Finances publiques : la réforme de l’IGF dépoussiérée
Mohamed Benchaâboun s’engage à élaborer une mouture de la réforme de l’Inspection générale des Finances qui sera discutée au Parlement. Les députés ont dépoussiéré deux propositions de loi visant à amender le texte régissant cette institution depuis 1960.
Le dossier de la réforme de l’Inspection générale des Finances (IGF) vient d’être dépoussiéré. Ce projet traîne depuis des années bien que le gouvernement ait affiché, à plusieurs reprises, sa volonté de mettre sur les rails cette réforme nécessaire à l’amélioration du contrôle des finances publiques. Cette réforme par la révision du texte régissant l’IGF, qui remonte au 14 avril 1960, s’avère plus que cruciale pour accompagner l’évolution qu’a connue l’administration publique. Le gouvernement gagnerait à développer cette institution, qui est son principal mécanisme administratif d’évaluation de la gestion publique et du contrôle de gestion des administrations publiques et des collectivités territoriales. Le projet de réforme, comme expliqué, ne date pas d’aujourd’hui. Cela fait plus d’une décennie qu’il est en vue, sans pour autant qu’il soit mis sur les rails.
Aujourd’hui, les députés ont décidé de prendre le taureau par les cornes en sortant des tiroirs deux propositions de loi visant l’amendement du Dahir relatif à l’Inspection générale des Finances. La première a été déposée par le groupe parlementaire de l’Istiqlal et la seconde a été élaborée par le groupe parlementaire du PJD. Du côté du gouvernement, le feu vert est donné aux deux initiatives législatives des groupes parlementaires. Néanmoins, il reste à discuter les détails des propositions de loi.
Dans ce cadre, le ministre de l’Économie, des finances et de la réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun, s’engage à élaborer une première mouture, prenant en considération les propositions et remarques des parlementaires. Cette version sera soumise à la discussion au sein d’une sous-commission relevant de la Commission des Finances et du développement économique, comme proposé par plusieurs députés. Selon l’argentier du royaume, la réforme devra prendre en compte deux éléments essentiels : la révision juridique et la restructuration du ministère de l’Économie et des finances, qui a été mise en stand-by en attendant la création de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État.
Quels changements attendus ?
Pour réussir cette réforme, le député du parti de l’Istiqlal, Lahcen Haddad, estime qu’il faut en premier lieu assurer l’indépendance de l’IGF. À ce titre, le texte de l’Istiqlal propose de changer la tutelle de cette entité laquelle «relève du chef du gouvernement au lieu du ministère de l’Économie et des finances». Cette proposition d’amendement laisse Benchaâboun sceptique, celui-ci brandissant la carte des expériences internationales en la matière. Cette position prévisible du responsable gouvernemental ne semble pas contrarier Lahcen Haddad qui appelle à trouver une formule juridique efficace pour renforcer l’indépendance de l’IGF, tout en restant sous la tutelle du ministère de l’Économie et des finances, à l’instar de ce qui se fait sous d’autres cieux. Par ailleurs, le projet de réforme devra plancher sur l’élargissement des attributions de cette inspection et la précision de ses missions d’audit. À ce titre, il est proposé d’inclure dans le domaine d’inspection de l’IGF les chambres professionnelles, les établissements semi-publics, les associations et institutions qui bénéficient du financement public et les entreprises dans lesquelles l’État possède des actions. À cela s’ajoute la nécessité d’améliorer la gouvernance de cette institution qui est parfois accusée de sélectivité en matière d’inspection. La réforme vise également à améliorer la qualité du dispositif d’audit et de contrôle des finances publiques et à renforcer le partenariat et la coopération avec les autres institutions et organes de contrôle.
À cet égard, il est recommandé par les observateurs de bien repenser la relation de l’IGF avec la Cour des comptes pour éviter de faire double emploi même si, conformément aux dispositions juridiques, la nature de contrôle de ces deux institutions est différente. En effet, l’IGF a pour rôle d’effectuer un contrôle interne alors que la Cour des comptes, qui est indépendante de la tutelle du gouvernement, exerce un contrôle externe. Parmi les recommandations formulées, celle portant sur la nécessité de mettre fin à l’approche classique d’inspection. Cela serait possible en misant sur la digitalisation, élément clé dans le processus de modernisation du contrôle des finances publiques. Certains parlementaires estiment que le Maroc gagnerait justement à s’inspirer des expériences internationales en mettant en place un système d’information efficace, qui permettrait non seulement un gain considérable en temps, mais aussi l’amélioration de la précision des opérations de contrôle et d’audit. Enfin, la restructuration de l’IGF devrait également prendre en considération le volet de la régionalisation qui n’est plus un choix, mais un impératif stratégique. Le PJD propose, dans ce sens, de créer des inspections régionales pour mieux contrôler les projets de développement et les grands chantiers.
Les missions de l’IGF
Plusieurs missions incombent à l’Inspection générale des finances (IGF), à commencer par les opérations de vérifications des services de caisse et de comptabilité, deniers et matières, des comptables publics et, de façon générale, des agents de l’État, des collectivités locales, des établissements et entreprises publics et de tout organisme public. Cette institution contrôle aussi la gestion des comptables publics, des ordonnateurs, des contrôleurs et de tout administrateur pour s’assurer de la régularité, de la sincérité, et de la matérialité des opérations enregistrées dans leurs comptes. Plusieurs institutions sont concernées par le contrôle des inspecteurs des finances. Il s’agit notamment des entreprises et des établissements publics, des sociétés concessionnaires ou gérantes d’un service public de l’État ou d’une collectivité publique, des sociétés, syndicats, associations ou entreprises de toute nature et, d’une façon générale, des personnes morales qui bénéficient du concours financier de l’État, des collectivités publiques. Cette institution est également habilitée à passer au crible les comptes des projets financés par les gouvernements étrangers, ou par des organismes financiers internationaux ou régionaux dans le cadre de la coopération bilatérale ou multilatérale. L’IGF peut aussi être saisie par le gouvernement pour l’évaluation de politiques publiques à caractère financier ou budgétaire.
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco