Maroc

Cartouches toner : les génériques chinois asphyxient notre industrie

Submergés par les produits chinois, les opérateurs nationaux spécialisés dans le recyclage de cartouches toner demandent plus de protection.

Le projet de loi de Finances (PLF) 2021 n’en finit pas de faire des remous. C’est le cas chez les professionnels de l’industrie nationale de recyclage de cartouches toner. La mesure augmente la quotité du droit d’importation appliqué aux cartouches toner remanufacturées compatibles de 2,5% à 17,5%. Le gouvernement explique cette décision par sa volonté d’améliorer la compétitivité de l’industrie nationale de recyclage et production de cartouches.

Les produits génériques sont des solutions alternatives aux cartouches originales. Cette offre est constituée de deux produits disponibles sur le marché. Il y a d’abord un produit chinois, neuf, qui est une copie du produit d’origine. «Il ne peut être recyclé», explique un opérateur. Le deuxième est remanufacturé à partir de cartouches originales. Ce type de cartouche est produit au Maroc par plusieurs opérateurs parmi lesquels Armor Industries. «Le souci est qu’avec le relèvement de la quotité du droit d’importation à 17,5%, les importateurs vont se tourner vers les produits génériques chinois, qui ne sont pas remanufacturés puisqu’ils sont neufs. Ils échappent donc aux mailles du dispositif de protection du tissu productif national. Pour que la mesure soit plus efficace, nous proposons que soit appliquée une quotité de 40% sur le droit d’importation de toutes les cartouches génériques», explique Mohamed Alfarze, directeur général d’Armor Industries.

En tant que solutions alternatives aux produits originaux, les cartouches chinoises sont vendues sous des marques distributeurs et font beaucoup de mal aux autres concurrents, à commencer par le produit d’origine. Mais vu qu’aucune entreprise n’en fabrique au Maroc, très peu de postes d’emploi sont menacés. En revanche, les cartouches chinoises font beaucoup de mal à une industrie de remanufacturing naissante et prometteuse, dans la mesure où ces produits sont écoulés à des prix anormalement bas. La différence de prix avec le remanufacturé local est de 30% à 50% moins cher. Conséquence, les opérateurs locaux ne peuvent pas vendre leur production sur le marché marocain et, par ricochet, ne peuvent plus être compétitifs à l’export. En effet, le marché local, censé leur servir de levier de compétitivité pour l’export, leur échappe.

Dans l’état actuel des choses, le marché local ne permet pas aux opérateurs locaux de supporter leurs coûts de structure pour rester compétitifs à l’export.

«Les cartouches génériques chinoises sont destructrices d’emplois, de l’environnement et d’investissement», insiste Mohamed Alfarze. Implantée à Bir Jdid, l’unité de production d’Armor Industries emploie plus de 400 personnes, pour une capacité de production de 2,4 millions d’unités par an.

L’entreprise n’exploite que la moitié de cette capacité. «À pleine capacité, nous pouvons doubler le nombre d’emplois. Pour ne pas paralyser une activité prometteuse, nous avons demandé des rectifications à l’administration. Nous sommes en discussion avec la tutelle, à qui nous avons demandé une protection contre les produits génériques chinois neufs, depuis plus d’un an. Mais le message a été mal compris.» L’enjeu est de protéger la production locale et d’offrir des opportunités d’investissement à ceux qui désirent investir dans le remanufacturing et une industrie verte en plein essor.

Selon Salah Ouardi, directeur général Afrique du Nord du constructeur informatique américain HP, le marché des cartouches toner est «très pollué par beaucoup d’acteurs, généralement de petite taille, qui font du remanufacturing dont la qualité est très discutable, et par tout ce qui est contrefaçon soit fabriquée localement, soit importée à travers des circuits spéciaux. De ce fait, les données de marché sont complètement faussées». De son côté, Mohamed Alfarze estime le marché de cartouches entre 1,5 million et 2 millions d’unités. Le produit générique chinois peut occuper entre 30% et 40% de parts de marché. Un opérateur comme Armor Industries ne représente pas plus de 2% du marché local, avec moins de 50.000 cartouches écoulées au Maroc, alors qu’il exporte 1,3 million d’unités par an à l’international sous la marque OWA, notamment vers l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, la France et la Suède, soit 95% de son chiffre d’affaires. En 2018, les ventes de l’entreprise se sont élevées à 245 MDH. Au-delà des difficultés de traçabilité causées par l’informel, celle relative à l’évaluation de la taille de ce marché s’explique par le fait que les importations se font au poids et non à l’unité.

Une activité peu automatisée
Le secteur du remanufacturing est assez manuel. Ce n’est pas une activité que l’on peut aisément automatiser. Elle est donc consommatrice de main d’œuvre, mais aussi génératrice de valeur ajoutée, dans la mesure où les opérateurs ne font pas que du remplissage de cartouches, comme on a l’habitude de voir à Derb Ghallef. Ils les refabriquent avec des solutions respectant l’environnement et la santé des usagers. Pour faire en sorte que les cartouches recyclées soient conformes aux normes et respectent la propriété intellectuelle, l’entreprise s’appuie sur la R&D. Les Chinois sont plutôt tournés vers les produits neufs. D’ailleurs, les produits génériques remanufacturés n’existent pas en Chine parce qu’il est coûteux de les produire sur ce marché.

Rappel juridique intéressant à ce sujet

Une cartouche laser ou jet d’encre, c’est environ 90% de déchets, d’où l’importance de la réutiliser. Il est tout à fait légal pour une société de produire une cartouche d’encre compatible avec une imprimante fabriquée par une autre entreprise. Remanufacturer une cartouche signifie tout simplement recycler une cartouche. Cela permet ainsi de lui donner une seconde vie, au lieu de finir brûlée dans la nature.

Modeste Kouame / Les Inspirations Éco



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