Maroc

Egalité hommes-femmes : encore 1.549 réformes pour parvenir à une égalité juridique

L’égalité de traitement des femmes devant la loi est un sujet crucial pour la société moderne. Pourtant, les réformes visant à garantir cette égalité ont atteint leur niveau le plus bas depuis 20 ans. Ce manque de progrès pourrait avoir des conséquences économiques néfastes à un moment critique pour l’économie mondiale. 

Selon un nouveau rapport de la Banque mondiale, le rythme des réformes en faveur de l’égalité de traitement des femmes devant la loi a atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans. Ce qui risque d’entraver la croissance économique à un moment critique pour l’économie mondiale. Cette situation est inquiétante, car l’inégalité des sexes a des conséquences économiques directes.

Les femmes ne jouissent que de 77% des droits juridiques reconnus aux hommes
Les économies prospères reposent sur une main-d’œuvre qualifiée et diversifiée, mais qu’en est-il de la réalité ? En 2022, le score moyen mondial de l’indice, produit par le rapport «Les femmes, l’entreprise et le droit», n’a augmenté que d’un demi-point pour atteindre 77,1 sur 100. Cela signifie que les femmes ne jouissent en moyenne que d’à peine 77% des droits juridiques reconnus aux hommes. Le rapport note qu’au rythme actuel des réformes, dans de nombreux pays, une jeune femme qui entre aujourd’hui dans la vie active prendra sa retraite avant d’avoir pu obtenir les mêmes droits que les hommes.

«À l’heure où la croissance économique mondiale ralentit, tous les pays doivent mobiliser l’intégralité de leur capacité de production pour faire face à la confluence des crises auxquelles ils sont confrontés», souligne Indermit Gill, économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale et premier vice-président en charge de l’Économie du développement.

«Les États ne peuvent pas se permettre de mettre à l’écart près de la moitié de leur population. Le fait qu’une grande partie du monde n’accorde pas aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes constitue non seulement une injustice à l’égard de celles-ci, mais aussi un obstacle à la capacité de ces pays à promouvoir un développement vert, résilient et inclusif». Le rapport «Les femmes, l’entreprise et le droit (2023)» passe au crible les lois et règlements de 190 pays au regard de huit domaines qui influent sur la participation des femmes à la vie économique : mobilité, travail, rémunération, mariage, parentalité, entrepreneuriat, actifs et retraite. Les données, arrêtées au 1er octobre 2022, fournissent des repères objectifs qui permettent de mesurer les progrès réalisés à travers le monde en matière d’égalité juridique entre les sexes.

Aujourd’hui, seuls 14 pays — tous des économies à revenu élevé — ont atteint une parité juridique totale. Il en ressort que près de 2,4 milliards de femmes en âge de travailler dans le monde ne jouissent toujours pas des mêmes droits que les hommes. Or, en comblant l’écart entre les sexes, en matière d’emploi, le PIB par habitant pourrait augmenter à long terme de près de 20 % en moyenne. En outre, des études estiment entre 5.000 et 6.000 milliards de dollars les gains économiques mondiaux qui pourraient être obtenus si les femmes créaient et développaient de nouvelles entreprises au même rythme que les hommes.

Au moins 50 ans pour parvenir à une égalité juridique
En 2022, seules 34 réformes juridiques liées au genre ont été enregistrées dans 18 pays, soit le nombre le plus faible depuis 2001. La plupart de ces réformes visaient à augmenter la rémunération des congés payés pour les parents et les pères, à supprimer les restrictions au travail des femmes et à imposer l’égalité de rémunération. Il faudra encore 1.549 réformes pour parvenir dans l’ensemble du monde à une égalité juridique substantielle entre les sexes dans tous les domaines examinés par le rapport. Au rythme actuel, alerte le rapport, il faudrait au moins 50 ans pour atteindre cet objectif.

De même, une évaluation complète des progrès mondiaux réalisés en matière d’égalité des sexes devant la loi, au cours des 50 dernières années, a été fournie. Résultat, depuis 1970, le score moyen mondial de l’indice établi par le rapport a progressé d’environ 30 points, pour passer de 45,8 à 77,1 sur 100.

Durant la première décennie de ce siècle, l’égalité juridique entre les sexes a connu de fortes avancées : entre 2000 et 2009, plus de 600 réformes ont été introduites, avec un pic de 73 réformes au cours des années 2002 et 2008. Depuis lors, les dynamiques de réformes se sont essoufflées, en particulier dans les domaines qui concernent des normes établies de longue date, comme les droits des femmes à hériter et à posséder des biens. Le rapport montre aussi que les économies avec des disparités juridiques historiquement plus marquées ont connu des progrès plus rapides, surtout depuis 2000.

Le rapport révèle également que si les économies à revenu élevé de l’OCDE affichent actuellement le plus haut niveau d’égalité des chances économiques entre les sexes, les économies en développement ont continué de mener des réformes importantes. L’Afrique subsaharienne a accompli des progrès considérables l’année dernière, avec à son actif plus de la moitié des réformes enregistrées dans le monde en 2022: sept économies (Bénin, République du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Malawi, Ouganda et Sénégal) ont ainsi adopté 18 changements juridiques positifs.

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO



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