Les Cahiers des ÉCO

Ce qu’il faut savoir sur l’assurance Takaful

Les opérateurs entament un nouveau tournent dans l’assurance Takaful. Neuf mois après la promulgation de la loi 59-13, les assureurs ont reçu un projet de circulaire à ajuster à travers plusieurs réunions de travail. Le marché s’attend à ce que cette nouvelle industrie démarre à partir début 2018.

Après avoir reçu il y a quelques jours le projet de circulaire relatif à l’assurance Takaful, les opérateurs ont enchainé dès cette semaine les premières réunions afin de discuter des points à tirer au clair. Selon certains opérateurs, plusieurs zones d’ombre subsistent, notamment le modèle de gestion. La loi 59-13 modifiant et complétant la loi n° 17-99 portant Code des assurances et qui introduit les assurances Takaful au Maroc –et promulguée en septembre dernier– n’impose pas de, et de manière explicite, un modèle précis. Et laisse, donc, une libre interprétation aux opérateurs de la place. Toutefois, l’article 248-1 précise que «l’administration peut, sur proposition de l’Autorité et après avis conforme du Conseil supérieur des Ouléma, fixer les modes de rémunération de l’entreprise d’assurances et de réassurance au titre de la gestion du compte d’assurance Takaful ainsi que les critères de détermination de cette rémunération». Pour favoriser le démarrage de l’activité, l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS) peut imposer un modèle économique aux opérateurs Takaful.  «Nous suivrons ce que nous dictera l’ACAPS au départ, mais après chaque compagnie adoptera le modèle qui lui sied», espère un opérateur. Une phase expérimentale donc, qui permettra d’apporter les ajustements nécessaires à cette nouvelle industrie qui vise un potentiel de croissance de 5%. «On passera certainement une première période à expliquer, à faire des simulations, quelques petites opérations avant un démarrage soutenue», avance Koudama Zeroual, directeur général Projet TAKAFUL auprès de Wafa Assurance.

Le système de rémunération divise
Pour l’heure, les opérateurs mettent un point d’honneur à leur rémunération. «Sans l’intéressement par l’excédent, on ne sera pas motivé pour bien géré», commente un autre assureur. Or dans l’article 10-3, celui-ci précise qu’en assurance Takaful, «les excédents techniques et financiers réalisés sont répartis entièrement entre les participants après déduction, le cas échéant, des avances Takaful». Le modèle suggéré, donc, n’est autre que la Wakala. Dans cette configuration, l’opérateur est mandaté par les participants pour gérer les fonds Takaful. Sa gestion couvre les volets techniques et placement, moyennant une commission de gestion prélevée des contributions apportées par les participants au fonds. Ce sera la seule rémunération de l’opérateur qui n’a aucun droit sur les résultats techniques et financiers du fonds. L’opérateur n’est concerné par les résultats techniques et financiers que s’ils sont déficitaires. À ce moment le gestionnaire du fonds Takaful doit fournir un prêt sans intérêts (Qard hassan), en s’appuyant sur ses fonds propres, pour couvrir le déficit (voir illustration). Ce prêt sera remboursé par les futurs excédents annuels du fonds. Il s’agit là du plus rigide des modèles de gestion de la Takaful. L’autre modèle existant est la Moudaraba où le gestionnaire Takaful agit en tant qu’entrepreneur et les participants comme apporteurs de capitaux. Les gains générés par le placement de l’opération Takaful seront ensuite répartis entre l’opérateur Takaful et les participants. Dans le cas inverse, les pertes seront à la charge des seuls participants qui ont le statut d’apporteurs de capitaux. Ceci ne sera pas sans poser quelques problèmes au sein de la profession. Du coup, les propositions des opérateurs se dirigent principalement vers des produits hybrides (de type Wakala modifié ou Wakala Istitmar..) assortis d’une prime de performance. Des modèles viables qui ont fait leur preuve en Arabie Saoudite et en Malaisie. «Nous sommes dans un modèle concurrentiel, et pour l’heure, personne ne va dévoiler ce qu’il veut. Maintenant ce qui est certain c’est qu’avec Wakala toute seule, on n’est pas rentable à 100%. Et si on veut être rentable, on sera plus cher que les autres. Moudaraba tout seul ne peut être suffisant aussi. Le mieux est de se diriger vers un modèle combiné. Mais il existe aussi d’autres modèles qu’on proposera à l’ACAPS», souligne Koudama Zeroual. De son côté, l’Association marocaine des professionnels de la finance participative (AMFP) plaide également pour la Wakala modifié.

