Politique

Élections 2021 : comment le quotient électoral rebattra les cartes

Le nouveau quotient électoral aura un impact sur la carte politique et la configuration de la Chambre basse, tout comme la suppression du seuil électoral. Théoriquement, tous les partis politiques ne seront pas éligibles au nouveau quotient et gagneront des sièges au plus fort reste.

Le compte à rebours est enclenché pour les élections 2021, dont la date n’est pas encore fixée par le ministère de l’Intérieur. Les amendements introduits aux lois électorales permettront à plusieurs petits partis politiques d’accéder à l’institution législative. Et, au regard des nouvelles dispositions législatives, il est d’ores et déjà prévisible que le score des premiers partis soit limité en raison de la nouvelle méthodologie de calcul.

Le quotient électoral, un choix politique
Depuis 2002, jusqu’en 2016, le calcul du quotient électoral s’opérait en soustrayant les voix valides obtenues par les listes n’ayant pas atteint le seuil électoral de 6 % ou 3 % du nombre total des bulletins valides, sans compter les bulletins nuls. On divisait, ensuite, la différence par le nombre de sièges en jeu, pour obtenir le quotient électoral sur la base duquel sont répartis les sièges. Troisième étape: sur la base du plus fort reste, on attribuait les sièges restants aux listes ayant obtenu les chiffres les plus proches du quotient. Cette méthode a permis au PJD et au PAM de gagner plus d’un siège dans certaines circonscriptions, en 2016. S’agissant du nouveau quotient électoral, les bulletins valides seront remplacés par le nombre des électeurs inscrits aux listes électorales. Il en ressortira, donc, un très grand quotient électoral. Selon les analystes, aucun parti ne pourra atteindre ce seuil. Aussi, tous les sièges seront-ils obtenus par le plus fort reste. A titre d’exemple, un parti qui obtiendrait 30.000 voix dans une circonscription donnée ne gagnera qu’un siège, tout comme un parti qui n’aurait réussi à obtenir qu’une centaine de voix. Les sièges, dans cet exemple, seront répartis de manière égale entre tous les partis, dans la limite du nombre de sièges à pourvoir. Par ailleurs, il est à préciser que le nouveau quotient électoral ne sera pas appliqué au niveau des élections communales. L’amendement des partis politiques (hormis le PJD) introduit à la loi organique relative à l’élection des membres des collectivités territoriales, fonde le calcul du quotient électoral sur la base des voix exprimées, dont les bulletins blancs et nuls. Même dans ce cas-là, les partis politiques risquent de ne pas atteindre le quotient électoral dans certaines circonscriptions, en raison du nombre de bulletins nuls.

Seuil électoral : une suppression contestée par le PJD
Le seuil électoral est une condition légale à remplir pour qu’une liste de candidats puisse participer à la distribution des sièges dans une circonscription. Un seuil de 3 % a été fixé pour les élections législatives de 2016. Pour 2021, les amendements introduits ont supprimé le seuil électoral pour les législatives et les élections locales. C’est cela, d’ailleurs, qui a suscité l’ire du PJD qui plaidait pour le maintien de ce seuil, voire son relèvement, en vue de la rationalisation de l’échiquier politique. Il faut dire que la suppression du seuil électoral est plutôt favorable aux petites formations politiques, lesquels pourraient gagner des sièges au plus fort reste. Rappelons que les partis ont toujours été divisés sur cette question. Avant la dernière étape d’adoption des lois électorales au parlement, les grands partis politiques parlaient de la même voix et aspiraient au maintien du seuil électoral, car il leur permet de décrocher le maximum de sièges et d’écarter les petits partis. L’expérience démontre que le changement du seuil électoral, qui est appliqué au Maroc au niveau local, ne permet pas, à lui, seul de changer la carte politique. En 2016, les «petits partis» ne sont pas parvenus à percer, en dépit de l’abaissement du seuil électoral de 6 % à 3 %. La plupart d’entre eux ont été éjectés de la course. Le nombre de partis ayant accédé au Parlement, lors des précédentes législatives, a baissé de 18 à 12 alors que l’on s’attendait à l’émiettement de la représentation politique au sein de l’institution législative. Deux partis politiques n’ont réussi à décrocher qu’un seul siège chacun. Avec le nouveau quotient électoral, la donne changera : plus de petits partis politiques seront représentés au sein de l’institution législative. Pour lutter contre la balkanisation, certains pays ont opté pour le seuil national qui élimine les partis politiques n’ayant pas obtenu suffisamment de voix, en dépit de leurs réalisations à l’échelle locale. Or, le choix actuel du Maroc n’est pas de limiter le nombre de partis représentés aux instances élues.

