Le PLF 2021 ravive le débat sur la fiscalité agricole
Après la déception exprimée par la Fédération des Chambres d’agriculture et la COMADER vis-à-vis du projet de loi de Finances 2021, l’APEFEL a demandé à apporter au PLF deux révisions : l’une sur le droit de récupération de la TVA par les agriculteurs, l’autre, sur le statut d’exportateur indirect.
La fiscalité agricole ravive le débat au sein de la profession agricole, surtout à l’approche de l’examen en plénière du projet de loi de Finances (PLF) 2021 au sein des deux chambres. Après la déception exprimée par la Fédération des Chambres d’Agriculture (FCA) et la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER) vis-à-vis du PLF, c’est au tour de l’Association marocaine des producteurs et producteurs-exportateurs de fruits et légumes (APEFEL) de soumettre deux propositions fiscales aux parlementaires. Il s’agit d’apporter au projet de loi de Finances deux révisions : l’une porte sur le droit de récupération de la TVA, et l’autre sur le fait de bénéficier du statut d’exportateur indirect, à l’instar des entreprises industrielles et des prestataires de services qui contribuent indirectement à l’exportation finale. C’est la raison pour laquelle la profession a demandé une révision de l’article 3 (personnes exclues du champ d’application de l’impôt sur les sociétés) du Code général des impôts (CGI).
«Étant donné que le secteur agricole était hors du champ de la TVA sauf pour quelques produits, cette taxation commence à alourdir les charges annuelles de production, à tel point que la TVA oscille actuellement entre 7 et 8% des charges de production», explique Khalid Saidi, président de l’APEFEL.
Pour rappel, ces deux points font partie des doléances déjà émises par la commission «Fiscalité agricole», composée des principales entités professionnelles (Fédération interprofessionnelle marocaine de production et d’exportation des fruits et légumes FIFEL, APEFEL, Association marocaine des conditionneurs maraîchers AMCOM…), lors des 3e Assises de la fiscalité. Aujourd’hui, les professionnels proposent d’opérationnaliser la neutralité de la TVA pour le secteur agricole puisque l’agriculteur paye la TVA, sans possibilité toutefois de récupérer cette taxe.
TVA non récupérable sur les intrants agricoles
Selon la profession, la doléance de récupération de la TVA est essentiellement motivée par l’évolution de sa part de charges annuelles de production alors que la plupart des intrants agricoles étaient hors du champ de la TVA. Sur ce dernier point, la profession cite l’exemple de la tourbe et du terreau enrichi, non éligibles à l’exonération de la TVA, en plus de certains oligo-éléments (fertilisants), du plastique de couverture des abris-serres et d’éléments entrant dans leur fabrication et des matériaux à usage hydroagricole utilisés dans l’irrigation localisée tels que le goutte-à-goutte. Un benchmark a déjà été réalisé par la profession comptant plusieurs pays, en l’occurrence la France, l’Espagne, la Tunisie, l’Algérie, l’Égypte et le Sénégal, où la TVA est récupérable, à moins que le secteur agricole soit exonéré. S’agissant du statut d’exportateur indirect, l’objectif pour la profession est d’obtenir le droit de récupérer la TVA, puisque les avantages à l’export en termes d’IS ont été abrogés dans le cadre de la loi de Finances 2020 avec un taux d’IS de 20% au lieu du taux réduit de 17,5%. Par conséquent, l’argument se base essentiellement sur la vocation exportatrice de l’activité agricole, à l’instar des activités liées au secteur automobile, mais aussi les activités exclusivement destinées à l’export (fruits rouges et autres), qui passent par les stations de conditionnement et d’emballage.
Aucune mesure fiscale pour l’agriculture
De leur côté, la Fédération des Chambres d’agriculture et la COMADER, en leur nom et en celui des associations membres, ont exprimé, dans un communiqué rendu public le 28 octobre, leur déception vis-à-vis du PLF 2021. Pour les deux entités professionnelles, «malgré la conjoncture très difficile que traverse le secteur agricole, due entre autres à la pandémie de Covid-19 et à trois années successives de sécheresse, aucune des doléances fiscales n’a été prise en compte par le ministère des Finances dans ce projet de loi et, pire encore, aucune mesure n’a concerné l’agriculture», poursuit le communiqué. De même, la FCA et la COMADER rappellent que le secteur agricole a été exclu -à tort- des mesures d’accompagnement décidées par le Comité de veille économique, notamment l’indemnité CNSS de 2.000 DH pour les travailleurs à l’arrêt ainsi que les crédits avec garantie de l’État Damane Oxygène, Relance TPE et Damane Relance. De ce fait, la FCA et la COMADER demandent, via le communiqué en question, l’appui des représentants et des conseillers lors des débats du PLF 2021, leur soutien pour introduire leurs amendements et, de ce fait, de lever l’injustice qui frappe le secteur agricole. Pour rappel, les représentants de ces deux structures ont rencontré le directeur général des impôts pour lui transmettre les doléances qui ont été soumises au ministère des Finances.
Les propositions fiscales de la COMADER et de la FCA
Il s’agit de l’extension du mécanisme de la TVA non apparente aux autres produits agro-industriels valorisés à partir des produits agricoles (ovo-produits, viandes transformées…). À cela s’ajoutent l’extension au secteur agricole du taux réduit à 0,25% au titre de la cotisation minimale, ainsi que l’instauration d’une provision dérogatoire pour aléas (DPA), calculée proportionnellement au résultat fiscal annuel dans la limite de 20%, et d’une provision dérogatoire pour investissements (DPI), calculée proportionnellement au résultat fiscal annuel dans la limite de 20%. D’autres propositions ont été soumises telles que l’exonération quinquennale au titre de l’impôt direct au profit des exploitations agricoles, l’élargissement du statut fiscal de l’agriculteur via la révision de l’article 46 du CGI aux filières avicole, équine et apicole, ainsi que l’exonération de la TVA sur les investissements agricoles et les facteurs de production. La FCA et la COMADER ont aussi demandé l’instauration, en faveur de l’entreprise agricole, de la possibilité de procéder au prélèvement à la source de l’IR au taux de «10% libératoire» contre celui de «30% non libératoire» actuellement appliqué aux ouvriers occasionnels. On retrouve également l’instauration d’un cadre incitatif en faveur des prestataires de service et des ouvriers à la tâche intervenant pour le compte des filières agricoles, la réduction du coût de production – notamment ceux des intrants relatifs à l’agriculture biologique – et la mise en cohérence des dispositions fiscales relatives à l’obligation de dépôt des déclarations fiscales.
Yassine Saber / Les Inspirations Éco