Parité : maintenant ou jamais ?
La commission parlementaire des pétitions donnera, le 12 février, son verdict sur la pétition «Parité maintenant». Une proposition de loi pourrait être ficelée si le dossier est accepté. Mais le texte risque de trainer au parlement. Dans l’immédiat, les députés sont appelés à agir pour amender les lois électorales et booster la représentation politique féminine.
La pétition présentée par le collectif «Parité maintenant» à la Chambre des représentants sera-t-elle acceptée ? La commission parlementaire des pétitions n’a pas encore finalisé l’examen de ce dossier. Son verdict est attendu pour le vendredi 12 février pour que les recommandations soient ensuite transférées au président de la Chambre basse, Habib El Malki. Mais, avant cela, cette commission a tenu une réunion avec les membres du collectif pour débattre du sujet. Sur le fond, l’unanimité est totale sur le principe d’assurer la parité, telle que stipulé par les dispositions constitutionnelles. Néanmoins, c’est au niveau de la mise en œuvre que le problème se pose.
En effet, depuis des années, politiciens et acteurs associatifs prônent la nécessité d’assurer l’égalité des genres dans tous les domaines. Or, concrètement, il s’avère difficile de briser le plafond de verre. Le collectif «Al Mounassafa Daba» a décidé de prendre le taureau par les cornes en actionnant le nouveau mécanisme de la démocratie participative. Ses membres ont pris leur bâton de pèlerin pour prêcher la bonne parole auprès des chefs de file des partis politiques et des syndicats et, aussi, au sein des deux chambres du parlement. Du discours de la mandataire de la pétition, Ouafa Hajji et son adjoint Habib Belkouch, un grand optimisme se dégage, bien qu’ils sachent d’emblée qu’il s’agit d’un combat social de longue haleine. L’espoir est d’atteindre la parité escomptée d’ici 2030. Pour y parvenir, la pétition plaide pour l’adoption d’une loi garantissant la parité dans les différents domaines (social, économique, culturel et politique).
En tout cas, selon Belkouch, la concrétisation de cet objectif n’est plus un choix. Au contraire, elle devra s’ériger en nécessité dans le cadre du nouveau modèle de développement auquel aspire le Maroc. Étant donné que la pétition a été déposée au parlement, le texte pourra être élaboré sous forme de proposition de loi. À cet égard, des doutes sont émis quant à l’aboutissement de l’initiative législative parlementaire. Le président de la commission des Pétitions, Rachid El Abdi, a tenu à soulever cette problématique. À cela, s’ajoute la question de la gestion du temps, puisqu’il ne reste plus qu’une seule session parlementaire avant la fin de l’actuelle législature. Il s’avère, ainsi, difficile d’élaborer et de faire passer un texte en quelques mois seulement, juste avant les élections. Dans l’immédiat, le collectif appelle les parlementaires à agir sur un volet qui est dans leurs cordes : les lois électorales devant bientôt être soumises à l’institution législative. On estime que l’amélioration de la représentation politique féminine passe inéluctablement par le volet législatif, car l’expérience démontre que peu de femmes arrivent à percer dans les circonscriptions locales. Seules 10 femmes ont été élues dans les circonscriptions locales aux dernières législatives et 203 femmes aux élections communales, sans quota. L’ambition est de pouvoir atteindre le tiers en matière de représentation politique féminine. Comment? Jusque-là, toutes les mesures prises n’ont pas donné les résultats espérés, particulièrement l’objectif d’atteindre le seuil de 30%, à l’exception des élections régionales.
Au sein de la Chambre basse, le pourcentage des femmes députés est passé de 17%, lors de la neuvième législature, à près de 21% après les élections législatives de 2016. L’évolution demeure, donc, timide par rapport aux attentes. Le collectif «Parité maintenant» insiste surtout sur les élections locales, en proposant des listes zébrées (hommes/femmes) en vue de booster la présence féminine dans les instances élues locales et favoriser la proximité avec la population. Rappelons, à ce titre, que le taux des élues communales est passé à 21,18 % en 2015 grâce aux nouveaux mécanismes de discrimination positive, alors que l’on s’attendait à plus que cela. Le manque de volonté des principales formations politiques est pointé du doigt.
D’ailleurs, dans la plupart des circonscriptions en 2015, les formations politiques se sont contentées d’appliquer la loi en cooptant des femmes dans les listes dites «additionnelles». Au niveau des listes générales, les femmes étaient quasi-absentes ou meublaient souvent le décor. Peu d’entre elles ont, en effet, été mandataires de ces listes. Si les mesures de discrimination positive boostent, certes, la représentation politique des femmes, il n’en demeure pas moins qu’elles favorisent des femmes peu engagées dans la politique ou sans aucune formation. À cet égard, une charte déontologie s’impose, de l’avis de plusieurs experts. Une grande responsabilité incombe, à ce sujet, aux partis politiques pour mettre en avant leurs militantes, car le quota est censé être un mécanisme transitoire. Or, les avancées en la matière sont très timides, comme en témoigne la difficulté pour les anciennes parlementaires de la liste nationale, ayant acquis une grande expérience au sein de l’hémicycle, à convaincre les instances décisionnelles de leurs partis politiques de les coopter sur les listes locales.
Sur le plan des instances élues locales, le même problème se pose. Les partis politiques misent sur les cartes gagnantes comme les notables, les professionnels des élections et les députés hommes qui sont soutenus sur le plan local et qui ont déjà un ancrage auprès de la population.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco