Croissance : le Maroc perd son investment grade
La nouvelle est tombée en fin de semaine dernière: à cause des effets de la crise sanitaire sur l’économie, l’agence Standard & Poor’s Global Ratings a abaissé ses notations en devises locales et étrangères à court et long termes sur le Maroc. Les perspectives sont toutefois stables, c’est-à-dire que le royaume pourrait bien s’en sortir. Décryptage…
Le Maroc a perdu son investment grade. La nouvelle est tombée le 2 avril dernier: l’agence Standard & Poor’s Global Ratings a abaissé ses notations en devises locales et étrangères à court et long termes sur le Maroc de BB+/B à BBB-/A-3, avec toutefois des perspectives stables. Une décision qu’elle explique par des raisons que tout le monde connaît, à savoir la forte récession qui a frappé l’économie marocaine, l’année dernière, et l’important déficit budgétaire qui en a également résulté. Selon l’agence, la contraction du PIB s’est située à 7,1% après l’actualisation des différentes estimations officielles. Autrement dit, à un cran au-dessus des 7% initialement avancés, ce qui confirme que, sous l’effet de la crise de la Covid-19, le royaume a été frappé par la plus lourde récession jamais enregistrée depuis plus de deux décennies.
Une récession sans pareil depuis plus de deux décennies
Cette «descente aux enfers» a été accélérée par la contreperformance du secteur primaire qui, pour la deuxième année consécutive, a été confronté à la sécheresse. La valeur ajoutée agricole s’est en effet repliée de 8,1% en 2020, contre une baisse de 5,8% l’année précédente et a fortement impacté le secteur primaire, qui a finalement dégagé une valeur ajoutée en repli de 7,1% en 2020 après une baisse de 4,6% en 2019, contribuant encore une fois négativement à la croissance du PIB de -0,9 point. Le secteur secondaire a fini 2020 avec une valeur ajoutée en baisse de 6,3%,e une contribution négative à la croissance du PIB de -1,6 point. Alors que le secteur tertiaire a affiché un recul de 6,8% contre une hausse de 3,8% en 2019, contribuant ainsi négativement à la croissance du PIB de -3,5 points. Cette situation inédite a conduit à la mise en place d’une Loi de finances rectificative qui a fait ressortir, à fin décembre 2020, un déficit budgétaire de 82,4 MMDH, représentant 7,6% du PIB. Selon S&P, la réduction de ce déficit sera probablement lente en raison «des garanties de l’État et des engagements qui en découlent qui pourraient se répercuter à l’avenir sur le budget».
Une reprise économique accompagnée de réformes structurelles
Malgré tout, l’Agence semble un brin optimiste pour le royaume car, explique-t-elle, «les perspectives stables du Maroc sont fondées sur l’attente d’une reprise économique qui, accompagnée par de nouvelles réformes structurelles sur les plans économique et budgétaire, permettrait de contrebalancer les pressions budgétaires». S&P poursuit dans la même lancée en déclarant que la note marocaine pourrait également s’améliorer si la transition en cours vers un taux de change plus flexible s’accélère, ce qui renforcerait la compétitivité du pays. Revenant sur d’autres raisons qui ont conduit à la baisse de la notation du royaume, S&P explique que «cette révision à la baisse reflète notre vision de la détérioration de la position budgétaire du Maroc à moyen terme. En effet, dans les quatre ans à venir (2021-2024), le Maroc enregistrera des déficits budgétaires plus élevés que prévu. La dette publique atteindra ainsi 72% du PIB. Parallèlement, ajoute l’agence, les risques budgétaires liés aux garanties dec l’Etat accordées aux entreprises publiques et privées vont augmenter. Bref, selon S&P, le royaume devrait travailler à l’amélioration de ses indicateurs de croissance et budgétaire. C’est, dit-elle, sur ces deux principaux critères que se fondent ses notations. En attendant, S&P prévoit une croissance de 5% en 2021 et un retour au même niveau du PIB de 2019 en 2022. Toutefois, le rebond attendu dépendra du moment où les effets de la pandèmie s’atténueront dans le pays et chez les partenaires du royaume. La reprise du tourisme et des exportations dépendra aussi de ce moment. Mais déjà, la perspective d’une bonne campagne agricole est une bonne nouvelle. Globalement, le tableau dressé par S&P est positif, si l’on regarde du côté des perspectives de reprise économique.
Aziz Diouf / Les Inspirations Éco