Politique

Milieu carcéral : une réforme juridique en vue

L’Exécutif planche sur la révision de la loi n° 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires afin de l’adapter aux changements. La Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion a préparé une première mouture du texte.

«Est-il juste et raisonnable de faire de l’environnement carcéral un milieu qui offre des conditions de vie meilleures que celles qu’offre l’État en dehors des établissements pénitentiaires ?». La question est posée par le ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme et des relations avec le Parlement, Mustapha Ramid, qui s’adressait mardi dernier aux députés lors de la séance plénière consacrée à la discussion des conclusions du rapport de la mission exploratoire sur la situation des établissements pénitentiaires. La réponse est claire et tranchée, selon le responsable gouvernemental : «Il faut garantir les droits minimaux et fondamentaux des détenus, mais il n’en demeure pas moins que les efforts déployés doivent prendre en compte le niveau de développement des droits dans la société».

Le ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme estime qu’il faut établir le distinguo entre les droits fondamentaux que l’on doit protéger (interdiction de la torture et du mauvais traitement) et les droits financiers et sociaux dont le développement ne doit pas dépasser le niveau de vie de l’ensemble des citoyens, de manière à ce que le cadre carcéral ne soit pas meilleur que l’environnement général. Une équation difficile à résoudre en raison des moyens limités dont dispose le pays et des répercussions négatives de la pandémie sur les finances de l’Etat, comme le laisse entendre Ramid.

La mise à niveau du milieu carcéral nécessite, en effet, la mobilisation de moyens financiers et humains supplémentaires pour atteindre les normes internationales. En dépit des efforts déployés au cours des dernières années et une augmentation de plus de 100 % du budget de la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion, entre 2011 et 2021, (de 1,137 MMDH à 2, 583 MMDH), «les conditions nécessaires ne sont pas toutes réunies pour que l’environnement carcéral garantisse de manière suffisante la dignité des détenus, surtout en ce qui concerne la superficie consacrée à chacun », comme le reconnaît le ministre d’Etat. Les statistiques sur le surpeuplement du milieu carcéral font froid dans le dos. La surface moyenne allouée à chaque détenu est d’uniquement 1,89 m2 alors que les normes internationales imposent un minimum de 3 m2 par détenu, voire plus. Pis encore, ces conditions risquent de perdurer longtemps, comme en attestent les propos de Ramid. Certains dysfonctionnements liés à la faiblesse des ressources financières demeureront en effet posés.

Toutefois, le gouvernement compte agir sur la révision du volet législatif qui s’avère désuet. L’Exécutif planche, en effet, sur la révision de la loi n° 23-98 relative à l’organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires afin de l’adapter aux changements (la Constitution de 2011 et les règles de Nelson Mandela adoptées en 2015). Cette révision législative vise aussi à s’adapter aux grandes orientations de la réforme du système de justice.

En finir avec l’obsolescence
Le projet de loi, qui sera bientôt injecté dans le circuit législatif, s’assigne pour objectifs de développer le dispositif de gestion de la détention et de renforcer les acquis relatifs aux droits fondamentaux des détenus. Il inclura, entre autres, la gestion numérique des données et renforcera les programmes de réhabilitation pour la réinsertion, notamment l’encadrement juridique de l’emploi des détenus. À cela, s’ajoute le développement de la gestion des services sociaux au profit des fonctionnaires des établissements pénitentiaires. Le texte permettra, selon Mustapha Ramid, de répondre à plusieurs recommandations parlementaires dont la révision des articles relatifs à la sécurité et au contrôle. Pour l’instant, la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion a préparé une première mouture du texte. Le chef de gouvernement, Saad Dine El Otmani a confié le suivi de ce dossier au ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme. Il est attendu que la mouture finale soit fin prête au plus tard au cours de la semaine prochaine. En parallèle, le responsable gouvernemental appelle à l’accélération de l’adoption du projet de loi complétant et modifiant le Code pénal pour qu’il puisse franchir le cap du parlement au cours de cette législature. Ce texte, qui est bloqué dans les tiroirs de la Chambre des représentants depuis 2016, comporte en effet, pour la première fois, des peines alternatives. Il s’agit des travaux d’intérêt général, des amendes journalières, de la limitation de certains droits ou encore l’imposition de mesures de contrôle, médicales ou de qualification. Cette révision devra impérativement s’accompagner de l’amendement du Code de la procédure pénale, une réforme qui a été préparée lors du précédent mandat et qui fait toujours l’objet de concertations entre les composantes gouvernementales. Le dossier est, en effet, entre les mains d’une commission ministérielle composée de tous les secteurs gouvernementaux. Dans ce cadre, un intérêt particulier est porté à la manière de mettre en œuvre les peines alternatives. Celles-ci permettront d’alléger la pression sur les prisons et de limiter le nombre des détenus provisoires qui atteint 39 %, ce qui est à même d’améliorer les conditions de détention. Rappelons à cet égard que ce dossier traîne depuis de longues années malgré la sonnette d’alarme tirée par les institutions nationales et la société civile sur la problématique de la surpopulation, qui pourrait être réglée par certaines mesures dont les peines alternatives.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


whatsapp Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp

Évolution des prix des fruits et légumes à Casablanca



Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters



Bouton retour en haut de la page