Politique

Déclaration de patrimoine. Le gouvernement veut muscler le dispositif

La réforme du dispositif de déclaration de patrimoine entame sa dernière ligne droite. Un projet de loi amendant le système actuel, qui a montré ses limites, devrait être introduit dans le circuit législatif en 2021. Il vise à dépasser les insuffisances des dispositions en vigueur.

Un nouveau projet de loi sur la déclaration de patrimoine est en cours d’élaboration par le département de la Réforme de l’administration. Mohamed Benchaâboun entend en effet muscler ce dispositif en s’attaquant aux multiples dysfonctionnements qui l’émaillent afin d’en faire un vrai levier de lutte contre le crime d’enrichissement illicite. Cet engagement gouvernemental devrait être concrétisé en 2021.

La refonte de ce système fait partie des objectifs de la stratégie nationale de lutte contre la corruption. Le dossier est sur la table de discussions des différentes institutions concernées depuis octobre 2018, date de la création d’une commission chargée de travailler sur le projet de refonte qui vise à dépasser les insuffisances caractérisant les lois actuelles.

Le nouveau texte, qui sera introduit sous peu dans le circuit législatif, doit résoudre les principales problématiques qui vident la loi de son esprit. Il s’agit notamment de la difficulté pour la Cour des comptes d’éplucher les milliers de déclarations qu’elle reçoit chaque année.

On s’attend ainsi à ce que la nouvelle législation permette de régler cette problématique en diversifiant les instances habilitées à contrôler les déclarations des personnes assujetties à cette disposition, à l’instar de ce qui se fait sous d’autres cieux.

Selon nos sources, la Cour des comptes, à elle seule, ne pourra pas, dans les conditions actuelles, assumer l’entière responsabilité du contrôle de l’ensemble des dossiers. Ainsi, on pourrait, à titre d’exemple, donner la main aux administrations pour passer au crible les déclarations de leurs fonctionnaires en vue de signaler, le cas échéant, tout soupçon d’enrichissement illicite.

Mais cette piste pourrait se heurter à la réticence des partenaires sociaux en raison des risques que pourrait comporter cette mesure sur les relations entre les fonctionnaires et leurs responsables hiérarchiques. Le dépôt des déclarations sur support papier complique aussi l’opération de contrôle.

À ce titre, le dispositif ne peut être renforcé sans la mise en place d’un système informatique des déclarations qui permettra le traitement et l’analyse des données. C’est une requête insistante de certaines institutions et des acteurs associatifs qui plaident pour la digitalisation de ce système. Cet impératif sera visiblement pris en considération dans la réforme législative en vue. Il serait même possible de rendre publiques les informations ayant trait aux déclarations des personnalités publiques assujetties au système de déclaration obligatoire de patrimoine, notamment les hauts responsables et les élus.

Cette disposition verrouillera le dispositif et empêchera toute tentative de dissimulation d’une partie du patrimoine par les personnes concernées. Il s’avère également nécessaire d’unifier les différents textes législatifs régissant la déclaration du patrimoine en une loi unique et intégrée, comme l’avait recommandé la Cour des comptes.

Incriminer l’enrichissement illicite par ailleurs, l’expérience démontre que le dispositif mis en place n’a pas permis de lutter, comme escompté, contre l’enrichissement illicite. Il faut dire que tant que le projet de loi modifiant et complétant le Code pénal n’a pas été adopté, la déclaration de patrimoine n’aura aucun sens. Les peines ne sont actuellement prononcées qu’en cas de-non déclaration de patrimoine ou de fausse déclaration. La majorité est appelée à trouver un terrain d’entente concernant la réforme du Code pénal pour que l’amendement en vue du dispositif de déclaration de patrimoine ne soit pas vain.

Rappelons à cet égard que c’est la disposition ayant trait à la lutte contre l’enrichissement illicite qui est à l’origine du blocage de ce texte à la Chambre des représentants. Pourtant, c’est une disposition très importante qui permettra de combler les lacunes juridiques en la matière. Jusque-là, aucune loi ne permet d’incriminer l’enrichissement illicite pour les élus, les ministres, les hauts responsables… sauf les magistrats. Et même dans la mouture initiale du projet de loi modifiant et complétant le Code pénal, aucune peine privative de liberté n’est prévue en cas d’enrichissement illicite.

Les acteurs associatifs plaident, ainsi, pour l’impératif d’introduire au texte des peines d’emprisonnement, outre les amendes et la confiscation des biens. Mais c’était un pari perdu d’avance car les députés ne parlent pas de la même voix sur cette question. Quelques parlementaires estiment que le problème ne se pose pas car les dispositions d’autres textes pourraient s’appliquer aux cas avérés d’enrichissement illicite, comme celles relatives au faux et usage de faux ou encore à l’évasion fiscale. Le gouvernement explique l’absence de peines privatives de liberté en cas d’enrichissement illicite par la nécessité d’éviter des règlements de compte, notamment à la veille des périodes électorales.

La question divise les formations politiques le bras de fer se poursuit entre le PJD et les autres composantes de la majorité sur cette question. Le parti de la lampe estime que l’amendement de la majorité vide la disposition de lutte contre l’enrichissement illicite de sa substance, car il propose de n’interpeller les personnes concernées qu’après la fin de leur mandat, administratif comme électoral, de limiter la mission de contrôle à la Cour des comptes et de se contenter de la déclaration de patrimoine du concerné et ses enfants, sans prendre en considération le patrimoine déclaré avant la prise de fonction.

Les amendements doivent plutôt permettre de diminuer l’ampleur de la prévarication et de la corruption et d’améliorer le classement du Maroc au niveau de l’indicateur de perception de la corruption, selon le groupe parlementaire du PJD. Sauf que les autres membres de la coalition gouvernementale ne sont pas du même avis. Les dispositions de la mouture initiale relatives à la lutte contre l’enrichissement illicite sont jugées trop vagues par les alliés gouvernementaux du PJD.

Plusieurs voix au sein du Parlement mettent en garde contre une éventuelle «chasse aux sorcières» et soulignent la nécessité de respecter le principe de présomption d’innocence. Le gouvernement et les députés gagneraient à prendre en considération l’avis de l’Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC).

Celle-ci souligne que l’enrichissement illicite devrait être considéré comme un crime en soi et non la «simple» conséquence d’autres crimes punissables par la loi. «Il nécessite ainsi une approche englobant les éléments constitutifs du crime, ses déterminants et les procédures pour en établir la preuve ; les peines d’emprisonnement et pécuniaires proportionnelles à la gravité de l’acte commis et de ses conséquences, les personnes qui y sont soumises et les autorités chargées de le surveiller et de recevoir des notifications de cas suspects».

D’après l’INPPLC, la législation cible devrait prendre en considération, d’une part, l’interaction entre les différentes autorités et institutions concernées, et l’autre, entre le ministère public compétent et celles-ci.

Jihane Gattioui / Les Inspirations Éco


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