Maroc

Alerte sur le poisson marocain en Espagne : entre contrôles routiniers et tensions commerciales

L’Espagne récemment rejeté plusieurs cargaisons de poisson frais en provenance du Maroc, suite à une alerte de l’Agence de sécurité alimentaire de la Commission Européenne. En cause, la détection d’Anisakis, un parasite courant dans la filière halieutique, qui a conduit à une notification de risque élevé. Cette alerte, bien que non inédite, relance le débat sur les tensions commerciales entre pêcheurs marocains et espagnols, alors que des enjeux concurrentiels semblent exacerber ces mesures sanitaires.

L’Agence de sécurité alimentaire de la Commission européenne a émis une alerte concernant le poisson marocain refoulé aux frontières, une situation amplifiée par deux autres notifications relatives à une rupture de la chaîne du froid sur des cargaisons de sardines et de langoustines.

Le Système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF) a classé le risque d’infestation d’Anisakis comme élevé. Cependant, ce type d’incident, bien que préoccupant, n’est pas inhabituel dans le commerce international de produits de la mer. Bartolomé Navarro, président de la Fédération murcienne des confréries de pêcheurs, n’a pas manqué de réagir, en appelant à soutenir la pêche locale.

Selon lui, «le poisson marocain n’est pas toujours conforme aux normes», une déclaration qui reflète une tension grandissante entre les pêcheurs des deux rives de la Méditerranée.

Tout en saluant les contrôles rigoureux effectués aux frontières, Navarro en a profité pour souligner la qualité des produits issus des côtes espagnoles, tout en laissant entendre que la concurrence avec les pêcheurs marocains pourrait avoir une influence sur ces mesures de surveillance.

Cependant, il est important de rappeler que ces rejets aux frontières ne sont pas exceptionnels et qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une surveillance accrue des produits de la mer. Les restrictions imposées aux pêcheurs espagnols, notamment les limitations des jours de pêche, nourrissent également ce sentiment de concurrence exacerbée avec leurs homologues marocains, nous confie un professionnel du secteur ayant requis l’anonymat.

De nombreux précédents
Ce n’est pas la première fois que l’Espagne détecte des parasites dans des cargaisons de poissons marocains. Selon les bulletins de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), des incidents similaires ont été signalés au cours des dernières années.

En 2020, des cas d’Anisakis avaient été détectés dans plusieurs espèces réfrigérées, notamment les seiches, tandis qu’en 2019 et 2018, des parasites avaient été trouvés respectivement dans des spécimens de saint-pierre et d’anchois. Contacté à ce sujet, l’ONSSA a indiqué que son système de veille a immédiatement été activé.

«Ce type de situation n’est pas nouveau, et des mesures correctives sont prises à chaque signalement», nous confie une source au sein de l’ONSSA.

L’organisation précise également que ces alertes font partie d’une surveillance régulière des échanges commerciaux et qu’elles ne remettent pas en cause la salubrité globale des produits marocains exportés.

Une question de gestion des risques dans la pêche marocaine
Les chercheurs marocains ont largement documenté la question des parasites dans la filière halieutique. Une étude intitulée «Parasitisme dans la filière des produits de la pêche au Maroc : éléments d’évaluation et de gestion du risque» révèle que «83% des rejets aux frontières concernent les produits de la pêche, dont 33,3% pour motif d’infestation parasitaire».

Parmi les parasites, l’Anisakis est le plus fréquent, touchant principalement des espèces comme le sabre et l’espadon. Cependant, les chercheurs notent également une hausse des signalements de parasitisme dans des espèces pélagiques telles que la sardine, le maquereau et l’anchois, une tendance émergente depuis 2011. Bien que ces rejets proviennent en grande partie des régions d’Agadir et de Kénitra, ces situations restent sous contrôle grâce à un renforcement des mécanismes de surveillance et de gestion des risques au Maroc. L’ONSSA, en collaboration avec les autorités européennes, continue de veiller à ce que les produits respectent les standards de sécurité les plus stricts.

Au-delà des considérations sanitaires, de la montée en puissance de la pêche marocaine et de la compétitivité de ses produits, certains observateurs estiment que les pressions exercées par les lobbies espagnols ne sont pas étrangères à la multiplication des contrôles et rejets aux frontières. Ce bras de fer commercial entre les deux pays, bien que nuancé par les coopérations bilatérales, reste un enjeu important dans le secteur de la pêche en Méditerranée.

Dans ce contexte, les autorités marocaines continuent de renforcer leurs dispositifs de contrôle pour préserver la qualité et la réputation de leurs produits sur le marché européen, tout en naviguant dans un environnement commercial marqué par des intérêts divergents.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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