African Cybersecurity Forum : à quand la souveraineté numérique africaine ?
Alors que les cybermenaces se multiplient à l’échelle mondiale, l’Afrique se mobilise pour renforcer la résilience de son espace numérique. Organisé à Rabat, l’African Cybersecurity Forum place cette année l’intelligence artificielle (IA) au cœur des stratégies de protection et de développement. Mais si l’IA offre des opportunités majeures, elle pose aussi des défis éthiques et réglementaires que les acteurs africains doivent adresser sans tarder.
La transformation numérique du continent africain s’accélère, rendant la cybersécurité plus stratégique que jamais. Avec l’explosion des services bancaires en ligne, du e-gouvernement et des infrastructures critiques connectées, les cyberattaques se sont intensifiées, ciblant les données sensibles des citoyens et des entreprises.
L’organisation de l’African Cybersecurity Forum à Rabat, sous l’égide de la Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d’Information (DGSSI) et en partenariat avec Smart Africa, répond à cette urgence. L’événement, qui rassemble plus de 900 participants de 29 pays, met en avant l’intelligence artificielle et le cloud de confiance comme solutions essentielles pour la résilience numérique.
«Le Maroc, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, est convaincu que la prospérité de l’Afrique repose sur la solidarité et la coopération Sud-Sud», a rappelé Abdeltif Loudiyi, ministre délégué chargé de l’Administration de la Défense Nationale, lors de la séance d’ouverture.
Le Royaume, à travers la DGSSI, joue un rôle de premier plan dans la construction d’une stratégie panafricaine de cybersécurité, insistant sur la nécessité de développer des capacités locales et de mutualiser les expertises.
L’IA, rempart ou risque supplémentaire ?
Si l’intelligence artificielle offre des capacités inédites en matière de cybersécurité, notamment pour la détection des menaces et l’automatisation de la protection des réseaux, elle pose aussi des questions critiques. Selon un avis récent du Conseil économique, social et environnemental (CESE), le déploiement de l’IA au Maroc nécessite un cadre réglementaire adapté et une stratégie claire pour éviter les risques de discrimination algorithmique et de violation des données personnelles. L’éthique et la souveraineté numérique sont au cœur des débats.
Parmi les recommandations du CESE, figure la création d’un fonds d’investissement public-privé pour soutenir l’innovation en IA et en cybersécurité. L’objectif est de permettre aux pays africains de développer leurs propres solutions et de ne pas dépendre exclusivement des technologies étrangères.
Par ailleurs, l’ouverture des données publiques, en respectant les normes internationales de protection des informations personnelles, est jugée essentielle pour l’essor d’une IA responsable sur le continent.
D’autres initiatives sont également discutées, telles que la formation de cadres spécialisés en intelligence artificielle appliquée à la cybersécurité, ou encore la mise en place de partenariats entre institutions académiques africaines et centres de recherche internationaux. Ces efforts visent à combler le manque de compétences techniques et à garantir une adoption maîtrisée des nouvelles technologies dans un contexte sécurisé.
Vers une stratégie africaine commune ?
Le Forum de Rabat est une occasion unique pour les pays africains de coordonner leurs efforts face aux cybermenaces croissantes. La réunion du réseau africain des Autorités Nationales de Cybersécurité (ANCA) et la rencontre de haut niveau organisée par Smart Africa sur l’IA montrent la volonté des dirigeants d’inscrire ces enjeux dans une dynamique régionale.
L’ambition affichée est de développer une autonomie technologique africaine, condition indispensable à la sécurisation du cyberespace du continent.
En définitive, si l’African Cybersecurity Forum marque une étape importante, il reste encore beaucoup à faire pour structurer une stratégie commune et garantir une utilisation sûre et éthique de l’IA en Afrique. La mise en place de cadres législatifs cohérents, le développement de compétences locales et la consolidation d’une infrastructure numérique résiliente sont autant de défis à relever pour un avenir numérique sécurisé et autonome.
Abdeltif Loudiyi
Ministre délégué chargé de l’Administration de la défense nationale
«Le Maroc, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, est convaincu que la prospérité de l’Afrique repose sur la solidarité et la coopération Sud-Sud (…) Cette coopération panafricaine est de nature à favoriser l’émergence d’un cyberespace résilient et à promouvoir un environnement numérique sûr, ainsi qu’à soutenir les efforts des gouvernements dans le domaine de la transformation numérique.»
Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO