Cession de terrain/ wali de Rabat : Les dessous de la polémique
L’affaire de cession d’un lot de terrain au wali de la Région Rabat-Salé-Kénitra à un prix très bas prend une nouvelle dimension après l’entrée en jeu des ministres de l’Intérieur et des Finances. Éléments de réponse.
Abdelouafi Laftit est au cœur d’une polémique qui fait grand bruit depuis le week-end dernier. Selon des documents largement diffusés dans les réseaux sociaux, le wali de la Région Rabat-Salé-Kénitra aurait bénéficié d’un lot de terrain, propriété du Domaine public, relevant du ministère des Finances, à un prix insignifiant. Il s’agit d’un terrain de 3.755 m², sis Route des Zaërs, à Rabat, pour seulement 350 DH le m². Un prix jugé très bas.
Aussitôt, plusieurs acteurs politiques se sont saisis de l’affaire pour dénoncer cet «abus». Les députés USFP, Mehdi Mezouari et Hassan Tariq sont très actifs et réactifs sur les réseaux sociaux en annonçant leur intention de saisir la Primature et la Cour des comptes. Le groupe des députés du PJD, quant à lui, est passé directement à l’acte ; son président, Mohamed Yatim, a saisi l’opportunité en adressant des questions aux ministres de l’Intérieur et des Finances au sujet de «la base juridique de cette cession ainsi que le conflit d’intérêts qu’elle laisse sous-entendre».
Mise au point
La réponse des deux ministres en question ne s’est pas fait attendre. Mohamed Hassad et Mohamed Boussaid se sont fendus d’un communiqué pour remettre les pendules à l’heure. «Afin d’éclairer l’opinion publique sur les allégations et les accusations tendancieuses contre le wali, la parcelle, objet de cette campagne de diffamation, fait partie d’un lotissement destiné aux fonctionnaires et aux commis de l’État depuis le règne de feu SM le Roi Hassan II, que Dieu ait son âme», précise le communiqué conjoint des deux ministres.
Le prix et les conditions d’acquisition de ces parcelles du domaine public sont ainsi fixés par un décret du premier ministre du 26 décembre 1995. Pour les deux ministres, «il aurait été plus correct de demander l’amendement de ce texte au lieu de diffamer un haut responsable reconnu par sa compétence et son dévouement pour l’intérêt général». Et de conclure : «Il devient clair, si besoin est, qu’il s’agit d’une campagne électorale prématurée visant à engranger des gains électoralistes étriqués sous prétexte de mettre en œuvre les règles de la bonne gouvernance et éviter l’incompatibilité entre les intérêts personnels et les responsabilités publiques». Le communiqué des deux ministres est en fait en déphasage avec le vif du sujet.
Les deux ministres inscrivent le débat sur un plan légal en défendant et justifiant les bases juridiques de la cession. Les dénonciateurs, eux, se posent des questions la légitimité de la transaction et l’abus de pouvoir qu’elle laisse sous-entendre. Pour Hassan Tariq, «la réponse des ministres est plus scandaleuse que la cession elle-même».
Aussi, dans leur réaction, Hassad et Boussaid dénoncent avec virulence l’«instrumentalisation» politique de cette affaire sans nommer l’acteur qui en est derrière: «L’implication d’un parti politique et des médias qui lui sont proches dans la campagne de diffamation visant le wali de Rabat-Salé-Kénitra au sujet de l’acquisition d’une parcelle de terrain suscite l’étonnement», indiquent-ils dans leur communiqué.
L’ombre du PJD ?
Les observateurs avisés ont compris que l’allusion est faite au PJD. On le sait, la relation entre Abdelouafi Laftit et le parti d’Abdellilah Benkirane n’est pas au beau fixe. Le maire de la capitale, Mohamed Seddiki, encarté PJD, est en effet dans de sales draps après la révélation des circonstances dans lesquelles il aurait quitté son ancien employeur, Rédal. Les élus de la ville de Rabat, essentiellement ceux du PAM, l’accusent d’avoir déposé un certificat de «déficience mentale» pour se défaire de son ancien employeur et mettent en doute son aptitude à briguer le poste de maire de la ville. L’affaire a connu plusieurs rebondissements avant que la justice ne s’empare du dossier. Abdelouafi Laftit, dans l’exercice de ses fonctions, a dû prendre des décisions qui n’ont pas été du goût des pjdistes.
Ainsi, suite à une session houleuse du Conseil de la ville, en février dernier, qui s’est soldée par des bagarres, le wali a invalidé les décisions de la réunion. Une décision qui annule le déblocage de 20 MDH en faveur des arrondissements de la ville, objet d’un long bras de fer entre les élus du PJD et ceux du parti du tracteur. Autre incident qui est resté au travers de la gorge des pjdistes, l’exclusion du maire de Rabat de la liste des personnalités invitées à accomplir la prière du vendredi, en avril dernier, avec le roi dans une mosquée de la capitale.
Les services de la Wilaya auraient contacté son adjoint, Lahcen Amrani, également pjdiste, pour le remplacer. Mais, au-delà de ces incidents, parler de «l’implication d’un parti politique et de médias qui lui sont proches» sans apporter les preuves, laisse perplexe. Le chef de gouvernement et son parti et les ministres de l’Intérieur et des Finances ont connu plusieurs brouilles. L’approche des élections ne fait qu’accentuer les choses…
Hassad et Boussaïd aussi ?
Le site d’information Hespress a répliqué aux accusations des ministères de l’Intérieur et des Finances à son encontre en publiant des documents attestant que les ministres Mohamed Hassad et Mohamed Boussaïd ont aussi bénéficié de lots de terrains dans le même lotissement. Le premier en 2001 pour 4660 m2 et le second en 2002 pour 3181 m2…. Et les deux terrains pour 350 DH/m2 !