Listes régionales : l’émiettement
Les listes régionales, qui remplacent la liste nationale aux prochaines élections législatives permettront à 90 femmes d’accéder à la Chambre des représentants grâce au système du quota. La loi organique fixe un nombre de 3 sièges comme seuil minimal pour chaque circonscription régionale et la répartition des sièges restants, soit 54, en fonction du nombre des habitants, avec un maximum de 12 sièges dans la plus grande circonscription. Trois sièges sont attribués pour les circonscriptions de moins de 250.000 habitants, 5 pour celles entre 250.000 et moins de 1 million d’habitants, 6 sièges pour les circonscriptions entre un million et moins de deux millions habitants, 7 sièges pour les circonscriptions de deux millions à moins de trois millions d’habitants, 8 sièges pour les circonscriptions entre trois millions et moins de quatre millions d’habitants, 10 sièges pour celles dont la population est située entre quatre millions et six millions d’habitants et 12 sièges pour les circonscriptions de plus de six millions d’habitants. La nouvelle méthode de calcul aura un impact sur le nombre de sièges remportés à travers ce mécanisme. Théoriquement, avec le nouveau quotient électoral et la suppression du seuil électoral, il s’avère impossible pour un parti de remporter plus d’un siège au niveau d’une circonscription régionale. Le PJD, qui a obtenu 27 sièges au niveau de la liste nationale en 2016, ne pourra décrocher que 12 sièges au plus en 2021. A titre d’exemple, la circonscription régionale de la région Casablanca-Settat, à laquelle on a attribué 12 sièges, sera partagée entre 12 partis politiques. Un petit parti qui n’est plus représenté pourrait arracher un siège au niveau régional. Si on a moins de listes régionales en lice que le nombre de sièges régionaux à pourvoir, il est possible pour un parti de gagner plus d’un siège au niveau régional. Ce nouveau mécanisme s’inscrit également dans le cadre visant à fixer des limites aux résultats des partis politiques, selon le professeur de droit constitutionnel Ahmed Bouz, car «l’expérience démontre que l’élargissement de la circonscription est profitable au PJD». Rappelons à cet égard que le groupement de la CDT a proposé un nouveau découpage électoral basé sur les circonscriptions régionales en vue de favoriser le vote pour les programmes des partis politiques, mais le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, a rejeté cette proposition sous prétexte que certaines provinces risquent de ne pas être représentées. 

Moralisation : les mesures phares

De nouvelles dispositions juridiques ont été mises en place pour la moralisation de l’opération électorale. Désormais, il est exigé de tout candidat ou tête de liste d’élaborer un compte pour sa campagne électorale, suivant un exemplaire défini selon un texte organique, avant de le déposer dans un délai fixé par les dispositions en vigueur. Tout manquement aux nouvelles mesures conduit à la révocation du député, qui sera aussi inhabilité pour les élections législatives, locales ou celles des Chambres professionnelles pour deux mandats successifs. Les députés ont introduit un amendement important : la révocation de tout député qui s’absente des travaux de la Chambre des représentants pour une année législative sans motif valable. A cela, s’ajoute l’élargissement des cas d’incompatibilité entre la fonction de député et celle de président de commune ou de conseils préfectoraux et régionaux dont la population dépasse 300.000 habitants. Les nouvelles dispositions renforcent, par ailleurs, la lutte contre la transhumance politique, en stipulant la déchéance du mandat de député en cas de changement d’appartenance politique ou de groupe parlementaire au cours de mandat. Cette mesure concerne aussi les parlementaires de la Chambre des conseillers. L’idée est de mettre fin au nomadisme qui nuit à l’image des acteurs politiques.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco



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