Présidentielle française : le pays des droits de l’Homme risque-t-il de basculer dans l’extrême droite ?
Les deux finalistes de la présidentielle française mobilisent leurs troupes pour glaner le maximum de voix. Les électeurs de Jean-Luc Mélenchon pourraient faire la différence, le 24 avril. Face à la poussée de Marine Le Pen, plusieurs ténors politiques annoncent leur soutien à Emmanuel Macron.
Le destin de la France se joue actuellement dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle. Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qui se retrouveront face-à-face le 24 avril, mettent les bouchées doubles pour rallier à leur cause le plus grand nombre d’électeurs.
Le chef de file de La République en marche (LREM) et la dirigeante du Rassemblement national regardent notamment vers la gauche, du côté des électeurs de Jean-Luc Mélenchon qui pourraient, selon les analystes, faire la différence au second tour. Si ces derniers devaient s’abstenir ou donner leurs voix à Le Pen, le pays des droits de l’Homme serait pour la première fois gouverné par l’extrême droite.
Sûrs à priori de faire le plein des voix sur leur droite, les deux prétendants s’affrontent sur le terrain du pouvoir d’achat, sujet de préoccupation numéro un des Français.
Macron dans l’arène
Le président sortant, qui multiplie les déplacements depuis dimanche, s’est rendu mardi dans l’est de la France, au lendemain d’une tournée dans le nord, dans des régions populaires qui ont voté massivement Marine Le Pen au premier tour. Assailli toute la journée sur son projet de report de l’âge de la retraite de 62 à 65 ans, le président-candidat a fini par lancer, lundi, un signal fort à l’électorat populaire, en entrouvrant la porte à un départ à 64 ans. Une concession inattendue.
Pour l’emporter au second tour, Macron, qui a recueilli 27,85% des suffrages dimanche, doit convaincre un maximum d’électeurs de gauche. Il sera donc, ce mercredi, à Mulhouse et Strasbourg, deux villes ayant porté dimanche le candidat de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, en tête avec 35-36% des suffrages (contre 21,95% au niveau national).
Accusé d’avoir été trop absent avant le premier tour, Macron a décidé de multiplier les visites et bains de foule qu’il affectionne. Cela devrait culminer avec un grand meeting, samedi à Marseille, deuxième ville de France touchée, tout particulièrement, par des problèmes d’insécurité et de pauvreté, et pour laquelle il avait annoncé, en septembre, un vaste plan de soutien.
Marine polit son image mais…
Pour sa part, Marine Le Pen, qui dit avoir beaucoup appris depuis le dernier duel face à Emmanuel Macron, lors de la présidentielle de 2017, a appelé, dès dimanche soir, les électeurs de droite comme de gauche, à la «rejoindre», en vantant un projet de «justice sociale» et de «protection». La fille du fondateur du Front national, Jean-Marie Le Pen, a rendu publique mardi une nouvelle affiche très sobre, où on peut lire «pour tous les Français», continuant ainsi à polir son image… tout en gardant quelques idées chères à l’extrême droite.
La candidate, qui défend le maintien de la retraite à 62 ans, veut engager une profonde réforme des institutions, en recourant au référendum et en inscrivant la «priorité nationale» dans la Constitution, pour permettre «aux seuls Français» d’accéder à certaines prestations sociales. Elle entend, également, interdire le port du voile dans l’espace public et le sanctionner par une «amende».
Lors d’un déplacement lundi, dans le centre-est, Le Pen, qui a obtenu 23,15% des voix au premier tour, a insisté, comme durant toute sa campagne, sur le pouvoir d’achat, plombé par une forte inflation, soulignant la nécessité de «mesures d’urgence» pour y faire face.
Pour le directeur de l’institut de sondages Ipsos, Brice Teinturier, «c’est un match retour totalement différent» de 2017 quand Macron avait largement battu Le Pen au second tour : «l’affiche est la même et, en même temps, elle n’est plus du tout la même». À ce stade, l’électorat de Mélenchon a l’intention de voter «à 34% pour Emmanuel Macron, à 30% pour Marine Le Pen, ce qui est plus qu’en 2017, et à 36% de rester à la maison», précise Teinturier.
Jospin et Sarkozy avec Macron
Pour ce second tour, Emmanuel Macron bénéficie de soutiens de taille. En plus de Jean-Luc Mélenchon, il peut compter sur l’ancien chef de l’État, Nicolas Sarkozy et l’ancien premier ministre socialiste, Lionel Jospin. En effet, Sarkozy a annoncé, mardi, qu’il voterait pour Emmanuel Macron qui est, selon lui, «le seul en situation d’agir» et a plaidé pour répondre au rassemblement voulu par le président-candidat.
De son côté, Jospin affirme qu’il «écartera Marine Le Pen et votera Emmanuel Macron» au second tour de la présidentielle. À noter qu’un autre ancien premier ministre socialiste, Bernard Cazeneuve (2016-2017), ainsi que l’ex-maire de Paris, Bertrand Delanoë, appellent aussi à voter pour le président sortant «pour sauver l’unité de la France et les valeurs de la République».
Sami Nemli avec Agence / Les Inspirations ÉCO