Pour l’association, le fait de restreindre la rémunération de l’opérateur aux commissions fera que ces dernières seront plus élevées par rapport à l’assurance conventionnelle. Les primes des produits Takaful seraient donc plus importantes que celles des produits conventionnels, ce qui constitue un handicap concurrentiel majeur. Pour certains opérateurs, la question du prix est secondaire. «Il faut bien qu’une compagnie qui vient de démarrer son activité couvre ses frais de démarrage et d’amortissements. Les produits seraient peut être légèrement plus chers au départ, mais à terme, ils seront au même niveau que la conventionnel», précise un opérateur. Pour Zeroual également, les prix des produits Takaful seront amenés à s’ajuster dans le temps. Il explique, «le jeu de partage des profits permettrait à terme- d’avoir des produits abordables. A sinistralité égale, le client pourra avoir un produit sensiblement moins cher que le conventionnel». Outre l’optimisation technique, les opérateurs sont également attendus sur leur modèle de gestion financière des fonds (placements). Avec l’entrée en vigueur des banques participatives et des assurances Takaful, les gestionnaires de fonds seront dans l’obligation de trouver des moyens compatibles avec la Charia pour placer leurs excédents de trésorerie. Sur ce volet, disposer d’un indice boursier Sharia Compliant est primordial, même si la réglementation a mis à leur disposition certains outils tels que les sukuks -une première émission serait prévue en septembre- et les OPCI.

A cette heure, la Bourse a déjà amorcé le virage de la finance participative. Des travaux pour développer un nouvel indice chariatique ont démarré depuis deux ans déjà et les réunions se poursuivent encore. Pour les actions Sharia Compliant, c’est le Conseil des Oulémas qui devra fixer les critères d’éligibilité pour faire partie de cet indice. Plusieurs secteurs ont été exclus de la liste des placements, notamment l’armement, le tabac, les films pornographiques, et tout ce qui est basé sur l’usure (ex, les bancaires). Les immobilière dont le taux d’endettement dépasse les 30% sont également bannies de l’indice. Au final, «avec ces restrictions, seule une dizaine d’entreprises seraient éligibles à l’indice», commente un opérateur. Ce qui pourrait expliquer le retard de la mise en place de l’indice chariatique. Retard des réformes. Pas forcément. Les opérateurs estiment même que la cadence est plutôt soutenue. «Le Maroc va à son propre rythme. Il prend son temps certes, mais il prend le temps de faire les choses dans les règles», relève Koudama Zeroual.

Les implications pour l’actuariat
Si les banques participatives ont mis quasiment 4 années pour se mettre en place, l’assurance Takaful va à la vitesse de la lumière. Après la validation du code des assurances en octobre dernier, les discussions autour du projet de circulaire vont bon train. Et pour cause, les premiers produits de la banque participative seront bientôt disponibles. Ceux-ci devraient être assortis d’une assurance Takaful. «Le principal problème c’est la frustration que peut avoir le client en fin de compte. Il faut bien murir son produit avant de sortir», rassure Koudama Zeroual. Sur un autre registre, le projet de circulaire a également pris en considération les implications de cette activité pour le secteur d’actuariat. Le métier est encore plus déterminant pour la finance participative s’il faut rétribuer chaque assuré suivant l’excédent enregistré. L’autre élément considérable n’est autre que la réassurance Takaful. Les gestionnaires de fonds ont obligation de faire appel à ces opérateurs. Sachant que pour l’assurance conventionnelle, les fonds seraient assurés à 5 à 10% au niveau de la SCR, le reste est réparti dans le monde.

Le schéma pourrait être reproduit pour l’assurance Takaful. Concernant la distribution, le projet de circulaire prévoit que les intermédiaires agrées puissent vendre de l’assurance Takaful. Ce qui irrite en quelques sortes, plusieurs compagnies. «ll faut des réseaux de distribution dédiés avec des compétences dédiées. La principale source de mécontentement des clients n’est autre que le manque de professionnalisme de son interlocuteur», conclut Koudama Zeroual. Au final, les opérateurs souhaitent passer à la vitesse supérieure et boucler le dossier circulaire. Prochaine étape, les demandes d’agréments. Pour obtenir ce sésame, il faut un certain nombre d’exigence, dont notamment le capital social (50 MDH). L’ACAPS semble vouloir transposer le modèle conventionnel des branches d’activité (Vie et Non-Vie) sur l’assurance Takaful. Donc pour adresser tous les besoins de la clientèle, il faut établir à chaque fois deux compagnies (une vie et une autre non-vie), avec deux capitaux sociaux distincts. Pour l’heure, les futurs gestionnaires cherchent à créer de la valeur ajoutée sur le segment Vie. Comme Wafa Assurance qui, de part son lien avec Bank Assafa, se doit d’aborder cette clientèle qui s’intéresse aux produits Mourabaha ou Ijara et qui nécessitent un contrat décès. Pour la non vie, le marché semble moins enclin à s’y introduire, le potentiel n’étant pas encore quantifier. 


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