Fonction publique. Une vision stratégique en gestation
Il ne faut plus naviguer à vue en matière de gestion des ressources humaines de l’administration publique. Une vision stratégique est en cours de préparation pour la réforme de la fonction publique. Mohamed Benabdelkader entend visiblement enterrer le système actuel qui n’est plus réformable. Plusieurs scénarios sont envisagés.
La réforme de l’administration devra aller de pair avec celle de la fonction publique. On aura beau améliorer et faciliter les procédures administratives, le changement escompté ne sera pas au rendez-vous tant que le dossier des ressources humaines ne sera pas pris à bras le corps. Contacté par Les Inspirations ÉCO, le ministre de la Réforme de l’administration et de la fonction publique Mohamed Benabdelkader souligne la nécessité de se doter d’une vision claire sur la réforme de la fonction publique pour mettre fin au système actuel qui a montré ses limites. Le dossier est en cours de préparation et la vision stratégique devra être arrêtée dans trois mois après concertation avec les composantes de la coalition gouvernementale et les partenaires sociaux qui refusent de toucher aux acquis des fonctionnaires. Accorder les violons autour d’un nouveau modèle s’avère une mission on ne plus compliquée face au bras de fer des syndicats et à la culture enracinée au sein de la fonction publique mais le jeu en vaut la chandelle. Le système actuel qui est basé sur la gestion des carrières est obsolète et n’est plus réformable. C’est en tout cas la ferme conviction de Benabdelkader. Une énième révision du statut général de la fonction publique ne permettra pas, selon lui, d’atteindre les objectifs escomptés. Il faut plutôt procéder à une refonte globale du texte qui remonte à plus de soixante ans et élaborer une loi-cadre réglementant le secteur. À quoi devra ressembler le nouveau modèle ? Le ministère de la Réforme de l’administration et de la fonction publique planche sur les scénarios possibles. Va-t-on s’orienter vers un système qui maintiendra la gestion des carrières tout en introduisant des mécanismes de gestion des compétences ? Ce premier scénario prône une réforme progressive pour réussir la transition et éviter le changement brutal qui risque de déstabiliser le système. Un autre scénario consiste à basculer directement vers un système basé sur la gestion des compétences. La mise en œuvre de cette réforme est compliquée et nécessite plusieurs préalables notamment un changement radical du système actuel de grades (échelles, échelons…) qui devra être remplacé par un autre système basé sur de nouveaux critères. La structure de la hiérarchie pourrait être composée de trois niveaux uniquement : la haute fonction publique, la fonction publique médiane et l’exécution. Le système de promotion devra être revu. Actuellement, un fonctionnaire grimpe dans les échelles au fil de sa carrière sans prise en considération du niveau de ses compétences. Le nouveau modèle devra faire basculer ce paradigme. Avec la gestion des compétences, la promotion devra être intimement liée au rendement, à la productivité et au savoir-faire. Un fonctionnaire devra facilement changer de poste et de mission. Même la conception de la responsabilité est à revoir. À titre d’exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir une équipe pour décrocher un poste à responsabilité. On pourrait être promu en fonction du rendement et de la gestion des projets. Il faut aussi unifier les statuts de la fonction publique qui est composée actuellement de plusieurs corps pour pouvoir homogénéiser le secteur et atteindre l’équité salariale tant espérée. À cet égard, le référentiel des emplois et des compétences de l’administration publique devrait permettre non seulement la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences mais aussi l’unification des critères de recrutement et la facilitation de la mobilité surtout avec l’implémentation de la déconcentration administrative mais il faut dire que le dossier de la mobilité qui est en panne depuis des années n’est pas facile à gérer, du moins pour le moment. Il s’agit d’une réforme mort-née. L’application du décret y afférent (édité en 2015) est au point mort malgré les mesures mises en place dès 2016 notamment la bourse des fonctionnaires qui devait être composée de profils mis par certaines administrations à la disposition d’autres départements de la fonction publique. Le manque de volonté des administrations est pointé du doigt. Les responsables dans les différentes administrations brandissent la carte sociale pour éviter la mutation de leurs fonctionnaires bien que certaines administrations enregistrent un surplus en ressources humaines. Que faut-il faire ? Pour le ministre de tutelle, il ne faut pas déstabiliser la vie familiale des fonctionnaires mais en même temps il faut changer la culture actuelle du fonctionnariat et promouvoir la doctrine du service public.
Un rythme long de la réforme
La réforme de l’administration et de la fonction publique accuse un retard abyssal. Le ministre chargé de la Réforme de l’administration et de la fonction publique pourra-t-il réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ? Tout dépend de l’implication des différents acteurs car il s’agit d’un secteur transversal. En tout cas, il faut mettre le chantier sur les rails, comme le souligne Mohamed Benabdelkader. «Je ne tiens pas à avoir les fruits de la réforme dans l’immédiat. L’important est de définir une vision et des objectifs clairs pour l’administration», précise-t-il. Avant de prendre des mesures, il faut fixer les desseins escomptés et calculer les retombées afin d’éviter les erreurs du passé.