«Les relations Maroc-Afrique offrent des opportunités aux Subsahariens»

Eli Kudjie, Président de l’Association des professionnels établis au Maroc (AC PRO)
Même si la tendance reste modérée, de plus en plus de groupes marocains désireux de s’implanter sur le continent font appel à des compétences subsahariennes établies au Maroc. Tel est le constat d’Eli Kudjie, président de l’Association des professionnels établis au Maroc (AC PRO).
Les Inspirations ÉCO : Selon vous, comment les compétences subsahariennes au Maroc peuvent-elles accompagner la dynamique des relations entre le Maroc et l’Afrique ?
Alfa Oumar Dissa : Eli Kudjie : L’intensification des relations entre le Maroc et l’Afrique offre à l’évidence des opportunités aux Subsahariens établis au Maroc. Ces derniers ayant été formés dans les universités marocaines disposent également d’un atout supplémentaire : la connaissance des pays subsahariens. Ils représentent ainsi un pont évident entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne et je crois que les entreprises marocaines l’ont compris puisque depuis quelques années les grands groupes marocains notamment dans le secteur des BTP, de la banque ou des assurances, pour ne citer que ceux-là, lancent des recrutements de jeunes diplômés subsahariens qui sont formés pendant quelques mois aux processus métiers de ces entreprises, puis envoyés dans les filiales de leurs pays. Évidemment, il y va aussi de l’intérêt de ces groupes puisque ces diplômés dans leur pays ne seront pas considérés comme des expatriés mais comme des locaux.
Peut-on malgré tout dire qu’il y a une nouvelle tendance à recruter les Subsahariens établis au Maroc dans les entreprises marocaines désireuses de s’implanter sur le continent ?
Même si le pourcentage de l’insertion des Subsahariens est pour l’instant encore très faible au sein des grandes entreprises marocaines qui s’exportent, nous sommes sur la bonne voie car nous comptons par exemple parmi nos membres et bénévoles de l’association, des professionnels qui ont rejoint il y a quelques années les équipes de certains groupes marocains ayant des filiales en Afrique subsaharienne et plusieurs d’entre eux ont été mutés pour exercer leurs fonctions dans leurs pays d’origine.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les Subsahariens dans l’accès à l’emploi au Maroc ?
La principale difficulté concerne d’une part l’obtention du contrat de travail étranger délivrée par le ministère de l’Emploi, qui est soumis à une autorisation de l’ANAPEC. D’autre part, ce contrat de travail étranger étant à durée déterminée d’une année, même si l’entreprise embauche l’employé pour un contrat à durée indéterminée, la durée du contrat de travail étranger prévaut, rendant ainsi la condition de travail des étrangers souvent précaire puisque nous assistons parfois à des situations où l’employeur refuse le renouvellement du contrat, ou soumet le renouvellement à des conditions parfois abusives.
Cet obstacle influence-t-il leur orientation professionnelle ?
Plusieurs Subsahariens au Maroc ne travaillent pas souvent dans leurs domaines de formation, mais se contentent d’emplois de téléconseillers pour lesquels ils sont souvent surqualifiés non pas parce qu’ils ne sont pas compétents, loin de là, mais parce qu’à cause des procédures complexes et coûteuses d’obtention de l’autorisation de l’ANAPEC pour l’établissement du contrat étranger, les entreprises sont parfois réticentes à engager des Subsahariens. Néanmoins, je salue une fois de plus, sa majesté le roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, pour l’initiative de régularisation des Subsahariens dont les bénéficiaires sont ainsi exemptés du contrat ANAPEC et j’encourage ces derniers à saisir à fond cette opportunité.
Quelles solutions préconisez-vous pour remédier à cette situation ?
En tant qu’association des professionnels étrangers au Maroc, notre responsabilité est d’informer, de former nos membres mais également d’encourager les institutions à améliorer les conditions d’accès au travail pour les professionnels subsahariens. Vu la coopération sud-sud prônée par le Maroc, il serait opportun que les conditions d’accès au marché du travail marocain soient de plus en plus facilitées pour les Subsahariens au Maroc, notamment pour ceux qui ont étudié dans les universités marocaines et détiennent des diplômes marocains. J’exhorte également les professionnels subsahariens déjà intégrés au Maroc à continuer à faire preuve d’excellence, d’intégrité afin de donner la meilleure image qui soit des professionnels subsahariens résidents au Maroc, mais également d’être proactifs et de saisir les opportunités uniques qu’offre la dynamique actuelle de la coopération Sud-Sud entre le Maroc et les pays subsahariens.