Occupation illégale du domaine privé de l’État. Les pouvoirs publics font le ménage
Dans le paysage urbain, les immeubles occupés sans droit ni titre de propriété ont longtemps constitué une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics. Bien qu’il s’agisse de biens domaniaux, certains jouent aux squatteurs en toute impunité. Pour mettre fin à cette problématique, des démarches visant à régulariser la situation et à rétablir l’ordre ont été menées. Le ministère de l’Économie et des finances a rendu public un rapport sur le domaine privé de l’État, exposant les données clés pour l’année 2022.
La Direction des domaines de l’état (DDE) joue un rôle central en tant que propriétaire et gestionnaire d’un foncier qui est soumis aux règles de droit commun. Cette responsabilité l’amène à jouer son rôle de défendeur ou demandeur dans de nombreux contentieux judiciaires. Ces affaires multiples visent à protéger et à assainir le Domaine privé de l’État (DPE) en employant des mesures légales et via le recours à des actions judiciaires.
En 2022, un véritable tournant a été opéré dans la gestion des immeubles occupés illégalement. Pas moins de 6.050 ha de terrains ont été nettoyés de toute occupation illégale, soit par des accords amiables, la vente ou la requalification des occupations, soit par des procédures judiciaires pour évacuation. Cette avancée représente une progression significative de 12% par rapport à l’année précédente.
Le rapport sur la gestion du DPE au cours de l’année écoulée, publié par le ministère de l’Économie et des finances, indique que 96% de la superficie controversée était occupée par des personnes physiques et 4% par des personnes morales. En chiffres, pas moins de 4.294 dossiers contentieux, portant sur le foncier du DPE, étaient en cours de jugement, en 2022, dans diverses juridictions du pays. Ces dossiers représentaient une superficie totale de 75.681 ha et une valeur estimée à 348 MDH.
La géographie des litiges
70% de ces dossiers sont en cours de jugement au niveau des Tribunaux de Première Instance. 22% le sont par la Cour d’Appel et 8% par la Cour de Cassation. En tant que partie défenderesse, l’État assure le suivi de 2.119 affaires déposées auprès des diverses instances judiciaires du Royaume. Ces affaires englobent une superficie totale d’environ 62.795 ha, d’une valeur estimée à 249,5 MDH.
Parallèlement, l’État est demandeur dans 2.175 dossiers, couvrant une superficie de 12.886 ha, et représentant une valeur de 98,5 MMDH. Les Régions de Tanger, Casablanca, Fès et Rabat concentrent 68% des dossiers en cours, englobant une superficie de 41.844 ha pour une valeur de 210 MDH. La Direction régionale de Fès se place en tête du classement avec une superficie en litige de 24.299 ha, soit 32% de la superficie totale impliquée dans les contentieux.
Des décisions définitives ont été rendues concernant un certain nombre de dossiers. Sur 214 jugements, 201 (englobant une superficie totale de 2.064 ha pour une valeur de 41 MDH) ont penché en faveur de l’État. Seuls 13 dossiers ont donné raison aux tiers, pour une superficie totale d’environ 57 hectares et une valeur de 1,84 MDH.
La démarche adoptée
Le document détaille la stratégie adoptée pour la résolution de cette problématique. Pour le cas des occupants relevant des organismes publics, la démarche vise à recenser l’intégralité des occupations et à régulariser la situation par des mesures d’affectation, de cession ou de location, selon le cas.
Concernant les collectivités territoriales, la régularisation passe par la location des immeubles domaniaux ayant servi de support à des services d’utilité publique et de cession pour les cas des lotissements d’habitat ou des projets à but lucratif. Par ailleurs, le rapport relève que pour les occupations contenant des concentrations de population (douars, bidonvilles… ), il a été procédé au recensement des occupations et à leur régularisation dans le cadre des projets de restructuration urbaine ou avec les instances concernées.
De même, en ce qui concerne les occupations par les personnes physiques ou morales de droit privé, des actions en justice sont engagées pour mettre en demeure les occupants pour évacuation et engager des actions en justice à l’encontre des récalcitrants.
Sont exclus de cette approche, les terrains agricoles de petite superficie (inférieure à 10 ha dans le périmètre irrigué ) pour lesquels une régularisation à l’amiable par voie de location pour trois années fermes a été privilégiée.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO