Alliances électorales : aucune ligne rouge !
D’après une source interne au PJD, aucun engagement n’a été pris lors de la réunion avec la direction du PAM.
L’expérience montre qu’en politique, rien n’est impossible. Les ennemis jurés pourraient en effet devenir de grands alliés. Le rapprochement entre le Parti de la justice et du développement et le Parti authenticité et modernité, dont les instances dirigeantes se sont réunies samedi dernier, ne passe pas inaperçu ni au niveau de l’échiquier politique ni sur les réseaux sociaux où l’on pointe une alliance contre-nature. Ce qui paraissait impossible il y a quelques années, ne l’est plus désormais. Les deux partis qui se regardaient en chiens de faïence veulent visiblement tourner la page du passé en perspective des prochaines élections même si les dirigeants du PJD estiment que ce rapprochement ne s’inscrit pas dans le cadre d’une alliance préélectorale.
Toutefois, ils n’excluent pas la possibilité d’une coalition au niveau local. Ce ne sera pas, d’ailleurs, une nouveauté. Les deux partis sont déjà alliés dans quelques conseils locaux. Rappelons à cet égard le rapprochement entre les deux partis s’est même concrétisé par une alliance au niveau régional qui a porté en 2019 la PAMiste Fatima El Hassani à la tête du Conseil de la Région Tanger-Tétouan- Al Houceima. On s’attend à l’élargissement de cette coordination après les élections du 8 septembre. Saad Dine El Otmani justifie ce revirement par le changement de la direction du PAM qui a révisé ses positions hostiles au PJD. Sauf que cette explication ne convainc manifestement pas certains membres du parti de la lampe qui voient d’un mauvais œil le développement de la relation avec le parti du tracteur. D’après une source interne au PJD, aucun engagement n’a été pris lors de la réunion avec la direction du PAM. D’autres rencontres auront lieu entre les deux formations pour mettre fin aux différends du passé et baliser le terrain à une éventuelle alliance gouvernementale même si celle-ci pourrait être vertement critiquée. Ce ne sera pas la première fois que le parti de la lampe scellera une alliance «contre-nature».
Le mariage de la carpe et du lapin en 2012 et 2016 a été aussi pointé du doigt. Cette alliance, rappelons-le, a été surtout fatale pour le PPS qui avait perdu des plumes lors des dernières élections législatives. Et ce n’est pas pour autant que la politique des alliances sera révisée. Même si le parti du livre a quitté le gouvernement de Saad Dine El Otmani pour rejoindre l’opposition, le renouvellement de l’alliance avec le PJD n’est pas exclu. Les directions des deux partis comptent se réunir prochainement, à la demande du Parti de la justice et du développement qui veut se rapprocher aussi du parti de l’Istiqlal. Les héritiers de Allal El Fassi, plus confiants que jamais dans les résultats électoraux, restent prudents sur les alliances préélectorales. Le parti de la balance ne se fixe aucune ligne rouge et se dit être prêt à sceller des alliances sur la base des programmes électoraux, laissant, ainsi, la porte ouverte à tous les scénarios. Le chef de file de l’Istiqlal, Nizar Baraka a même évité de s’engager sur un scénario le réunissant avec ses alliés de l’opposition, le PAM et le PPS bien que ces deux formations aient souhaité afficher la couleur avant les élections. Malgré la position du PI, le secrétaire général du PAM, Abdellatif Ouahbi s’est engagé à accorder la priorité à l’Istiqlal et au PPS dans les alliances post-électorales, tout en s’ouvrant sur d’autres formations dont éventuellement le PJD. Quant au Rassemblement national des indépendants, il n’a fixé aucune ligne rouge, comme l’ont laissé entendre ses dirigeants, à plusieurs reprises. Tout dépendra des résultats aux élections législatives qui seront marquées par une rude concurrence entre les partis politiques. La mission du parti qui parviendra à décrocher la première place ne sera pas facile en raison du nouveau quotient électoral qui réduira les écarts entre les grandes formations. Le premier parti devra composer avec des partis qui ont presque le même poids électoral que lui. Le bras de fer risque d’être on ne peut plus serré.
Les alliances tributaires des résultats
Contrairement aux attentes des uns et des autres, rien ne changera aux prochaines élections en ce qui concerne les alliances. Lesquelles seront tributaires des scores qui seront obtenus par les premiers partis. Les Marocains sont habitués aux alliances contre-nature qui ne sont pas dictées par l’idéologie ou les programmes électoraux. D’ailleurs, l’ensemble des grandes formations s’abstiennent de se prononcer sur leurs alliances avant les élections même si cette situation ne contribue pas à la clarification de la scène politique. Les dirigeants politiques pointent du doigt le système électoral actuel qui ne permet pas de sceller des alliances préélectorales. C’est le cas de Mohand Laenser, secrétaire général du Mouvement populaire qui aurait, pourtant, aimé que les alliances soient claires avant les élections : «Les partis qui partagent les mêmes visions et travaillent ensemble n’évoquent les alliances qu’à l’issue des résultats des élections, ce qui est une erreur», a-t-il récemment précisé.
Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO