Estevanico, le marocain devenu chaman chez les amérindiens
Tout juste quelques années après que Christophe Colomb eut découvert l’Amérique, la couronne d’Espagne dépêche des explorateurs découvrir les secrets du nouveau monde. Parmi eux, se trouve un Marocain, Mustafa Zemmouri, alias Estevanico, dont le destin est digne des plus grands romans d’aventures. Premier Africain à avoir foulé le nouveau monde. Sa célébrité, aussi bien chez les conquérants que chez les autochtones, fera que son nom sera cité dans les chroniques de son temps, perdurant ainsi dans l’histoire.
Il commence son aventure en tant qu’esclave, sa ville natale, Azemmour, située à quelques kilomètres de Mazagan (actuelle El-Jadida) était une enclave portugaise, les natifs de la région étant souvent arrêtés et vendus en tant qu’esclaves, Mustafa a été vendu en tant qu’esclave. Son « propriétaire » n’est autre qu’Andrés Dorantes de Carranza, un noble Espagnol qui fut l’un des premiers explorateurs du nouveau monde.
Andrés Dorantes de Carranza s’embarqua en 1527 en tant que capitaine dans l’expédition menée par l’explorateur Pánfilo de Narváez pour la Floride. Mustafa a été élevé en tant que musulman, mais le royaume d’Espagne n’autorisait pas aux non-catholiques à se rendre dans le Nouveau Monde, il fut baptisé et nommé Esteban, d’où son surnom Estevanico (le petit Esteban). La flotte prit la mer à Sanlúcar de Barrameda, le 17 juin 1527, avec cinq navires et six cents hommes commandés par Narváez.
À leur arrivée, et après des tentatives infructueuses de recherche de villages aurifères près de la baie de Tampa actuelle et de nombreuses attaques d’Amérindiens, les survivants, dont le nombre décroissait, ont dû tuer leurs chevaux, ont fait fondre les métaux des brides et des étriers, et ont fabriqué cinq bateaux pour tenter de traverser le Golfe du Mexique et atteindre la principale colonie espagnole. Après que la flotte eut été entrée dans le Golfe du Mexique, une tempête la fit couler près d’une île située au large de Galveston et 80 hommes ont survécu. Avec le temps, la plupart des hommes, furent noyés, ou moururent de faim, ou avaient été tués par les autochtones. Finalement, seuls Estevanico, Dorantes, et les deux capitaines de Vaca et Castillo ont survécu, et ont passé quatre ans en esclavage sur les îles-barrières du Texas.
Le Chaman guérisseur
En 1534, ils parviennent à s’échapper dans l’intérieur des terres américaines. C’est ainsi que commence une phase importante de la vie d’Estvanico, celle de guérisseur respecté et vénéré par les tribus amérindiennes. En effet, de par sa connaissance des plantes médicinales, Estavanico devient guérisseur auprès des tribus d’autochtones sur leur chemin. En tant que tel, il a été traité avec beaucoup de respect lui et ses compagnons et ont reçu de la nourriture, un abri et des cadeaux, et les villageois ont organisé des fêtes en leur honneur. La légende dit qu’Estevanico fut déité par les tribus amérindiennes, en raison de son grand savoir en ce qui concerne les herbes et les remèdes, et qu’il fut aussi un polyglotte remarquable, capable d’apprendre en quelques semaines la langue des différentes tribus indiennes.
Quand il décide, lui et les siens, de partir, les habitants du village hôte les guidaient vers le prochain village. Parfois, 3.000 personnes les suivaient jusqu’au prochain village. Le groupe a traversé le continent jusqu’à l’ouest du Mexique, dans le désert de Sonora en Nouvelle-Espagne (aujourd’hui le Mexique), où ils ont été retrouvés par un groupe d’Espagnols chasseurs d’esclaves.
Après avoir entendu que des naufragés espagnols étaient arrivés sur ses terres, le gouverneur de la Nouvelle-Galice, Nuño Beltrán de Guzmán leur fournit des chevaux et des vêtements et en informa le vice-roi de Nouvelle-Espagne, Antonio de Mendoza à Mexico. Les récits des quatre survivants au sujet des riches tribus indigènes du nord, ont suscité un émoi chez le vice-roi et les Espagnols au Mexique Ainsi, lorsque les trois Espagnols ont refusé de diriger une expédition, Estevanico qui, entre-temps a été vendu ou donné à Antonio de Mendoza, a été nommé malgré lui comme guide lors des expéditions dans le Nord.
Les expéditions du nord et la fin d’Estevanico
En 1539, Estevanico accompagna le frère Marcos de Niza, en tant que guide à la recherche des sept légendaires cités d’or de Cibola, précédant d’un an l’expédition de Coronado. Estevanico a précédé le groupe principal avec un groupe d’Indiens de la tribu Sonora. Il a été chargé de communiquer en renvoyant des croix au groupe principal, la taille de la croix égalait à la richesse découverte. Un jour, une croix, qui était aussi haute qu’une personne, est arrivée, ce qui a poussé de Niza à accélérer le pas pour rejoindre les éclaireurs. Estevanico était entré dans le village Zuni (tribu indienne) de Hawikuh (au Nouveau-Mexique actuel).
Les Zuni l’auraient tué vraisemblablement, parce qu’il avait été pris pour un mauvais sorcier, étant noir et portant des plumes de hibou et des hochets, ils auraient ensuite expulsé les Indiens du Mexique qui l’accompagnaient du village. Après avoir vu cela, De Niza est rapidement retourné en Nouvelle-Espagne.
Selon d’autres versions, les Zunis n’avaient pas tué Estevanico, mais étant devenu leur ami, ils avaient simulé sa mort pour qu’il puisse s’affranchir de l’esclavage. Certaines légendes du folklore disent que la figure de, Chakwaina dans la mythologie des Indiens du Nouveau-Mexique, est basée sur Estevanico. Il a également inspiré plusieurs romans et récits d’aventures, et plusieurs personnages de fictions, dont celui d’Estéban dans le célèbre dessin animé «Les Mystérieuses cités d’or».