Politique

Élections: le PJD râle, les autres partis jubilent

L’élargissement de la base du scrutin uninominal est critiqué par le PJD alors qu’il est salué par la majorité des partis politiques car il correspond à leurs requêtes. Le débat sera tranché au parlement.

Le mode de scrutin uninominal a été élargi en vertu du projet de loi organique modifiant et complétant la loi organique relative à l’élection des membres des Conseils des collectivités territoriales. Le nombre des communes dont les membres sont élus par le scrutin de liste passera de 121 à 81. Le texte porte, en effet, le nombre d’habitants requis pour l’application du scrutin de liste, dans les communes concernées, de 35.000 actuellement à plus de 50.000 habitants. C’était une demande insistante de plusieurs partis politiques, sauf le PJD qui est loin d’apprécier cet amendement. «Il s’agit d’une régression», selon la députée Boutaïna Karouri, qui précise que le mode de scrutin de liste, tel qu’actuellement appliqué au Maroc, est déjà déformé et ne correspond pas au même mode utilisé sous d’autres cieux, car le nombre de sièges en lice dans la même circonscription reste limité.

Le PJD plaide plutôt pour l’application de l’uninominal dans les communes dont le nombre d’habitants ne dépasse pas 20.000 citoyens. D’après le parti de la lampe, l’élargissement de scrutin de liste est à même de contribuer au renforcement du rôle des partis politiques et de soutenir la concurrence entre les programmes et les formations partisanes, d’autant plus que «l’expérience des élections communales et législatives depuis 2002 démontre que la population rurale s’est habituée à ce système». Cette question fera certainement l’objet de discussions animées au sein de l’institution législative. Les parlementaires du PJD ne sont visiblement pas prêts à lâcher du lest sur l’élargissement du mode de scrutin uninominal qui favorise, selon eux, les «commerçants» des élections au détriment de la transparence. Or, il semble qu’ils se retrouveront isolés sur ce point, leur avis n’étant pas partagé par les autres partis politiques, même leurs alliés à la coalition gouvernementale.

Rappelons à cet égard que l’USFP a plaidé, dans son mémorandum sur les élections, de porter le nombre d’habitants requis pour l’application du scrutin de liste, dans les communes concernées, à 70.000 habitants. L’Union constitutionnelle propose de porter ce seuil à 100.000 habitants. Quant aux partis de l’opposition (PAM, Istiqlal et PPS), ils ont prôné, dans leur mémorandum en commun, un scrutin de liste dans les communes qui comptent plus de 50.000 habitants et le vote uninominal pour les autres circonscriptions. A cet égard, Abdeljabbar Rachidi, membre du comité exécutif du parti de l’Istiqlal, souligne que l’élargissement de la base du scrutin uninominal permettra au parti et au candidat de renforcer leur lien de proximité avec la population et aussi de mobiliser les citoyens pour participer aux élections. Le dirigeant istiqlalien tient, par ailleurs, à préciser que l’expérience démontre que le mode de scrutin de liste n’a pas permis, comme escompté, de mettre fin à l’utilisation de l’argent sale dans les élections. Un avis partagé par Mohamed Darif, politologue et fondateur du parti des néo-démocrates: «depuis l’instauration du mode de scrutin proportionnel de liste en 2002, on n’a pas pu mettre fin à la corruption dans les élections, au contraire elle a augmenté. Les pratiques n’ont pas en effet changé».

De l’avis de Darif, l’objectif de rationaliser le comportement de l’électeur pour voter sur un programme politique n’a pas été atteint, précisant que le mode de scrutin est une technique qui a, certes, des dimensions politiques, mais en l’absence des conditions culturelles qui fixent la nature du jeu politique, ce mode, quel qu’il soit, ne permettra pas d’atteindre les objectifs espérés. Rappelons qu’au cours des dernières années, plusieurs voix au sein de l’échiquier politique appelaient au changement du mode de scrutin pour pouvoir dégager une majorité claire et faciliter la formation du gouvernement. La question s’est posée avec insistance lors du blocage dans la formation du gouvernement après les législatives de 2016. Certains politiciens se disent favorables à l’actuelle mode de scrutin qui n’exclut pas les petites formations politiques et leur donne droit de s’exprimer au sein de l’institution législative. En revanche, d’autres acteurs politiques pensent que cette situation ne peut pas durer si l’on aspire à former des institutions fortes notamment un gouvernement constitué d’une majorité homogène au lieu d’une alliance gouvernementale contre-nature basée sur des calculs arithmétiques qui déteignent sur l’action de l’Exécutif. Le relèvement du seuil électoral est présenté comme l’une des solutions qui permettrait de limiter la balkanisation au sein des instances élues. Il n’en demeure pas moins que l’élévation du seuil électoral au niveau des circonscriptions locales ne permettra pas de dégager une majorité claire même s’il pourrait limiter le nombre des partis politiques qui accèdent au parlement ou aux instances au niveau local et régional. Les observateurs estiment que la lutte contre la balkanisation ne passe pas, techniquement, par l’augmentation du seuil électoral au niveau local, mais plutôt par l’instauration d’un seuil national qui élimine les partis politiques qui n’ont pas obtenu assez de voix en dépit de leurs réalisations à l’échelle locale. Il convient, à ce titre, de souligner que ce n’est pas un choix de l’Etat qui opte plutôt pour le multipartisme.

Un système favorable au multipartisme

Le Maroc a opté en 2002 pour le mode de scrutin proportionnel plurinominal. Il s’agit d’un système favorable aux petites formations politiques. Il consacre en effet le pluralisme politique et engendre l’émiettement au sein de l’institution législative. Actuellement, quelque douze partis politiques sont représentés à la chambre basse dont deux n’ont obtenu qu’un seul siège chacun. Lors de la précédente législature (2011/2016), dix-huit partis politiques siègeaient à la chambre des représentants dont cinq ont obtenu un seul siège chacun et quarte ont eu deux sièges chacun.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco



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