Ismail Loubaris : “La démocratisation du voyage, un enjeu majeur”

S’exprimant sur l’importance du tourisme interne, Ismail Loubaris, directeur commercial & marketing pour l’Afrique du Nord du Groupe Accor, a fait le point sur la place qu’accorde le groupe Accor à ce segment et la nécessité de démocratiser le voyage au Maroc tout en régionalisant le calendrier des vacances scolaires…

Le tourisme interne a toujours été considéré comme étant le parent pauvre des précédentes feuilles de routes touristiques. Quelle place accorde le groupe à ce segment dans le cadre de sa stratégie commerciale et touristique ?
Je suis désolé de devoir commencer cet échange en exprimant mon désaccord profond avec cette affirmation. Le tourisme interne est notre premier marché. Il représente, à fin avril, 28% des nuitées réalisées dans les établissements d’hébergement classés au Maroc. C’est également le marché qui connaît la croissance la plus forte depuis 2010, la taille de ce segment a plus que doublé.

Durant la dernière crise majeure, le marché domestique a fait preuve d’une grande résilience et le potentiel de développement reste très important. Accor au Maroc, c’est aujourd’hui plus de 40 hôtels opérant sous 11 marques différentes et offrant ainsi une capacité totale avoisinant les 6.500 lits. La diversité de notre portefeuille avec des marques comme Ibis, Novotel, Mercure, Mövenpick, Sofitel ou encore Fairmont, nous permettent de répondre aux besoins de plusieurs segments de clientèle allant du luxe à l’économique en passant par le premium et le milieu de gamme.

Durant la période difficile de la crise sanitaire, nous avons imaginé une nouvelle façon de voyager pour les Marocains et les étrangers résidents au Maroc avec «ALLFBLADNA», une initiative qui a pour but de donner envie aux voyageurs marocains ou résidents de (re)découvrir leur pays. Ce projet a renforcé nos convictions et nos ambitions quant à l’immense potentiel touristique de notre pays et l’envie de voyage très forte chez notre clientèle domestique. Nous proposons ainsi aux voyageurs de découvrir le Maroc, à travers des itinéraires conçus spécialement et empreints des valeurs de solidarité, de partage et de créativité qui nous sont chères. Nous avons souhaité associer la puissance de notre programme de fidélité ALL (Accor Live Limitless) à la richesse et la diversité qu’offre notre pays, ce qui a donné ALLFBLADNA.

Avec les prochaines vacances de la saison estivale, l’été «marocain» s’annonce très prometteur, malgré le contexte d’inflation. Quels seront les leviers à activer par le groupe Accor Maroc afin de drainer les flux internes vers les différentes marques du groupe ?
Grâce aux efforts continus de développement de nos marques et des expériences proposées à nos clients, nous souhaitons permettre au plus grand nombre de s’évader, de voyager et de s’imprégner de la richesse de notre pays. Chez Accor, nous disposons d’une offre répondant à tous les budgets et à toutes les envies avec l’une des plus belles collections de marques dans l’industrie du voyage. La démocratisation du voyage représente un enjeu majeur, notamment à travers la diversification de l’offre d’hébergement, d’animation, de restauration et l’ensemble de l’écosystème.

Depuis le lancement en 2003 du programme Kounouz-Biladi et d’autres actions, cette opération n’a pas fait l’objet d’une forte adhésion de la part des hôteliers. Avec la mise en place des chèques-vacances, dans le cadre du PLF 2024, quelle incidence sur les segments hôteliers de votre groupe ?
Il y a un véritable travail en profondeur qui est nécessaire pour donner vie à un concept qui nous tient à cœur, c’est le droit aux vacances. Un grand nombre de Marocains prennent aujourd’hui certes un congé, mais ne partent pas en vacances. Le programme cité dans votre question est salutaire car il vient répondre à une véritable problématique de manque d’offre d’hébergement classé adaptée à une large catégorie de nos concitoyens. Il est essentiel que les pouvoirs publics s’intéressent à ce sujet car le secteur privé ne pourra à lui seul apporter les solutions à cette carence structurelle. Par ailleurs, d’autres mécanismes existent pour développer le pouvoir d’achat voyage des Marocains, notamment via les mesures incitatives des chèques-vacances ainsi que par le lissage des périodes de vacances afin de réduire les périodes de forte pression sur la demande et rendre l’offre plus accessible.

A votre avis, quelles sont les caractéristiques de la clientèle interne qui séjourne dans les établissements d’hébergement touristique appartenant au groupe Accor ?
Grâce à notre réseau diversifié comptant près de 6.500 chambres au Maroc et réparties sur tout le territoire, nous touchons des segments de clientèles très différents, aussi bien pour le voyage d’affaires que de loisir, les célébrations, les grands événements culturels, sportifs et les congrès. Nous recevons de plus en plus aujourd’hui des clients nationaux ou résidents à la recherche de nouvelles manières de voyager et de découvrir les richesses du Maroc. Je pense, notamment, aux voyageurs à la recherche d’expériences dans l’écotourisme, le tourisme sportif et d’aventure, le tourisme de santé et du bien-être qui sont aujourd’hui des niches offrant un véritable potentiel de croissance. Par ailleurs, une part non négligeable de notre clientèle est aujourd’hui ce que l’on peut qualifier de clientèle de proximité et qui vient profiter de notre offre hors hébergement tels que les restaurants, les piscines, les spas ou qui viennent assister à des événements artistiques ou culturels. Avec la démocratisation du télétravail, nous avons également vu émerger, notamment sur notre segment économique, une clientèle qui se donne rendez-vous pour travailler et organiser ses réunions dans nos hôtels.

Au-delà de l’épineuse question d’adaptation de l’offre aux besoins et attentes du tourisme domestique, comment peut-on sortir ce segment de la saisonnalité qui le caractérise en matière de calendrier de vacances pour profiter pleinement de son potentiel ?
Il est indéniable que la régionalisation du calendrier des vacances scolaires ou le lissage des périodes de forte demande joue un rôle clé dans la stimulation de la demande du tourisme interne et permettra de rendre l’offre plus accessible et plus adaptée au pouvoir d’achat des familles marocaines. Il est également important de noter que le comportement des voyageurs peut avoir un impact significatif sur le montant final de la facture voyage, nous encourageons nos clients à anticiper autant que possible leurs projets de voyage pour pouvoir bénéficier d’offres plus avantageuses.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO