Contrôle fiscal : «Il faut s’y préparer en amont»

Les Inspirations ÉCO : Quelles sont les raisons qui peuvent déclencher un contrôle fiscal ?
Mohamed El Jerari : Le contrôle fiscal est une des missions dévolues par le législateur à l’administration fiscale. Celle-ci trouve sa raison dans l’article 210 du CGI « Droit de Contrôle ». La déclaration, une fois déposée par le contribuable, subit les premiers traitements au niveau de l’agent des impôts gestionnaire du dossier fiscal du contribuable relevant du secteur des services de l’Assiette. Il s’agit d’un contrôle dit sur pièces qui consiste à vérifier notamment : les délais de souscription de la déclaration, les erreurs et discordances éventuelles qui pourraient entachée sa forme ainsi que le caractère suffisant des bases de calcul de l’impôt déclaré et payé spontanément. Depuis, le 1er janvier 2017, il y a eu la généralisation de la déclaration électronique qui permet l’automatisation du processus du contrôle et de sa démocratisation. Le nouveau processus permet un gain de temps appréciable et offre des indicateurs de détection de déclarations pouvant être à l’origine d’une proposition de contrôle. Parmi ces indicateurs d’alerte : Une baisse significative des taux de marges par rapport à ceux déclarés par le passé, ou par rapport à ceux observés dans le secteur d’activité du contribuable ; des incohérences au niveau des soldes comptables ou discordances et erreurs pouvant entacher la déclaration du contribuable; des baisses des bases d’imposition suite à des changements de méthodes comptables ; des déficits chroniques déclarés sur de longues périodes ; des erreurs dans le tableau de passage du résultat comptable au résultat fiscal ; des reports de déficits d’exploitation au-delà de la période requise par la loi ou des crédits de TVA devenus sans objet ; des informations externes pertinentes et vérifiables dont elle peut disposer par les voies légales.
Le contrôle fiscal prend différentes formes. Pouvez-vous les résumer ?
Deux types de contrôle existent : Le contrôle sur pièces et le contrôle sur place. La première forme de contrôle, dite sur pièces, soulignée ci-dessus se rapporte à l’examen critique des déclarations basé sur des recoupements d’informations et de données annexes propres aux dites déclarations. La deuxième forme étant le contrôle sur place. Cette forme trouve son soubassement juridique dans l’article 212 du CGI. Cette forme de contrôle s’inspire des normes de l’Audit généralement admis puisqu’il est question de vérifier la sincérité des écritures comptables et la réalité des biens figurant à l’actif du bilan du contribuable.
La différence est que le contrôle fiscal s’accompagne de sanctions pécuniaires mises à la charge du contribuable pour les chefs de redressement soulevés. Cette deuxième forme de contrôle prend trois aspects : la vérification inopinée ou droit de constatation ; la vérification partielle et la vérification générale. Le droit de constatation permet de constater des éléments physiques de l’exploitation ou l’existence effective des documents comptables. Il trouve son soubassement juridique dans l’article 210 alinéa 5 du CGI pour s’assurer de la présence de documents professionnels se rapportant à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l’exploitation. La vérification partielle est une vérification ciblée, elle peut se limiter, à l’examen sur place d’un ou plusieurs impôts ou taxes, ou même un ou plusieurs postes d’un bilan. Elle permet un gain de temps appréciable pour l’Administration ce qui renforce sa présence chez un nombre important de contribuables et maximise le rendement attendu du contrôle.
La vérification partielle peut être transformée, après avis envoyé au contribuable, en vérification générale qui doit tenir compte des résultats de la première vérification. La vérification générale porte sur tous les impôts et taxes afférents à la période non prescrite soit les quatre derniers exercices comptables, sous réserve que les déclarations aient été déposées et le résultat fiscal du premier exercice non prescrit (N-4) ne soit ni déficitaire ni présentant un crédit de taxe.
Comment peut-on prévenir cette procédure qui fait peur aux Entreprises ?
La meilleure façon de s’en prévenir est, à mon avis, de bien s’y préparer. Une telle préparation ne pourrait être possible lorsque l’avis de vérification est déjà envoyé ou remis au contribuable. En effet, il y a lieu de s’organiser suffisamment en amont et de s’assurer que la comptabilité, de laquelle est issue la ou les déclarations objet de vérification, est tenue de façons régulière conformément aux dispositions de la loi 9-88 relative aux obligations comptables des commerçants et du Code de Commerce. Une comptabilité bien tenue en la forme et étayée de pièces justificatives probantes devrait faciliter le déroulement de la procédure de contrôle et éviter au contribuable un éventuel rejet de la comptabilité ce qui ouvrira à l’Administration le droit de rectifier les bases d’imposition selon les informations dont elle dispose.
Dès que le contrôle fiscal est déclenché, comment peut-on faire pour défendre ses intérêts ?
À mon avis, la meilleure façon de défendre ses intérêts est de se faire accompagner par un conseil spécialisé. Il s’agit là d’un des droits du contribuable consacré par l’article 212 II du CGI qui offre au contribuable la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. Le rôle du conseil en tant que praticien est d’apporter son assistance à son client sur la procédure et les voies de recours, l’assister dans le cadre des répliques aux notifications de l’Administration et lui prodiguer avis et conseils sur ses chances de gagner un contentieux fiscal ou s’il est plutôt préférable de rechercher les possibilités de conclure un accord amiable avec l’Administration pour éviter le coût d’une procédure longue et coûteuse.
Si l’entreprise doit payer des pénalités, comment peut-elle négocier avec les services de l’Administration fiscale ?
Les pénalités et intérêts de retard sont fixés par le CGI. L’Administration fiscale, dans le cadre d’un accord amiable demandé par le contribuable, pourrait renoncer dans certains cas à une partie des pénalités. L’accord est alors, conclu et accepté par le contribuable qui du fait de l’accord renonce aux voies de recours que la loi lui permet.