Les Cahiers des ÉCO

Circulaire et arrêté de takaful : Les détails

Le lancement du secteur bancaire participatif devrait tirer dans son sillage celui de l’assurance Takaful. Les textes nécessaires étant déjà entre les mains des professionnels, le parachèvement du processus juridique ainsi que l’octroi des agréments est prévu pour la fin de l’année ou au plus tard fin mars 2018.

Le lancement des banques participatives ne peut se faire sans Takaful. Dans ce sens, la machine juridique s’accélère. Le processus d’adoption des textes manquants pour la mise en œuvre de Takaful, et l’octroi des agréments devrait s’achever au plus tôt d’ici la fin de l’année  ou au plus tard fin mars 2018. En effet, les professionnels ont déjà entre les mains le projet d’arrêté du ministre de l’Economie et des finances relatif à Takaful et le projet de circulaire de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) relatives à la mise en œuvre de cette nouvelle assurance conforme à la Charia. Bien que le circuit soit assez long, compte tenu l’urgence de ce dossier l’autorité en charge du dossier compte bien le faire aboutir dans ces délais. La circulaire devra être étudiée par le Conseil supérieur des Ouléma (CSO) avant que le ministre en charge des finances ne l’homologue pour qu’ensuite elle soit transférée au Secrétariat général du gouvernement (SGG) pour sa publication au Bulletin officiel (BO).

Uniquement l’assurance vie
Le projet d’arrêté qui vient, en 7 articles, en application de la loi n°17-99 distingue entre contrat de capitalisation («contrat d’investissement» dans le Takaful) et contrat d’assurance de personnes («les assurances Takaful famille»). Il s’agit, en l’occurrence, des deux types d’assurance qui vont être lancées au cours des premières années. Selon les professionnels, ce choix de ne commencer qu’en proposant l’assurance-vie émane de la profession elle-même. Dans le détail, on notera que l’arrêté défini le «contrat d’investissement» comme étant un contrat de capitalisation qui ne prend pas en considération «la probabilité de décès ou de survie n’intervient pas dans la détermination de la prestation et à l’issue duquel le bénéficiaire perçoit le capital résultant des versements effectués et des revenus de l’investissement de ces versements». Les assurances Takaful famille, qui sont des assurances de personnes, pour leur part, désignent «toutes assurances garantissant les risques dont la survenance dépend de la survie ou du décès de l’assuré ainsi que l’investissement, la maternité et les assurances contre la maladie, l’incapacité et l’invalidité». Par ailleurs, contrairement à l’assurance conventionnelle, les contrats d’assurance Takaful en cas de vie ou d’investissement, offrent la possibilité d’accorder au participant une avance sur son contrat sous forme de prêt sans intérêt. De plus, tout remboursement ultérieur de cette avance est considéré comme un versement libre de contribution, ne générant aucun frais pour le participant à l’exception des frais pour combler les dommages réels et justifiés que pourrait subir le compte d’assurance Takaful. Par ailleurs, à l’image de l’assurance conventionnelle, les contrats Takaful pourront aussi être commercialisés via le réseau des banques participatives. Il est aussi possible que les contrats Takaful soient commercialisés à travers tout autre établissement agréé.

Une rémunération basée sur la Wakala et/ou la Moudharaba
Comme ce qui a été annoncé lors de la préparation de la réforme du Code des assurances, le mode de rémunération des compagnies d’assurance Takaful, tel qu’il figure dans le projet d’arrêté, est cantonné à une commission de gestion, dite Wakala mais ajoute un deuxième mode (Moudharaba) différent de ce que demandait la profession (Ju’ala). Le projet d’arrêté ministériel précise que ce mode de rémunération consiste en une commission fixe qui peut être déterminée de manière forfaitaire ou sur la base du montant des contributions de participants. Contrairement à la Ju’ala qui permet à la compagnie d’empocher une part des excédents techniques et financiers sous forme d’un pourcentage prédéfinie, la Moudharaba permet de percevoir une part des revenus générés par les placements affectés au compte d’assurance Takaful. Mieux que la Ju’ala, la Moudharaba permet à la compagnie de percevoir un pourcentage après déduction des frais de gestion desdits placements. L’autorité généreuse, offre aux compagnies Takaful la possibilité d’opter pour l’un de ces deux modes ou encore de les combiner. Une manière pour l’autorité de compenser les exigences en matière d’investissement et de capital de départ. Il faut rappeler que l’ACAPS avait exigé que les compagnies Takaful soient des compagnies à part entière avec des capitaux, des sièges et des effectifs distinct de leurs sociétés mères de l’assurance conventionnelle. En effet, contrairement au secteur bancaire, les assureurs ne disposent pas de l’option d’ouvrir des fenêtres Takaful.

