L’Université en manque de professeurs, d’encadrants… et de relève
Un rapport du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS )sur «La promotion des métiers de l’éducation, de la formation, de la gestion et de la recherche» tire la sonnette d’alarme en dévoilant, hier mardi à Rabat, les disparités existant entre l’effectif très réduit des professeurs universitaires et le nombre d’étudiants grandissant. Les détails.
C’est un paradoxe que dévoile le rapport du CSEFRS qui fait part du déséquilibre entre l’évolution du nombre d’étudiants et celui des organismes d’encadrement pédagogique et administratif (professeurs, chercheurs, encadrants de thèse…).
En effet, le rapport du CSEFRS présenté par le président de la commission permanente des métiers de l’éducation, de la formation et de la gestion, Mohamed Dali, et le directeur du pôle études et recherches relevant du conseil, Hassan Esmili, dresse le constat accablant d’un déséquilibre entre l’évolution du nombre d’étudiants et de celui des organismes professionnels d’encadrement.
La principale raison derrière ce déséquilibre est due, selon le rapport, à la faible évolution des enseignants-chercheurs et des cadres administratifs entre 2009 et 2017, contre un nombre d’étudiants qui a quadruplé durant cette même période.
Un déséquilibre qui révèle plusieurs difficultés et dysfonctionnements relatifs à l’encadrement pédagogique et administratif au niveau de l’enseignement supérieur. Il est cité, à ce titre, les disparités opérées dans le déséquilibre entre l’évolution du nombre des étudiants et le nombre des instances professionnelles d’encadrement. Le rapport signale que lesdites disparités s’élargissent dans les filières de formation (169 étudiants pour chaque enseignant de la faculté des sciences juridiques économiques et sociales, contre 108 à la faculté pluridisciplinaire et 83 à la faculté des lettres et des sciences humaines), alors qu’elles s’accentuent quand il s’agit de niveaux universitaires spécifiques au sein d’une même filière de formation.
Peu de profs pour un flot d’étudiants
Parmi les raisons du dysfonctionnement du système universitaire marocain figure la disproportionnalité entre le nombre énorme d’étudiants et celui très faible des professeurs. Le handicap dont souffre le corps professoral universitaire impacte la bonne marche des études, notamment au premier semestre de la licence où le nombre des étudiants dépasse les 1.500 dans certaines filières (Sciences juridiques, économiques et sociales; Lettres et Sciences humaines). Ainsi, l’alma mater marocaine pâtit d’un manque énorme de compétences à même d’assouvir la faim des demandeurs de savoirs qu’elle arrive à accueillir chaque année parmi le raz-de-marée d’étudiants qui déposent leurs dossiers d’inscription!
Dans ce sens, la répartition des professeurs et des cadres administratifs entre les établissements universitaires n’est pas équitable en fonction de la ville. «Une grande partie d’entre eux se concentrent respectivement à Rabat, à Casablanca, à Fès et à Marrakech, tandis que certaines régions bénéficient encore moins des cadres pédagogiques et administratifs», relève le document.
Où sont passés les doctorants ?
Alors que les doctorants sont censés prendre la relève, leur rôle se limitera dans un premier temps à combler le manque. Néanmoins, le rapport ne manifeste pas de lueur d’optimisme par rapport à ce dernier point, pourtant considéré comme un élément tranchant pour juger de la sanité de ce secteur. Ainsi, le rapport cherche plutôt, semble-t-il, à trouver la réponse au manque de courage du côté des étudiants pour entamer leur parcours doctoral et soutenir une thèse afin de combler le manque en question. «Le cycle doctoral est considéré comme le cursus universitaire de base susceptible de former des enseignants-chercheurs et leur permettre d’accéder à la profession de l’enseignement et de la recherche dans les établissements d’enseignement supérieur, selon les normes pédagogiques nationales en vigueur», rappelle le rapport qui indique l’existence de 54 centres dédiés aux études doctorales et de 230 formations dans divers domaines de la connaissance, de la technologie et de la culture.
Autre constat qui suscite un questionnement sur la situation actuelle de l’enseignement supérieur et la formation de ses compétences, le découragement – souvent l’abandon – des étudiants de leurs projets de préparation de thèse. Le rapport a dans ce sens démontré que «depuis le début du projet des centres d’études doctorales, qui s’inscrit dans le cadre du nouveau système pédagogique (licence, master, doctorat), le nombre de doctorants a considérablement diminué, observant que depuis 2014-2015, ce nombre est passé progressivement de 32.180 à 8.474 étudiants durant la saison 2016-2017», soit un écart de 23.706 étudiants, éventuels futurs professeurs universitaires.
Le rapport n’a pas manqué de pointer fermement du doigt l’organisation pédagogique des fonctions de l’enseignement, de la recherche et de la préparation à la profession. Dans cette trame, il explique que «le nombre de doctorants présente des problématiques complexes liées au manque du taux d’encadrement et à la durée consacrée à la préparation des thèses dans les universités, ainsi que des formations limitées dans la pédagogie universitaire, en l’absence d’une stratégie universitaire claire pour le développement de cette pédagogie».
Quid de la solution ?
La solution proposée par le rapport pour pallier le manque d’effectif en termes de professeurs au sein de l’Université marocaine est la création, par le département de l’Éducation nationale, de la fonction «enseignant-accompagnateur». Sous contrat, l’«enseignant-accompagnateur» suivra et accompagnera les nouveaux enseignants afin que ceux-ci s’adaptent aux exigences de la profession. Pour ce faire, les futurs «enseignants-accompagnateurs» effectueront une formation limitée dans le temps sous la supervision des centres régionaux des métiers de l’éducation et de la formation.
Clin d’œil à l’enseignement supérieur privé
Quoique s’agissant d’une problématique qui touche particulièrement le secteur public, l’enseignement supérieur privé a également été évoqué. À travers des chiffres cette fois-ci, il a été enregistré, durant l’année 2015-2016, le nombre de 6.078 enseignants dont 1.704 permanents et 4.374 enseignants contractuels. L’augmentation du nombre des établissements privés d’enseignement supérieur et d’universités privées entre 2008 et 2017 serait une des raisons derrière l’augmentation de cette affluence vers les établissements et universités privés.
Il y a lieu de noter que le nombre des universités et établissements d’enseignement supérieur privés s’est élevé à 202 en 2017.