Mourabaha : Ce qu’il faut savoir sur les contrats
Bientôt la totalité des banques participatives autorisées à exercer sera opérationnelle. Elles proposeront toutes des contrats Mourabaha et des promesses d’achat calqués sur le modèle visé par le Conseil supérieur des oulémas. Détails.
Acquérir un bien immobilier de manière conforme à la charia est désormais chose possible. Le 20 juillet dernier, la commission charia pour la finance participative du Conseil supérieur des oulémas a marqué de son sceau de conformité les modèles types de la promesse d’achat ainsi que du contrat Mourabaha.
Des garanties renforcées pour les banques
La lecture du contrat Mourabaha fait apparaître une grande similitude avec les contrats des crédits conventionnels. La différence réside, toutefois, dans le fait qu’il n’est plus question d’intérêt mais de marge bénéficiaire. Le client risque néanmoins de payer un montant assez conséquent même si la marge reste en principe négociable. En effet, le coût d’achat par le client se compose du prix d’achat du bien, des frais d’enregistrement, des frais de conservation (foncière), des frais de transfert de propriété ainsi que d’autres frais (notaire, avocat, etc). À ce coût d’acquisition vient s’ajouter bien évidemment la marge de bénéfice de la banque. À cette somme du coût d’acquisition et de marge de bénéfice s’adossent la TVA et l’assurance Takaful. À ce titre, le client doit souscrire à deux polices d’assurance, comme ce qu’exigent les banques conventionnelles. Il s’agit ainsi d’un contrat Takaful couvrant le décès/invalidité de l’acquéreur et d’un second contrat assurant le bien immobilier. Le bénéficiaire des deux contrats est la banque participative. De plus et afin de renforcer les garanties de la banque, le client peut être amené à désigner – selon les cas – une caution personnelle et solidaire (un garant) ou hypothécaire portant sur le bien immobilier objet du contrat ou tout autre bien au profit de ladite banque. Le bien étant ainsi sous hypothèque, le client ne peut pas le louer ni partiellement, ni totalement. Il ne peut pas non plus le transformer en fonds de commerce ni l’utiliser pour tout autre but que celui mentionné dans le contrat. De plus, il n’est pas possible pour le client de transférer le bien ou de l’utiliser comme apport dans une société. Pour y déroger, il faut un accord explicite et préalable de la banque. Par ailleurs, tout au long de la durée du remboursement de la dette, le client supporte les impôts et toutes charges rattachées au bien immobilier.
Pas d’économie en cas de remboursement anticipé
Enfin, si l’acquéreur a la possibilité de procéder au remboursement avant échéance d’une partie ou de la totalité du prix de vente, ce paiement anticipé ne lui accorde aucun avantage. En effet, le remboursement anticipé n’induit pas une renonciation par la banque d’une partie de sa marge bénéficiaire sauf si elle y consent. Autre similarité avec les crédits immobiliers conventionnels : la déclaration de la déchéance du terme du crédit. Dans le cas où le client manque au paiement de 3 échéances consécutives sans raison valable, la banque a le droit de déclarer la déchéance du terme du crédit et d’exiger le paiement immédiat de toutes les sommes restant dues au titre du Mourabaha ainsi que la réclamation de dédommagements pour dégâts subis. La procédure dans les crédits classiques stipule que dans le cas de déclaration de la déchéance du terme du crédit, la banque a le droit de saisir l’autorité judiciaire pour recouvrer sa créance et notamment engager une saisie immobilière ou des revenus. S’il s’agit d’un crédit immobilier garanti par une hypothèque, la saisie du logement est ainsi la première solution. Par ailleurs, il n’est nullement mentionné la question d’une mobilité bancaire, néanmoins, la banque peut transférer la dette restant due à n’importe quelle autre banque participative, puisque l’article 10 des clauses générales du contrat l’y autorise.
Hamish Al Jiddiya est plafonné
S’agissant de la nature même du contrat Mourabaha, le client est obligé de signer une promesse d’achat. En effet, au moment où la banque conventionnelle donne de l’argent au client pour acheter le bien, Mourabaha est une opération de revente avec marge. Dans le détail, la démarche qui sera poursuivie est comme suit : l’acheteur trouve le bien et le propose à la banque, cette dernière l’achète avant de le revendre au client. La signature de la promesse d’achat assure la banque contre le désistement du client après qu’elle a acquis le bien. La promesse d’achat, signée avant le contrat Mourabaha, est un document de 7 articles dans lesquels l’acquéreur déclare son engagement à acheter le bien immobilier objet de la promesse, une fois acheté par la banque. Ledit document défini donc les caractéristiques ainsi que les modalités, la date et le prix d’acquisition du bien immobilier. Il stipule aussi que l’acquéreur s’engage à verser un dépôt de garantie à la banque ou Hamish Al Jiddiya, qui lui sera reversé une fois sa promesse honorée. Le client a aussi la possibilité de récupérer la totalité du dépôt tant que la banque n’a pas acquis le bien immobilier objet de la promesse d’achat. A contrario, si le client se rétracte de sa décision d’achat, la banque peut puiser dans ce dépôt. Une limite est toutefois fixée. Le montant du dépôt de garantie est plafonné par Bank Al-Maghrib. Aujourd’hui, le pourcentage connu est celui appliqué par Bank Assafa qui le fixe à 10%. Par ailleurs, le montant prélevé ne peut dépasser le niveau du dommage que la banque a subi de manière effective. De même, le client a le droit de récupérer son dépôt quand c’est la banque qui se rétracte. Il a aussi le droit de réclamer un dédommagement pour le dommage effectif qu’il subit de cette rétractation. Le montant du dédommagement qu’il soit pour la banque ou pour le client, est fixé sur accord entre les deux parties. En cas d’impossibilité d’obtenir cet accord, c’est la justice qui étudiera la question.
