Maroc

Karim Achengli : “Nous sommes une région qui produit, mais qui ne transforme pas assez”

 

Régionalisation avancée, état d’avancement du PDR, financement et endettement, position de la région sur le podium de la richesse nationale et industrialisation, Karim Achengli, président du Conseil régional de Souss-Massa, a fait le tour des dossiers devant assurer à la région un développement intégré et inclusif durant les années à venir. Détails.

Le PDR pour la période 2022-2027 a été récemment visé. Où en est la mise en œuvre de cette feuille de route ?  
Nous avons eu l’occasion de présenter notre PDR devant le ministre de l’Intérieur et son staff. De ce fait, notre feuille de route couvrant la période 2022-2027 a été exposée en mettant en exergue ses grandes lignes, ses aspects et ses déclinaisons sectorielles avec les programmes nationaux.

Au cours de cette séance, nous avons eu la chance aussi de présenter nous-mêmes le PDR. Une première dans la mesure où notre feuille de route a été exposée avec toutes les explications inhérentes et les arguments nécessaires.

Cette séance a permis aussi d’aborder les modalités du déploiement de ce PDR avec le programme gouvernemental qui fait partie aussi intégrante de notre vision. Et bien sûr, il a été question de défendre cette feuille de route qui demeure un document de planification important qui incombe bien sûr à la présidence du conseil, qui est voté par le conseil, mais qui reste une feuille de route qui est propre à la présidence puisque l’une des prérogatives majeures du président est de mettre en place une vision, une feuille de route et de la soutenir, la faire voter et la défendre devant les départements ministériels.

Le fait de retarder la mise en œuvre du PDR a-t-il eu un impact sur son déploiement ?  
Au contraire, lors de la présentation de ce PDR, qui a été aussi un moyen d’imposer notre leitmotiv, nous étions déjà à 52% de taux de réalisation de cette feuille de route. Indépendamment des facteurs (hors notre volonté) qui ont retardé la mise en place de ce PDR durant la première année du mandat, le rythme a été soutenu pendant deux années de travail à travers, d’une part, la mobilisation de budgets nécessaires, et, d’autre part, la contractualisation avec l’État. Cela a permis la mise en place de plusieurs programmes et projets de développement, entre autres projets structurants, entrepreneuriat, routes, mise à niveau des centres émergents au sein de la région en plus du programme de réduction des disparités territoriales et sociales en milieu rural.

De ce fait, beaucoup de choses ont été mises en place, ce qui constitue la force de ce PDR, car nous avons présenté un PDR déjà entamé. Parallèlement, malgré notre ambition d’atteindre 70% de notre PDR, nous restons réalistes, car nous ne pourrons jamais atteindre les 100%, compte tenu des procédures administratives qui sont très lentes, et sachant bien que le dernier PDR a été exécuté à 62%. Ceci demeure l’un des meilleurs taux de réalisation, alors que d’autres régions sont à peine à entre 25% et 27%.

Aujourd’hui, nous sommes à plus de 52% et il nous reste encore 18% pour les trois prochaines années à venir, ce qui reste très réaliste et réalisable dans le fond comme dans la forme. De surcroît, il y a aussi des contraintes liées aux partenaires et la mise en œuvre des conventions. À cela s’ajoutent la grande problématique de la décentralisation et le parcours administratif entre le territoire et le central qui fait que les procédures prennent beaucoup de temps.

L’une des contraintes majeures est le financement des projets inscrits au PDR. Comment comptez-vous pallier cette contrainte, surtout les engagements déjà pris dans le cadre d’autres programmes et la question de l’endettement ?
Il est essentiel de préciser que le taux d’endettement des conseils régionaux est plafonné à un seuil de sécurité qui ne doit pas dépasser les 28% de la capacité d’endettement des régions. Pour le cas de notre conseil régional, nous sommes à 16% d’endettement et nous disposons encore de la marge, soit 12% de la capacité pour réaliser les 18% restants de notre PDR durant les trois prochaines années, ce qui reste aujourd’hui très réalisable.

Concrètement, nous sommes garantis par l’État et nous avons un budget annuel. Donc, quand on enlève toutes les charges, notamment d’investissement et de fonctionnement, il reste l’excédent qui demeure notre marge de manœuvre. Les excédents, qui parfois, peuvent atteindre 200 à 300 MDH, sont un moyen d’aller chercher du financement à travers lesquels on peut lever des fonds et des garanties de l’État. Avec cette manne, on peut facilement lever 2 à 2,5 MMDH de financement auprès des bailleurs de fonds.

Donc, le problème du financement ne se pose pas quand la vision est réaliste. Il est clair que nous ne pouvons pas proposer aujourd’hui une feuille de route à plusieurs milliards de dirhams sans disposer de cette acuité et ce détail de marge d’endettement, puisque nos programmes se font par des levées de fonds. Nous sommes donc très prudent par rapport à ce paramètre.

Ce qui est important aussi, c’est que le ministère de tutelle est le contrôleur des territoires. Dès qu’on atteint un seuil d’endettement, il nous alerte et quand on atteint le plafond d’endettement qui nous incombe, nous sommes obligés de rentrer dans une phase d’attentisme et de nous maintenir, le temps de redresser la barre et de rabaisser le taux d’endettement.

Aujourd’hui, en dépit de traîner des arriérés d’endettement d’anciens conseils, tout en prenant en considération la nouvelle dette qui est un jeu d’écriture financière très important, nous arrivons à gérer avec les équipes financières cette question qui fait partie du jeu de la gestion de l’administration des territoires. Ensuite, il y a bien sûr, dans le cadre de cette contractualisation entre l’État et la région, les partenariats avec les départements ministériels qui sont le fondement essentiel du PDR avec des apports de fonds.

Généralement, pour tous les projets qui sont faits au niveau des territoires, la contribution de la région peut aller jusqu’à 50% pour les programmes structurants comme elle peut aller à 20% pour les prérogatives partagées avec certains départements ministériels.

La région Souss-Massa occupe une place presque constante en tant que 6e région créatrice de richesse au niveau national et l’un de vos objectifs est de faire avancer la région en termes de croissance. Comment comptez-vous y arriver ?  
Aujourd’hui, nous sommes 12 régions qui cherchent à avoir la meilleure place au podium de la richesse nationale. Pour notre région, l’indice majeur est le PIB qui est calculé sur la base de la valeur ajoutée générée par la région. Et qui dit valeur ajoutée, dit forcément création d’emplois en relation avec la résorption du taux de chômage et la transformation industrielle qui peuvent faire gagner à la région des points en termes de PIB national.

Pour cela, il est essentiel de travailler l’attractivité territoriale en cherchant des investisseurs qui veulent s’implanter dans la région et mobiliser le foncier industriel tout en commercialisant notre zone d’accélération industrielle en conformité avec la charte d’investissement mise en place et notre feuille de route.

De plus, la région apporte aussi son appui complémentaire à cet arsenal à travers sa propre subvention d’attractivité en ciblant l’ensemble du territoire de la région et en s’appuyant également sur notre intelligence collective en symbiose avec l’ensemble des acteurs et les noyaux sectoriels de notre économie.

Pourquoi le secteur secondaire peine à se développer au niveau de la région d’Agadir Souss-Massa ?  
Aujourd’hui, nous sommes culturellement une région qui produit, mais qui ne transforme pas assez. De ce fait nous avons tout un intérêt à transformer ce nous produisons, notamment les produits agricoles et halieutiques en plus des services touristiques.

Cette dimension est liée à un aspect essentiel qui est l’investissement industriel. Il est essentiel de convaincre des locomotives à s’installer dans la région à condition de faciliter le service lié au transit et à l’export, notamment le développement de voies maritimes et l’enceinte portuaire.

Dans ce sens, la clé de voûte est de réussir notre stratégie portuaire à travers un port de commerce totalement performant en termes de connexions maritimes, avec des espaces suffisants de conteneurisation pour le commerce extérieur et des tarifs compétitifs avec des subventions d’équilibre par rapport aux autres ports.

Quel regard portez-vous sur la régionalisation avancée et surtout la mise en œuvre de la décentralisation ?  
La régionalisation avancée est un chantier crucial avec un nouveau mode de gouvernance territorial. Beaucoup de pays ont adopté ce modèle, mais qui n’ont pas tous réussi. C’est pour dire que la mise en application est difficile sur le terrain. Ce choix de gouvernance adopté par le Maroc avec ses 12 régions est un grand pas en avant. Actuellement, ce sont les territoires qui portent l’avenir du Maroc entre leurs mains.

Pour pouvoir réussir le développement intégré des territoires, le facteur «temps» est fondamental en matière de procédures administratives. Quand on a une lenteur liée à la non-décentralisation des procédures, forcément le processus est grevé rien qu’en prenant l’exemple des échéances des conventions et leurs validations, d’où la nécessité de décentraliser les services au profit des territoires à travers un transfert de compétences vers l’autorité territoriale et locale, alors que la déconcentration est lié à la confiance dans l’élite politique régionale et locale. Au Maroc, on dispose de modèles de décentralisation réussie, notamment le ministère de l’Agriculture à travers les offices de mise en valeur agricole qui ont une marge de manœuvre en traitant directement avec les opérateurs territoriaux, ce qui facilite énormément la résolution de problèmes.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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