«Le nom «Picasso» est synonyme de créativité»
Après César et Giacometti, le Musée d’art moderne et contemporain Mohammed VI de Rabat accueille les œuvres majeures du grand Pablo Picasso du 19 avril au 31 juillet. «Face à Picasso» sera l’occasion de revenir sur le génie d’un des plus grands peintres de l’histoire, amoureux de l’Afrique. Une rétrospective qui s’inscrit dans la politique du musée de s’ouvrir sur le monde et sur les plus grands noms de l’art moderne. Précisions du président de la Fondation nationale des musées, Mehdi Qotbi.
Les Inspirations ÉCO : Après César et Giacometti, comment s’est fait le choix de Pablo Picasso ?
Mehdi Qotbi : Dès l’ouverture de ce musée par le roi, nous devions, par instruction royale, ouvrir ce musée à l’international et lui donner la place qu’il se doit d’avoir, le rôle qu’il doit jouer pour accompagner la diplomatie marocaine qui se veut ouverte sur le monde. On a commencé par une exposition sur César; ce dernier sera d’ailleurs célébré au centre Pompidou, deuxième plus grand musée du monde, en 2017. Nous, nous l’avons eu en 2015 déjà. Nous avons également célébré le talent de Giacometti. Chaque année, nous nous devons d’ouvrir les fenêtres du Maroc vers l’international, avec des noms prestigieux, qui poussent à ce que l’on parle du Maroc dans le monde entier. Aujourd’hui, nous avons une belle image et nous sommes en quelque sorte les accompagnateurs de cette diplomatie culturelle. Si Giacometti a eu un succès fou, Picasso aura, nous en sommes sûrs, encore plus d’impact car Picasso parle à tout le monde. Le nom «Picasso» est synonyme de créativité, d’intellectualité. Ce nom est associé au merveilleux dans la mémoire collective. Aujourd’hui, les Marocains ont ces possibilités: découvrir ou redécouvrir Picasso, dialoguer avec lui, être en face de lui, toucher avec le regard Picasso. C’est un bonheur et une chance de pouvoir partager cela avec mes compatriotes.
Sur quelle période de l’artiste allez-vous vous concentrer ?
Nous allons présenter à peu près toutes les périodes de l’artiste, en mettant cependant en lumière ses plus grandes œuvres ! D’ailleurs, je vous donne en exclusivité le titre de l’exposition: «Face à Picasso». Il est à face à nous, pour toucher tout le monde! C’est un parcours à travers les œuvres importantes. Nous travaillons avec le musée Picasso à Paris qui dispose de 6.000 œuvres et qui nous donne cette chance de bénéficier de 120 œuvres majeures de Picasso.
Y a-t-il un courant chez Picasso qui vous touche plus que les autres ?
Il est presque impossible de choisir. C’est comme si vous me demandiez de choisir le meilleur chez une femme. C’est impossible! J’admire l’œuvre d’art qu’est la femme dans sa globalité. C’est la même chose pour Picasso, je le considère dans sa globalité: Picasso sculpteur, Picasso poète, Picasso facétieux, Picasso peintre… Il a été un peintre cubiste mais aussi surréaliste, il a touché à toutes les périodes et a toujours été le meilleur. Avec de Vinci, il est un génie de l’art. À chaque fois qu’il a touché à quelque chose, ce quelque chose s’est transformé en oeuvre géniale. De plus, Picasso s’est nourri de l’Afrique. Pour moi, tous les artistes qui ont exposé au musée ont eu un lien avec mon continent…
La politique du musée reposerait-elle donc sur l’africanité des œuvres ?
Chaque année, au musée, nous avons mis en place une exposition prestigieuse à caractère international mais également une exposition nationale qui met en avant le talent marocain, qui donne la parole à la création marocaine. Nous sommes un peu sur tous les fronts. Nous avons fait une belle exposition sur la création marocaine à l’ouverture. Nous avons rendu hommage à la créativité de Tétouan. Nous avons eu une belle exposition qui célèbre la femme marocaine. Pour nous, il est essentiel de redonner à la femme sa place dans la société en général et dans la peinture en particulier. Ce n’est pas une exposition exhaustive, bien entendu. J’ai donné carte blanche à une dame respectée, Rim Laâbi. J’assume la confiance qu’on lui a accordée. Elle a choisi 27 artistes femmes selon une grille de lecture qu’elle a mise en place. Et ceci n’est qu’un début!
Plus d’un an après l’ouverture du musée, peut-on dire qu’il existe une culture muséale au Maroc ?
La fréquentation des musées est impressionnante. Il suffit que l’endroit soit accueillant et qu’il propose quelque chose pour que les Marocains suivent. Nous venons de rénover le musée de Tanger. Figurez-vous qu’aujourd’hui, nous en sommes à 19.000 visiteurs, 3 mois seulement après l’ouverture. Et c’est «monsieur tout le monde» qui le visite, avec également une forte affluence des jeunes. Nous sommes à 30% de jeunes visiteurs, même des quartiers défavorisés. Aujourd’hui, nous avançons: des gens m’interpellent dans la rue pour me dire : «Merci d’avoir intégré le musée à notre quotidien». Il reste énormément de choses à faire, mais je peux assurer que nous allons de l’avant !
Est-ce dans cette perspective que vous avez ouvert le Master en muséologie et médiation culturelle ?
J’ai eu la chance d’avoir le soutien de Said Amzazi, directeur de l’Université Mohammed V Rabat-Agdal, qui a tout de suite dit oui! Pour pouvoir pérenniser la culture muséale, il faut l’intégrer à l’enseignement. Nous avons besoin de ressources humaines, nous manquons de personnel spécialisé dans les musées. Nous commençons à préparer la relève.