Politique

Ahmed Bouz: “Faire entrer tous les premiers partis politiques au gouvernement serait une aventure”

Entretien avec Ahmed Bouz,
Politologue et professeur de droit constitutionnel à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Souissi (Rabat)

Quels sont les défis en matière de formation de la future coalition gouvernementale ?
L’une des difficultés des négociations pour la formation de la nouvelle coalition gouvernementale consiste à comment faire face à la volonté des partis politiques d’entrer au gouvernement. L’opposition constitue en effet une phobie pour les partis. A mon avis, faire entrer tous les premiers partis politiques à la coalition gouvernementale serait une aventure car il ne faudra pas exposer le gouvernement directement aux  éventuelles protestations de la rue. Le Parti de la justice et du développement a désormais les ailes coupées et ne peut pas, avec son nouveau poids numérique, exercer une forte opposition parlementaire. Le chef du gouvernement désigné pourrait sacrifier l’un des premiers partis politiques aux élections. Après l’étape de la constitution de la coalition gouvernementale, il faudra passer aux négociations sur  l’architecture gouvernementale ainsi que le nombre des portefeuilles. Ce sont deux questions qui  pourraient mettre fin à l’alliance avec un parti pour en faire entrer un autre. Tout dépend de la nature des relations avec les partis. Je pense qu’entre le RNI et l’USFP, le problème ne se posera pas. Après, on passera à une autre étape, celle de la proposition des noms des ministres. Cette phase pourrait être marquée par plusieurs difficultés.

Est-il possible de former un gouvernement ramassé ?
La nécessité de constituer un gouvernement ramassé est une rengaine assénée à chaque fois. Pour le futur gouvernement, on s’attend à ne pas avoir d’excès en nombre de portefeuilles ministériels, mais encore faut-il savoir gérer les ambitions au niveau de chaque parti.

Pourquoi faut-il penser au volet de l’opposition ?
Si le chef du gouvernement prend en considération la nécessité d’avoir une opposition forte, il sacrifiera l’un des premiers partis politiques aux élections, soit le PAM ou l’Istiqlal. Le Mouvement populaire  et l’Union constitutionnelle ne sont pas importants dans l’opposition. Il faut un contenu et un minimum de crédibilité pour parler au nom de l’opposition.  Les enjeux sont  de taille pour ne pas mettre le gouvernement face à face avec les éventuelles protestations sociales, comme je l’ai déjà mentionné. À cet égard, il y a lieu de préciser que le temps social et le temps politique sont décalés. Les citoyens qui ont voté pour le RNI pourraient sortir manifester en l’absence de mesures concrètes. La question se pose si le RNI sera en mesure de faire face à une éventuelle colère sociale surtout que l’expérience montre que c’est le parti aux commandes qui en subit les conséquences. Les Marocains punissent, en effet, le parti qui dirige le gouvernement. La future équipe gouvernementale est appelée à  faire face à nombre de dossiers tant sur le plan politique que socio-économique. Il faudra également restaurer la confiance auprès des jeunes d’autant plus que que leur taux de vote aux élections serait grand. On attend encore les chiffres officiels pour le confirmer. Il ne s’agit pas d’une question de volonté, mais de moyens qu’il faudra mobiliser pour atteindre les objectifs en matière de promotion de l’emploi, de réforme de l’enseignement, de réduction du fossé numérique… Le délai de grâce prendra fin. Dès à présent, on rappelle au chef du gouvernement désigné ses engagements.

Quelles sont les attentes  du prochain gouvernement ?
Il y a lieu de souligner que certaines attentes ont un caractère politique. Plusieurs questions se posent à l’heure actuelle. Il s’agit en premier lieu de savoir si le futur gouvernement sera en mesure de créer un climat de détente politique. C’est un sujet que certaines formations politiques considéraient comme étant partie intégrante de l’organisation des élections de 2021. En outre, dans quelle mesure ce gouvernement pourrait-il capitaliser sur le taux de participation de manière à renforcer la confiance dans les institutions élues ? Quelle sera sa relation avec le Parlement tout en prenant en compte la percée des profils de notables? Le gouvernement pourra-il se débarrasser de la gestion purement technique et économique pour avoir une vision politique quant à certains dossiers, comme les droits de l’Homme ? L’enjeu principal pour le futur Exécutif consiste à donner forme aux promesses du RNI. Je pense, à cet égard, que cette mission ne sera pas de tout repos. Le problème se pose aussi en matière d’adaptation de ce programme avec les projets de l’Etat, notamment, la protection sociale et, également, en matière de mobilisation des ressources financières. À cela s’ajoute une question cruciale liée au climat national, régional et international dont il faudra prendre compte. 

Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO


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