Finances des partis politiques. Le verdict de la Cour des comptes
La Cour des comptes note une légère amélioration de la performance financière et comptable pour certains partis politiques. Cependant, il reste encore, même pour les «grands» partis, à combler nombre de lacunes ayant trait à la certification des comptes, aux pièces constitutives des comptes produits, au respect des principes comptables, à la régularité des recettes et des dépenses réalisées… Le financement public continue de constituer la part principale des ressources financières de la majorité des formations partisanes.
Les partis politiques sont appelés à améliorer leurs performances financières et comptables. La Cour des comptes note, certes, une amélioration en la matière pour «un certain nombre de partis» dans son rapport 2019 qu’elle vient de rendre public. Cependant, beaucoup de lacunes doivent encore être comblées, même pour les «grands» partis politiques, qui comptent parmi leurs membres des experts triés sur le volet, sur les plans comptable et financier.
L’institution dirigée par Driss Jettou émet nombre de recommandations à destination des formations partisanes qui sont tenues de restituer au Trésor les montants indus ou non utilisés de la participation de l’État au financement des campagnes électorales, ainsi que les montants non utilisés de la contribution de l’État à la couverture des frais de leur gestion. Jusque-là, l’effort déployé reste en deçà des aspirations malgré les observations récurrentes de la Cour, comme en attestent les chiffres.
Le total des sommes non restituées au Trésor par certains partis politiques s’élève à 13,75 MDH. Quelques partis ont procédé à la restitution au Trésor d’un montant global de 5,07 MDH en 2019 et de 7,08 MDH en 2020.
Par ailleurs, pour une meilleure transparence financière, les partis politiques doivent produire l’ensemble des documents relatifs aux comptes annuels dans les délais prescrits par la loi organique relative aux partis politiques et veiller à la certification des comptes produits. Il faut dire que plusieurs irrégularités ont été relevées à cet égard. Sur les 34 partis légalement constitués, 32 ont présenté leurs comptes à la Cour.
En effet, le Parti marocain libéral et le Parti de l’Union nationale des forces populaires ne se sont pas acquittés de cette obligation. Seuls 28 d’entre eux ont fait certifier leurs comptes par des experts-comptables, comme l’exige la loi. Quelque trois partis ont produit des rapports d’experts comptables non conformes à la norme 5700 du Manuel des normes d’audit légal et contractuel établi par le Conseil national de l’ordre des experts comptables du Maroc, dont le Parti de l’Istiqlal, tandis qu’un parti a présenté son compte sans pour autant produire le rapport de l’expert-comptable (Front des forces démocratiques).
S’agissant de la tenue de la comptabilité, huit partis seulement l’ont fait conformément au Code général de la normalisation comptable (CGNC), «sans toutefois tenir compte des adaptations prévues par le plan comptable normalisé des partis politiques». Les grands partis représentés au Parlement ne sont pas concernés. Ils ont, en effet, été épinglés par la Cour des comptes. À titre d’exemple, le PJD n’a pas imputé certaines recettes ou dépenses aux comptes adéquats au niveau de ses comptes de produits et charges.
L’Istiqlal et le RNI font partie des dix partis politiques qui n’ont pas retranscrit, au niveau du compte «État-créditeur» de leurs bilans, les montants de soutien qu’ils sont tenus de restituer au Trésor. Les formations partisanes doivent déposer leurs comptes annuels dans les délais impartis par la loi. En 2019, seuls 24 partis ont respecté les délais légaux.
Le PJD figure parmi les huit partis politiques ayant produit leurs comptes annuels au-delà du délai légal. Les partis politiques sont appelés à prendre en considération les observations de la Cour des comptes qui n’est pas convaincue par les justifications et les réponses des formations partisanes. Ainsi, les magistrats de Driss Jettou relèvent que certains partis n’ont pas présenté de justifications suffisantes par rapport à certaines observations ayant trait à la restitution au Trésor des montants du soutien, à la certification des comptes par les experts comptables, aux pièces constitutives des comptes produits, au respect des principes comptables et à la régularité des recettes et des dépenses réalisées.
Ressources financières : de grandes disparités les ressources financières des partis politiques ont connu un léger changement en 2019. La part du montant de la subvention de l’État dans le total des ressources des partis est de l’ordre de 46,83%, enregistrant ainsi une baisse importante par rapport à 2018 (54,90%) et 2017 (59,15%). Mais il faut dire que cette observation ne concerne qu’une minorité de partis politiques. Onze formations dépendent totalement du financement public (dont l’Union constitutionnelle) et cinq comptent à plus de 98% sur le soutien étatique. Sept formations partisanes accaparent 91,20% du total des ressources déclarées par les partis, contre un taux de 89,83% en 2018 et 88,50% en 2017.
Le PJD arrive en tête avec 29,43% de l’ensemble des ressources déclarées, talonné par le RNI (28,82 %), puis le PAM (14,9 %), le Parti de l’Istiqlal (9,24%)… Le parti de la colombe arrive en tête des formations dont les ressources propres dépassent de loin le financement public qui ne représente que 14,86% dans les finances du parti. Il est suivi du PPS (35,47 %) et du PJD (42,37%).
Il convient de souligner que la question du financement des partis politiques a été débattue dans le cadre des concertations sur la réforme électorale. Des ajustements s’imposent en matière de répartition du soutien public, de l’avis de nombre d’acteurs politiques. La tendance va vers la répartition de 80% du soutien public sous forme de forfait sur l’ensemble des partis politiques, indépendamment des résultats des élections. Cet amendement, s’il venait à être adopté, confortera la position des «petits» partis politiques qui espèrent que le compteur sera remis à zéro. Actuellement, la répartition du soutien financier aux partis est tributaire des résultats aux élections. Même les partis politiques représentés au sein de l’institution législative estiment que le soutien financier qui leur est accordé est faible.
C’est dans ce cadre que s’inscrivent les amendements qui seront introduits à la loi sur les partis politiques. Il s’agit notamment des dons qui devraient passer de 300.000 DH par an et par donateur à 500.000 DH. S’agissant des dépenses, les partis ont déclaré un montant de 145,73 MDH, dont 2,34 MDH ont fait l’objet d’observations de la Cour des comptes, soit environ 1,60% du montant global des dépenses de fonctionnement (absence de pièces justificatives, insuffisance des pièces justificatives, des pièces non libellées au nom des partis politiques, des dépenses réglées en espèces).
Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco