Enseignement supérieur : ces défis qui entravent le développement
Bien qu’ils soient responsables de la formation des futurs leaders, professionnels et experts dans une variété de domaines, les établissements d’enseignement supérieur sont confrontés à de nombreux défis qui entravent leur capacité à remplir leur mission éducative.
On assiste en permanence à un développement spéctaculaire des filières universitaires, ce qui représente un grand défi pour les acteurs de l’enseignement supérieur. Entre embaucher des professeurs de haut niveau, suivre la mutation technologique, et fournir des infrastructures adéquates, il faut inlassablement innover pour rester dans la course.
Formation annuelle des enseignants
Pour avoir un travail qualitatif, il est fondamental pour Abderrahmane Farhat, directeur général de l’ESITH, que les enseignants bénéficient régulièrement d’un plan de formation annuel. «Tout évolue et on doit considérer l’institution de l’enseignement supérieur comme une entreprise. Les enseignants doivent participer à des conférences, à des salons professionnels, et ce, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, pour qu’il y ait justement cette veille». Il évoque également le besoin accru de l’évolution des programmes, de la formation et de la pédagogie. «On parle d’hybridation et de digitalisation des cours», note-t-il.
En effet, de nos jours, intégrer des usages numériques dans les pratiques de formation est devenu une nécessité, si ce n’est une obligation. «Il faut changer nos démarches classiques d’enseignement, on n’est plus dans le cours magistral, on parle même de l’introduction de l’intelligence artificielle. Fini le temps où l’enseignant était là pour donner un cours magistral, l’enseignant d’aujourd’hui est un coach», ajoute-t-il. Un autre obstacle est relevé par Hassan Sayarh, directeur général de HEM, celui des possibilités restreintes de permutation entre les cadres de l’entreprise et l’enseignement. «C’est-à-dire qu’aujourd’hui lorsqu’un cadre d’entreprise veut intégrer l’enseignement, cela lui est très difficile», fait-il savoir. Avant d’ajouter un autre élément préoccupant : «Lorsqu’on fait appel à un professionnel cadre qui a 30 ans d’expérience pour qu’il intervienne chez nous et qu’il soit responsable d’un cours, il faut qu’il ait un titre universitaire. S’il n’en a pas, on ne peut pas le faire intervenir». Est évoqué également le souci relatif à la réforme des programmes d’enseignement supérieur, qui demeure un défi complexe nécessitant une collaboration étroite entre les universités, les entreprises et les gouvernements. Les programmes d’enseignement doivent être adaptés pour répondre aux besoins du marché du travail.
L’importance des stages
S’il y a bien un point sur lequel tous les invités de la table ronde sont d’accord, c’est bien celui de l’importance des stages. «Il faut annuellement passer un à deux mois de stage en entreprise, pour un bon projet de fin d’études encadré, à la fois par l’entreprise d’accueil et par un encadrant de l’institution de formation». Cela est indiscutable pour Farhat. Créer une dynamique de stage est nécessaire, c’est ce qui permettra l’immersion des talents et de voir un peu la pratique de leurs compétences. «Cela nous permet également d’avoir un retour et rectifier lorsqu’il est nécessaire», note Sayarh. Il a également rappelé le dernier chiffre de la note du Haut-commissariat au Plan (HCP) qui révèle que 60% des jeunes diplômés du supérieur sont au chômage. «Cela fait mal au cœur», déplore-t-il. Il est vrai que certains étudiants négligent l’importance des stages. «Les entreprises sont très exigeantes par rapport à l’aspect l’expérience. Postuler quelque part avec zéro stage n’est pas du tout recommandé», indique Mohammed Zaoudi, directeur de l’IGA Maârif. Certains semblent visiblement ne pas subir cette contrainte, il peut même y avoir l’effet inverse. «De plus en plus d’entreprises nous appellent, intéressées par des étudiants en fin de formation pour un projet de fin d’études», fait savoir Abderrahmane Farhat, directeur général de l’ESITH. Le souci, c’est qu’au final, ces entreprises ne reçoivent personne. Cela s’explique par le fait que les étudiants ont plusieurs offres de la part de différentes entreprises, et se permettent de faire le choix qui leur convient. «C’est surtout les frustrations des entreprises qu’il faut gérer, parce qu’elles sont mobilisées pour accueillir des étudiants, et en fin de compte elles ne reçoivent personne», explique le DG.
La concurrence est rude
Dénicher de jeunes talents est une chose, les retenir et parvenir à libérer leur potentiel en est une autre. «La concurrence est accentuée par un certain nombre d’avantages qui vont au-delà du salaire», relève Hassan Sayarh. Il donne pour exemple le cadre, l’état d’esprit de l’établissement, mais aussi le contexte dans lequel on peut évoluer, et les possibilités de s’exprimer. «Ce sont ces éléments de différenciation qui vont permettre d’attirer plus ou moins tel ou tel profit. Il insiste également sur l’adaptation aux nouveaux outils techniques. Certains misent sur l’orientation, comme c’est le cas de l’IGA. «Nous avons mis en place la notion de P3 (professeur, permanent, principal), qui consiste à être très proche de l’étudiant afin d’identifier et détecter les lacunes et les besoins de chacun», explique le directeur général. Et d’ajouter que pour pouvoir effectuer ce travail, «il faut être exigeant dans le choix des enseignants, parce qu’au final, ils figurent en première ligne parmi les acteurs principaux qui oeuvrent à mettre sur le marché les jeunes talents», souligne-t-il. D’autres se basent sur deux règles fondamentales. «La première est de mettre l’étudiant au centre de toutes les réflexions et de toutes les préoccupations. La deuxième est la richesse de l’établissement, c’est son capital humain», relève, pour sa part, Abderrahmane Farhat. Il rejoint également ses confrères sur la nécessité de trouver les perles rares lors du recrutement.
Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO