Maroc

Banque islamique : Pourquoi tant de retard ?

Le groupe du PJD à la première Chambre convoque le ministre de l’Économie et des finances pour y voir plus clair dans les raisons de l’attente. Le Maroc qui ambitionne de devenir un hub de la finance en Afrique ne peut continuer dans la procrastination.

Les députés PJD s’impatientent et passent à l’acte en convoquant le ministre de l’Économie et des finances en commission parlementaire. Voilà plus d’un an que la loi bancaire a été votée, instituant la finance alternative, sans qu’une banque islamique ne voit le jour, encore moins une branche d’une banque conventionnelle. La loi 12-103, adoptée en novembre 2014 et sortie au Bulletin officiel du 28 janvier 2015, attend toujours les décrets d’applications. Situation qui bloque l’épanouissement d’un secteur financier très attendu par les PME/PMI ainsi qu’une large frange de Marocains. Comment le Maroc ambitionne-t-il de devenir un hub de la finance en Afrique et de faire de Casablanca Finance City une plateforme régionale sans proposer des produits alternatifs ? C’est tout simplement contradictoire comme approche. À plus forte raison : des pays à économie similaire ont déjà mis en place le système des banques islamiques. Deux banques islamiques fonctionnent comme une montre en Tunisie, idem en Algérie.

Trois banques islamiques existent depuis 1984 en Guinée-Conakry, au Sénégal et au Nigeria. Le système des Sukuks, ces certificats d’investissement ou obligations pour reprendre le terme traditionnel, existent aussi en Côte d’ivoire, en Afrique du Sud, au Gabon… Sans oublier l’exemple le plus éloquent en la matière, à savoir les six banques islamiques qui marchent à merveille en Angleterre où 20 banques conventionnelles disposent également de fenêtres islamiques. Pourquoi pas le Maroc alors que les demandes d’autorisations fusent de partout ? Nous avons posé la question à Belkacem Boutayeb, expert consultant en finance islamique, qui a répondu que «l’autorité de régulation : BAM ne montre aucun empressement à franchir le pas». Pour cet homme qui a contribué à l’installation de plusieurs banques islamiques en Afrique, il s’agit là d’un blocage psychologique qui vient plus de l’absence d’une approche pragmatique de ce que la banque islamique peut apporter à l’économie marocaine. Cette dernière a besoin aujourd’hui plus que jamais de nouveaux leviers de croissance pour dynamiser des secteurs importants comme l’immobilier et les infrastructures. Le Pont du Bosphore à Istanbul a été financé en 1973 grâce aux Sukuks.

À moindre coût, les sukuks permettent des levées de fonds en peu de temps en faisant appel à la fibre participative et religieuse des citoyens, un mix qui ne laisse jamais indifférent dans un pays musulman. Il ne faut pas perdre de vue non plus l’effet d’attraction que la finance islamique peut avoir sur les investissements venant des pays du Golfe avec lesquels le Maroc entretient des relations d’excellence grâce à la diplomatie royale. Dans ce même souci de diversification des relations économiques, les pays développés d’Asie comme la Malaisie ou l’Indonésie seront hautement intéressés par une branche financière alternative au Maroc.

Enfin, la diaspora marocaine n’attend que cette ouverture pour investir encore plus fortement dans le Maroc. L’absence de communication et de vulgarisation sur les banques islamiques traduit mal la volonté d’ouverture de l’économie du pays, car aujourd’hui l’ouverture n’est plus exclusivement cantonnée à la mondialisation. «Il faut surtout arrêter de diaboliser un système financier qui tarde à voir le jour au Maroc, mais qui n’en est pas moins reconnu par les grandes banques internationales», souligne Boutayeb. Pour ce dernier, les produits alternatifs peuvent constituer un rempart face à la spéculation sauvage qui a provoqué la crise financière mondiale en 2008. Justement au côté des banques conventionnelles, la finance alternative ne peut qu’apporter un ballon d’oxygène aux finances publiques ainsi qu’aux PME qui sont le socle de l’économie marocaine.


 

Intelligence collective
Systématiquement à l’issue de chaque Conseil d’administration de BAM, la question est posée : à quand le premier agrément pour une banque islamique ? La réponse ne change pas : la Commission des établissements de crédits travaille toujours sur le dossier d’agrément. Abdellatif Jouahri, wali de BAM, veut entourer cette ouverture sur la finance islamique de toutes les garanties nécessaires pour éviter tout déséquilibre du marché. Ce qui est important à ses yeux, ne cesse-t-il de préciser, c’est l’intérêt du pays et le financement de l’économie. Néanmoins, comment créer une dynamique nouvelle dans un climat de procrastination ? Pour Belkacem Boutayeb, les acteurs de l’économie, y compris les banques, doivent faire preuve d’intelligence collective et de concertation pour accélérer la cadence. En effet, la Banque islamique de développement et la BAD sont attentives à toute dynamique et dans ce sens n’hésiteront pas à apporter leur aide.


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