuite, les événements suite au séisme d’Al Haouz. Toutefois, cela n’a pas empêché les membres du Conseil de l’ordre de mener tambour battant les dossiers importants. Il s’agit des textes de loi sur lequel le travail est toujours mené, entre autres, le code des devoirs professionnel.

D’ailleurs, nous l’avons pratiquement achevé et actuellement il est en cours de validation auprès du ministère de l’Habitat et du Secrétariat Général du Gouvernement. Je précise que ce texte permet de mieux définir le rôle de l’architecte dans ses missions et ses obligations envers ses clients, car l’architecture ne se limite pas uniquement à faire des plans.

Il y a toute une responsabilité sociale et urbanistique et également historique puisqu’on marque l’histoire avec les réalisations que nous effectuons. Nous avons aussi travaillé sur le règlement intérieur de l’ordre. Il faut savoir que ce dernier date de 2001, donc il fallait le remettre à niveau par rapport à l’évolution de la profession.

Sur la même lancée, nous nous sommes penchés sur les lacunes figurant dans la loi 16-89 qui régit la profession, laquelle est devenue désuète puisqu’elle n’a pas subi d’amendements depuis 30 ans. Il s’avère ainsi nécessaire de l’adapter aux changements qu’a connus le pays. Certes, nous n’avons pas encore obtenu des résultats probants, mais le sujet est toujours d’actualité.

Quelles modifications souhaitez-vous apporter à cette loi ?
En fait, nous nous sommes penchés particulièrement sur un article qui relate les conditions de l’exercice de la profession. En principe, un stage de deux ans en fin de cursus est obligatoire avant de pouvoir exercer le métier. Or, cette clause n’a jamais été appliquée.

Durant ce mandat, nous avons milité pour l’appliquer, mais cela a provoqué un tollé au niveau du SGG, lequel n’a pas jugé nécessaire de la mettre en application depuis tant d’années. Alors que ce stage demeure le meilleur moyen pour connaître les pratiques sur le terrain surtout que de nouvelles lois ont vu le jour relatives aux règles et aux sanctions commises sur les chantiers. Ce stage lui permet ainsi de le mettre au courant de la pratique.

De plus, ce stage s’applique à tous les métiers relevant d’un ordre. L’autre lacune est relative au règlement des élections car, pour l’heure, la procédure électorale reste archaïque eu égard à l’évolution du métier. Une réorganisation au niveau de la configuration de l’Ordre national des architectes est à refaire. Aujourd’hui, l’organisation des conseils régionaux n’est pas adaptée au découpage régional. Je tiens à préciser que cette bataille relative à l’amendement de la loi n’est pas une mince affaire, il s’agit d’un travail de longue haleine avant d’obtenir gain de cause, car le process est long. Mais quoi qu’il en soit, la lutte continue.

Quel rapports entretenez-vous avec la tutelle ?
Les discussions avec la tutelle se déroulent dans de bonnes conditions. Certes, pour le moment, une rencontre directe avec la ministre n’a toujours pas eu lieu, chose que souhaitons vivement, mais avec les services concernés la porte est ouverte. In fine, nos rapports sont au beau fixe.

D’ailleurs, nous avons travaillé mutuellement sur la loi qui régit les limites des missions de l’architecte sur un chantier comme il y a plusieurs intervenants tels que le bureau d’études ou encore le topographe. Ainsi, cette loi, qui n’est pas encore sortie, définit les missions de chacun, ce qui nous libère de certaines responsabilités assumées auparavant.

À ce sujet, les discussions sont bien avancées et les remarques que nous avons proposées ont été prises en compte. Ainsi, la poursuite de ce chantier est prévue durant le mandat actuel.

Justement, quels sont les dossiers auxquels vous allez vous attaquer en priorité lors de ce mandat ?
Comme évoqué précédemment, il y a d’abord les propositions d’amendement de la loi relative au code de la profession. Nous allons ainsi veiller à ce qu’il soit approuvé rapidement. S’ajoute à cela la loi en cours de validation.

Par rapport à l’application du stage de deux ans, nous allons discuter à nouveau avec le SGG et aussi sur d’autres points que nous avons évoqués auparavant. Avec la Trésorerie générale nous avons travaillé sur l’amendement du décret des marchés publics. Suite à cela, une nouvelle mouture a été éditée, laquelle est en application depuis un an, sauf qu’en cours de route, nous nous sommes rendu compte de certains dysfonctionnements. L’ordre compte ainsi soumettre des rectifications y afférentes.

Parmi les prochaines actions figure également la construction du nouveau siège du Conseil national à Rabat, suite à l’aide financière des conseils régionaux de l’ordre. Nous avons pu obtenir l’autorisation et les travaux de construction démarreront incessamment dans l’espoir qu’ils s’achèvent d’ici la fin de ce mandat. Le volet social, quant à lui, sera désormais intégré, suite à la demande d’architectes dans le plan d’action.

L’ordre des architectes s’est fortement engagé lors du malheureux événement d’Al Haouz. Où en sont les constructions un an après ?
Pour rappel, plus de 500 architectes se sont mobilisés bénévolement au lendemain du séisme pour assister les autorités dans le recensement des constructions sinistrées. En parallèle, nous tenions des réunions avec le ministère pour recueillir les informations permettant d’établir le cahier des charges, qui représente actuellement une base de travail pour les architectes qui interviennent sur le site, mettant l’accent sur la sauvegarde des constructions rurales qui relève du patrimoine historique architectural. Un an après, l’on constate que le programme n’avance pas comme prévu.

En effet, les autorités devaient commencer par la réhabilitation des bâtiments qui sont totalement détruits. Or, à notre grand regret, beaucoup de maisons qui pouvaient être réhabilitées ont été démolies. Au niveau des reconstructions, le plan a été élaboré avec Al Omrane, le maître d’ouvrage du programme, en collaboration avec des architectes. Dans ce plan, l’accent a été mis sur le respect du cachet architectural de la région conformément au message royal.

Néanmoins, il se trouve que dans beaucoup de cas, les plans type ne correspondaient pas à l’architecture locale. Plusieurs constructions se sont faites en béton et en agglo, alors qu’il était question d’utiliser les matériaux locaux. Et, pour l’heure, nous ne disposons pas d’un état exact de la situation. Mais en tant que Conseil, nous sommes engagés à faire un état des lieux suite à des visites sur le site. Un rapport sera ainsi rédigé et communiqué à qui de droit dans l’espoir de rectifier les anomalies.

Récemment, le Conseil régional de l’ordre des architectes a dénoncé le blocage des autorisations de construire. Comment les choses se déroulent-elles actuellement ?
En effet, la décision de changer le responsable des autorisations au niveau de la commune de Casablanca a apporté un soulagement auprès des architectes bien que les effets se feront sentir à long terme. Il faut signaler que beaucoup de dégâts ont été causés, suite à ce blocage, et l’évolution de la ville en a fortement pâti car l’activité immobilière reste un secteur vital.

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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