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Richesse des nations : la Banque mondiale met en garde contre “la croissance à tout prix”

Selon l’institution de Breton Woods, la politique de «la croissance à tout prix», qui a considérablement fait progresser la richesse mondiale entre 1995 et 2018, et qui a permis aux pays à revenu intermédiaire de rattraper les pays à revenu élevé, est à éviter au profit de politiques plus durables qui assurent la prospérité à long terme.

La Banque mondiale vient de publier son rapport 2021 sur l’Évolution des richesses des nations qui porte sur 146 pays observés sur la période s’étendant de 1995 à 2018. Il en ressort que la richesse mondiale a considérablement progressé en 24 ans, et que les pays à revenu intermédiaire sont même parvenus à rattraper les pays à revenu élevé. Toutefois, cette plus grande prospérité s’est accompagnée d’une gestion non durable de certains actifs naturels. Les pays qui épuisent leurs ressources pour engranger des profits à court terme compromettent la durabilité de leur développement économique, est-il expliqué.

Il faut prendre en compte le capital naturel, le capital humain et le capital produit…
Et si des indicateurs tels que le produit intérieur brut (PIB) sont traditionnellement utilisés pour mesurer la croissance économique, le rapport démontre que pour savoir si une croissance est durable, il faut prendre en compte à la fois le capital naturel, le capital humain et le capital produit. Or, ce qui s’est passé entre 1995 et 2018 n’a rien d’une croissance durable. En effet, les pays à revenu faible et intermédiaire ont vu leur richesse par habitant issue des forêts diminuer de 8% entre 1995 et 2018, conséquence d’une déforestation importante. Sur la même période, la valeur des réserves halieutiques s’est également effondrée de 83% en raison d’une mauvaise gestion et de la surpêche. Le rapport indique aussi que les inégalités se sont creusées. La part des pays à faible revenu dans la richesse mondiale a très peu évolué entre 1995 et 2018 et est demeurée inférieure à 1%, alors qu’ils représentaient environ 8% de la population mondiale. De surcroît, plus d’un tiers d’entre eux ont vu leur richesse par habitant diminuer. Les pays dont la richesse est en baisse ont également tendance à dégrader leur socle d’actifs naturels renouvelables. Or pour les pays à faible revenu, il est primordial que le capital naturel renouvelable, qui représente 23% de leur richesse, soit correctement géré. Ce n’est pas tout, le rapport relève aussi qu’à l’échelle mondiale, la part du capital naturel renouvelable (forêts, terres cultivées et ressources océaniques) dans la richesse totale diminue et elle est de plus en plus menacée par le changement climatique. Parallèlement, ce capital gagne en valeur en raison des services écosystémiques précieux qu’il procure. Par exemple, la valeur des mangroves en tant que protection contre les inondations côtières a été multipliée par plus de 2,5 depuis 1995 pour atteindre plus de 547 milliards de dollars en 2018, et celle des aires protégées par kilomètre carré a également progressé rapidement.«L’Évolution des richesses des nations fournit les données et les analyses nécessaires pour aider les gouvernements à corriger les prix et les politiques au service d’un développement durable. Faute de tenir compte de leurs effets sur la pollution et le réchauffement climatique, les actifs liés aux combustibles fossiles ont historiquement été surévalués, tandis que ceux qui contribuent à l’atténuation du dérèglement du climat, comme les forêts, sont sous-évalués», souligne Karin Kemper, directrice mondiale Environnement, ressources naturelles et économie bleue à la Banque mondiale.

…Pour instituer des politiques plus résilientes et durables
En effet, le rapport montre que la richesse en capital naturel non renouvelable (minéraux, combustibles fossiles) a baissé depuis 2014, principalement en raison de la chute des prix des matières premières. Par contre, il démontre que le capital humain, mesuré comme la somme des revenus tout au long de la vie, représentait 64% de la richesse mondiale en 2018, soit sa composante la plus importante. En effet, les pays à revenu intermédiaire ont accru leurs investissements dans leur population et ont, en retour, enregistré des augmentations significatives de la part de leur richesse en capital humain. Mais ce n’est pas du tout gagné ! Parce que les effets à long terme de la pandémie de Covid-19 ne sont certes pas encore connus, mais une chose est sûre : ce sont les pays à faible revenu qui devraient en subir les conséquences les plus graves, avec une perte de capital humain estimée à 14 %. En outre, le capital humain est bridé par les écarts entre les sexes dans toutes les régions et tous les groupes de revenus, et peu de progrès ont été enregistrés depuis 1995. La qualité de l’air a également de graves conséquences sur le capital humain et le dérèglement du climat, elle est responsable de plus de six millions de décès prématurés chaque année. Aussi Mari Pangestu, directrice générale de la Banque mondiale pour les politiques de développement et les partenariats, pointe qu’«une compréhension plus poussée et plus nuancée de la durabilité des richesses est indispensable pour bâtir un avenir vert, résilient et inclusif. Il est essentiel d’accorder la même importance au capital naturel renouvelable et au capital humain qu’aux sources plus traditionnelles de croissance économique, afin que les décideurs politiques prennent des mesures pour assurer une prospérité à long terme».

Les recommandations

Le rapport sur l’Évolution des richesses des nations 2021 recommande plusieurs actions prioritaires aux décideurs politiques afin de diversifier et de rééquilibrer leurs portefeuilles nationaux d’actifs pour qu’ils soient plus résilients et durables. Il conseille notamment d’investir activement dans les biens publics que sont l’éducation, la santé et la nature, afin d’éviter un appauvrissement non durable des ressources et de gérer les risques futurs. Et de mettre en oeuvre des mesures politiques et tarifaires qui contribuent à refléter la valeur sociale des actifs et à orienter les investissements privés vers de meilleurs résultats pour tous : réaffecter les subventions allouées à la pêche, donner un prix au carbone et promouvoir les énergies renouvelables, par exemple.

Aziz Diouf / Les Inspirations ÉCO



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