Quelle protection des consommateurs ?
Si la promesse d’achat est conforme à la charia, la question reste ouverte pour ce qui est de la loi sur la protection des consommateurs. Pour Ouadi Madih, président de l’Association de protection du consommateur UNICONSO, la question qui se pose avant d’évoquer la loi 31/08 relative à la protection des consommateurs est la qualification de la banque participative. «Doit-on la considérer comme fournisseur ou prêteur», se demande-t-il avant de préciser que «si elle doit être considérée comme vendeur d’un bien, dans ce cas elle a la qualité d’un fournisseur. Autrement dit, il faut lui appliquer la réglementation régissant le secteur immobilier et notamment la loi des droits réels. Par contre, s’il faut la considérer comme organisme prêteur, il y a lieu de souligner que les contrats types liés à Mouarabaha ne peuvent être considérés comme contrat régissant une opération entre prêteur et emprunteur-consommateur, du fait qu’elle n’obéit pas aux dispositions de la loi 31-08 et notamment le chapitre qui régit l’endettement».
La promesse d’achat, illégale ?
Au vu de la loi 31-08, le chapitre traitant de l’endettement précise – notamment dans son article 115 relatif au crédit immobilier – que «jusqu’à l’acceptation de l’offre par l’emprunteur, aucun versement, sous quelque forme que ce soit, ne peut, au titre de l’opération en cause, être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur. Jusqu’à cette acceptation, l’emprunteur ne peut, au même titre, faire aucun dépôt, souscrire ou avaliser aucun effet de commerce, ni signer aucun chèque. Si une autorisation de prélèvement sur compte bancaire ou postal est signée par l’emprunteur, sa validité et sa prise d’effet sont subordonnées à celles du contrat de crédit». Autrement dit, le dépôt de garantie exigé dans la promesse de vente est interdit par l’article 115. De même, l’article 114 de la même loi accorde au client un délai de 7 jours durant lequel il peut se rétracter sans équivoque. Madih estime d’ailleurs que ce dépôt de garantie que «l’acheteur doit déposer pour montrer sa bonne foi montre que le contrat a ignoré la lourdeur financière que l’acheteur va subir. Le montant du dépôt de garantie viendrait s’ajouter à la somme égale à 5% du montant du bien donnée au promoteur immobilier pour sa réservation». L’expert pointe aussi du doigt la non détermination préalable du montant dudit dépôt ou encore l’absence de précisions sur les frais d’indemnisation, qui sont pourtant définis dans la loi du consommateur, alors que dans le contrat Mourabaha, aucun montant ni coefficient ne sont indiqués.
Le contrat Mourabaha est déséquilibré
Ouadi Madih
Président de l’Association de protection du consommateur UNICONSO
À la première lecture du contrat-type, on constate qu’il n’a pris en considération que la défaillance du consommateur et la compétence juridique. Le contrat manque de clarté et de transparence, ce qui conduira certainement à des interprétations diverses en plus du déséquilibre contractuel qui avantage la partie la plus forte : la banque. Le contrat-type ne prend pas en considération ce que stipule la loi régissant la vente en l’état futur d’achèvement surtout dans la cas où l’acquéreur du bien doit faire une avance pour la réservation et un dépôt de garantie auprès de la banque, sans parler de plusieurs éléments qui demeurent obscures au niveau de la loi. Le contrat omet aussi de mentionner la fameuse offre préalable (la banque est obligée d’envoyer par courrier le détail de son offre de crédit dont les conditions restent durant 15 jours, ndlr) considérée comme une avancée dans le cadre de la protection du consommateur, en plus de la terminologie du titre du compromis «unilatéral» (promesse unilatérale d’achat dans le cadre de l’opération Mourabaha au profit du donneur d’ordre pour le financement d’un bien immobilier, traduction littérale du titre du contrat en arabe, ndlr). Le modèle de cette promesse d’achat, pour sa part, est un document qui engage l’acheteur, sans prévoir des mesures pour protéger ce dernier des circonstances imprévues ou dont il n’est pas responsable, comme le délai de livraison du bien qui ne dépend pas de lui. Enfin, le contrat est tout sauf équilibré, notamment en ce qui concerne les engagements de la banque, la médiation bancaire ou encore l’ignorance absolue des dispositions de la loi 31/08 concernant le crédit immobilier. En résumé, le contrat ne peut être accepté par nos organisations de protection du consommateur.