Partage des bénéfices
Le projet d’arrêté explicite aussi le mode de partage des bénéfices entre les participants. En effet, les excédents techniques et financiers du compte Takaful réalisés sur une année sont répartis entre les participants, disposant des contrats- d’investissement ou de vie- dont la garantie a couru durant l’année en question. Pour les autres opérations d’assurances, les excédents techniques et financiers au titre d’une année sont répartis entre les participants disposant des contrats dont la garantie a couru au moins 6 mois durant l’année en question, selon l’une de trois méthodes : celle du prorata, sélective, ou encore celle de la compensation. La méthode du prorata consiste en la répartition des excédents techniques et financiers réalisés entre les participants proportionnellement à la part de la contribution correspondant à la durée de la garantie au cours de l’année en question. La méthode sélective consiste en la répartition des excédents techniques et financiers uniquement entre les participants dont les contrats n’ont pas enregistré de sinistres au cours de l’année en question et ce, proportionnellement à la part de la contribution correspondant à la durée de la garantie au cours de l’année en question. La dernière méthode, celle de compensation consiste en la répartition des excédents techniques et financiers réalisés uniquement entre les participants dont le ratio «sinistres sur contributions» est inférieur à 100% et ce, proportionnellement à la part de la contribution correspondant à la durée de la garantie au cours de l’année en question. En plus de ces trois méthodes précisées par l’arrêté, ce dernier ouvre la possibilité aux compagnies de proposer leur propre méthode à condition qu’elle soit approuvée par l’ACAPS et après avis conforme du Conseil supérieur des Ouléma.

Six catégories de garanties
Le projet de la circulaire, pour sa part, dénombre 45 articles. Plus détaillé, il passe en revu, entre autres les informations qui doivent être communiquées aux clients, la catégorisation des produits d’assurance tout autant que les modalités requises pour l’octroi des agréments ou encore les méthodes de calcul des provisions techniques. Pour ce qui est des catégories d’opérations que peuvent exercer les compagnies Takaful, la circulaire en dénombre 29. Ils constituent quasiment les mêmes opérations qu’offrent l’assurance conventionnelle. Parmi celles-ci nous pouvons citer la vie et décès, la nuptialité-natalité, l’investissement, les opérations ayant pour objet l’acquisition d’immeubles au moyen de la constitution de rentes viagères, les assurances liées à des fonds d’investissement, les opérations faisant appel à l’épargne dans le but de réunir les sommes versées par les assurés en vue de l’investissement en commun, en leur attribuant les bénéfices des sociétés gérées ou administrées directement ou indirectement par l’entreprise d’assurances et de réassurance. Il est aussi question des opérations d’assurances contre les risques d’accidents corporels, de la maladie – maternité, des opérations d’assurances pour accident de travail, des opérations d’assurances des corps des véhicules terrestres, des opérations d’assurances contre les risques de responsabilité civile, des opérations d’assurances des corps de navires ou encore des opérations d’assurances contre les risques de responsabilité civile résultant de l’emploi de véhicules fluviaux et maritimes y compris la responsabilité du transporteur et la défense et recours. Les 29 opérations doivent, par ailleurs, être regroupées sous six catégories. Il s’agit de «Takaful général» hors accidents du travail et maladies professionnelles, des accidents du travail et maladies professionnelles, de «Takaful Famille» hors épargne et investissement, de l’«épargne et investissement», des «assurances liées à des fonds d’investissement» et des «acceptations Takaful». En dépit de la grande variété des opérations conforment à la charia, les professionnels préfèrent opter dans un premier temps pour les assurances dites Vie. Un choix qui permettra d’accompagner les banques qui ont d’ors et déjà démarré leurs activités. Certains ont même annoncé qu’ils envisagent démarrer la commercialisation des contrats Mourabaha sans l’adosser à un contrat Takaful. La banque prendrait du le temps que Takaful soit opérationnel. Le client pouvant toujours prendre un engagement de souscrire à une police d’assurance dès que les compagnies Takaful soient prêtes.


Les outils de placement

L’essentiel des revenus des compagnies d’assurance découle des placements qu’elles effectuent. Pour ce qui est des compagnies Takaful le projet de circulaire de l’ACAPS délimite la liste des produits financiers dans lesquels, ces compagnies peuvent investir. Il s’agit des OPCVM (actions des SICAV et parts des FCP), des certificats de sukuk, des OPCI et actions cotées à la Bourse de Casablanca. Pour les OPCVM, les OPCI et les actions, les compagnies Takaful ne peuvent investir que dans les titres paraissant sur une liste fixée par décision du président de l’ACAPS après avis conforme du Conseil supérieur des Ouléma. Autrement dit, il est question de désigner les titres qui sont compatibles à la charia. 



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