Maroc

Comptabilité extra-financière : la guerre des normes aura lieu

Sur les grandes places financières, les sociétés cotées sont désormais tenues de produire systématiquement des rapports extra-financiers. L’Europe planche déjà sur les normes de comptabilité climatique. L’ex-IASB, émetteur des standards IFRS, a également annoncé un pack de référentiels. La protection de la planète fait une entrée fracassante dans les comptes  des entreprises.

La dimension écologique est désormais partout, y compris au cœur des travaux des états généraux de la recherche comptable en France, lesquels se sont tenus à Paris, jeudi 14 avril, au Centre de conférences Pierre Mendès France.

En amont, la question que se posent de plus en plus les investisseurs est la suivante : comment lier critères financiers et extra-financiers dans une décision d’investissement ? Aux ratios habituels (TRI, taux de rendement, rentabilité, profitabilité…) se greffent des normes RSE dotées de la même pondération que les critères financiers. Dans l’arbitrage, la variable RSE devient essentielle durant toute la vie du projet.

Directrice financière et membre du Comex de la société de l’immobilier professionnel Icade, Victoire Aubry confirme : «Si ce n’est pas le cas à l’instant où l’on investit, nous apprécions le potentiel de transformation et notre capacité à le faire évoluer au meilleur standard de marché en matière de RSE.»

Dans tous les critères, sont inclus des investissements, des montants et des coûts qui retracent l’amélioration de la performance énergétique de nos actifs, ajoute-t-elle.

Qui de Bruxelles ou de l’IASB l’emportera ?

Le récent rapport du GIEC sur les menaces qui pèsent sur la planète ne laissent guère de temps aux entreprises pour «se mettre en conformité», au risque de se voir fermer l’accès au marché des capitaux ou de se financer à des conditions très onéreuses.

En coulisse, la bataille de la normalisation comptable et financière a déjà commencé. L’IASB est l’émetteur des normes IFRS, d’inspiration américaine, utilisées dans les comptes consolidés dans plus des deux tiers de la planète. Sur la comptabilité environnementale, il semble que l’Europe n’entend pas se laisser «dicter» la doctrine de Wall Street, d’autant plus qu’elle estime être en pointe dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Fixer des normes, c’est avant tout une question de souveraineté et de soft power, explique un professeur présent aux états généraux de la recherche comptable. Sur les normes financières, Bruxelles, et une grande partie du reste du monde, ont capitulé depuis longtemps face à la puissance économique des États-Unis : c’est l’IRFS qui établit les normes mondiales.

Sur le papier, ni l’Europe, ni le reste du monde ne sont tenus d’adopter les référentiels IFRS, mais, en pratique, la plupart des pays les ont toujours intégrés dans leur doctrine.

Qui tiendra le lead dans la problématique des normes «extra-financières», donc de la façon dont les entreprises vont structurer leur reporting sur les sujets environnementaux et sociaux ? La nécessité de passer à une comptabilité extra-financière ne se discute pas, mais reste à en définir les standards.

Au niveau européen, nous avons un certain nombre d’initiatives comme la taxonomie ou encore les travaux relatifs à la refonte de la directive sur le reporting non financier des entreprises (NRFD) en une directive sur le reporting développement durable (CRSD), qui va définir de façon précise les indicateurs que les entreprises devront présenter au marché.

L’institut européen travaillant sur le sujet s’appelle l’EFRAG. L’Europe va-t-elle devoir se soumettre à des normes internationales alors qu’elle conçoit les siennes ? On peut se demander si la question a un intérêt.  En réalité, elle revêt une importance capitale puisque les visions européenne et anglo-saxonne sont très différentes.

Deux approches différentes

L’Union européenne est en train de mettre en place les ressources pour réaliser cette normalisation extra-financière. Le problème, c’est qu’au niveau global, le même travail est en train d’être fait : l’IRFS (l’ex-IASB) a annoncé à Glasgow, lors de la COP26, la création de l’ISSB (International sustainability standards board), ayant pour vocation de mettre au point ces normes environnementales et sociales au niveau mondial.

L’Europe se base sur le principe de double matérialité en analysant les choses dans les deux sens : on étudie d’abord l’impact que la nature peut avoir sur l’entreprise (les risques extra-financiers supportés par l’entreprise) et en quoi le climat peut avoir un impact sur sa rentabilité de l’entreprise. On étudie ensuite l’impact de l’entreprise sur le climat.

C’est donc une philosophie très différente. La double matérialité sera au cœur des batailles de normalisation dans les mois à venir. Demain, les mondes financier et extra-financier seront parallèles. Les sociétés cotées sont maintenant obligées d’établir des reportings extra-financiers aussi épais que les reportings financiers.

Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO


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