Maroc

Médicaments psychotropes : une étude révèle des lacunes du corps médical

Une récente étude menée par une équipe de chercheurs marocains met en lumière des insuffisances significatives dans la prescription de médicaments psychotropes par des praticiens non spécialisés en psychiatrie. L’étude, qui vise à identifier les pratiques actuelles et les besoins éducatifs, révèle que de nombreux médecins n’ont pas une maîtrise suffisante des traitements des troubles mentaux courants, ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour les patients.

L’étude intitulée «Prescription de médicaments psychotropes par des spécialistes non psychiatres au Maroc : pratiques actuelles et besoins éducatifs» a été menée par une dizaine de chercheurs marocains, des facultés de médecine et de pharmacie, des universités Hassan II de Casablanca,   Mohammed V de Rabat, Abdelmalek Essaadi de Tanger et du Centre Mohammed VI pour la recherche et l’innovation de Rabat.

Objectif : explorer les pratiques de prescription de ces médicaments par des non-psychiatres. Approuvé par le Comité d’éthique hôpital-université de Tanger, ce travail de recherche a pour objectif de décrire les connaissances des médecins sur la prescription de psychotropes et d’identifier les lacunes et les besoins de formation en la matière.

Malaise à l’heure de prescrire des psychotropes
Entre autres constats, l’étude a révélé que la majorité des médecins participants n’étaient pas informés des durées appropriées de traitement pour certains troubles mentaux. En effet, 61,3% des participants ignoraient la durée moyenne du traitement des troubles dépressifs, tandis que 81,3% n’étaient pas au courant de la durée recommandée pour le traitement de l’insomnie avec des hypnotiques.

De plus, 82% ne savaient pas que la sertraline, un psychotrope de type inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, utilisé comme antidépresseur, pouvait être prescrite sans risque aux patients âgés, et 89,3% ignoraient qu’on pouvait l’utiliser en toute sécurité pendant la grossesse. Environ 46% des médecins ont indiqué n’avoir jamais prescrit de médicaments psychotropes et 43,3% les prescrivent moins d’une fois par semaine.

En ce qui concerne le confort de prescription, seulement 18,6% des participants se sentaient à l’aise pour prescrire ces médicaments, contre 22,7% qui ne l’étaient pas. Les anxiolytiques représentaient la classe de médicaments la plus couramment prescrite, soit 30,7% des prescriptions, principalement pour traiter l’anxiété (35,3%), l’insomnie (34,7%), et la dépression (31,3%). La majorité des médecins (72%) confirment avoir reçu une formation clinique en psychiatrie, et 74,7% se disent satisfaits de leur formation de premier cycle dans cette spécialité.

Cependant, seulement 11,3% ont participé à une formation en éducation médicale continue (CME) en psychiatrie au cours des deux dernières années. Une proportion importante (54,7%) a exprimé un intérêt à approfondir leurs connaissances sur la prescription de psychotropes, préférant des formations sous forme d’ateliers et de classes de maître.

Lacunes et besoin de formation
Les résultats de cette étude mettent en évidence un manque flagrant de connaissances chez les
non-psychiatres. Un manque de connaissances qui peut avoir des conséquences graves pour les patients. Les pratiques de prescription inappropriées peuvent augmenter le risque d’effets indésirables, prolonger la souffrance des patients, et dans certains cas, aggraver leurs symptômes. Ceci est particulièrement préoccupant pour les populations vulnérables, telles que les personnes âgées ou les femmes enceintes, où un choix inadéquat de médicaments pourrait entraîner des complications graves.

L’intégration de programmes de formation en psychiatrie, inspirés de modèles internationaux, pourrait jouer un rôle clé dans la réduction des lacunes observées chez les médecins non psychiatres, indiquent les chercheurs. Par exemple, des initiatives comme la formation anti-stigmate READ, qui sensibilise les étudiants en médecine à la discrimination vécue par les patients atteints de maladies mentales, ont montré des résultats prometteurs.

De même, le programme d’expérience précoce en psychiatrie (PEEP), qui jumelle les étudiants avec des spécialistes en psychiatrie pour leur offrir une exposition directe à un large éventail de problèmes de santé mentale, s’est avéré bénéfique.

En outre, il a été démontré qu’une période prolongée de rotation clinique améliore significativement l’attitude des étudiants en médecine envers la psychiatrie, renforçant ainsi leur compétence et leur confiance dans la gestion des troubles mentaux. L’étude souligne également la nécessité d’améliorer la formation en psychiatrie dès le premier cycle des études médicales pour mieux préparer les médecins à gérer les troubles mentaux.

«Compte tenu de la pénurie de professionnels de la santé mentale au Maroc, l’amélioration de la formation de premier cycle en psychiatrie pourrait améliorer la gestion des troubles mentaux par les médecins non psychiatriques et donc réduire le besoin d’orientation vers un spécialiste», estiment les auteurs, notant que cela «peut également profiter directement aux spécialistes non psychiatriques en les aidant à reconnaître les manifestations psychiatriques des conditions médicales et à comprendre l’implication et l’interaction des médicaments psychotropes que le patient aurait pu recevoir».

Méthodologie

L’étude a englobé un total de 150 participants, dont 53,3% de femmes et 46,7% d’hommes. L’âge moyen des participants est de 47,3 (47,3 ± 11,1). La plupart des participants (92%) ont suivi une formation médicale au Maroc. 105 (70%) participants sont des spécialistes médicaux et 45 (30%) sont des chirurgiens. Environ la moitié d’entre eux exercent dans le secteur privé (48%) et 31,3% ont plus de 20 ans d’expérience.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO

 


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