Maroc-Grande Bretagne : la filière agricole espagnole tremble
La nouvelle connexion commerciale maritime entre le port de Tanger Med et celui de Poole (Grande-Bretagne) est perçu d’un mauvais œil par la filière agricole espagnole. La réduction des délais de livraison et les nouvelles restrictions imposées aux exportations européennes après le Brexit, sont des atouts majeurs pour la filière marocaine pour s’imposer sur le marché britannique.
Le Brexit n’a pas encore livré tous ses enjeux et pourrait profiter pleinement aux exportations agricoles. D’ailleurs, les opérateurs espagnols suivent, non sans un pincement au cœur, l’évolution des pourparlers entre le Maroc et le Royaume-Uni pour l’acheminement des produits agricoles vers la Grande Bretagne. L’annonce de la prochaine liaison commerciale entre le Maroc et la Grande-Bretagne a bouleversé les calculs de la filière agricole du pays voisin. Et, il y a de quoi se faire du mouron. La route maritime entre Tanger Med et le port de Poole, au sud-est de l’Angleterre, est d’une durée de trois jours seulement, contre six jours via l’espace européen. Ce n’est pas tout ! Exit la double traversée, celle du détroit de Gibraltar et de la Manche, ce qui suppose donc moins de coûts. Il est somme tout à fait normal que la ligne à l’initiative de la compagnie Seaways fasse des jaloux en Espagne. Le journal économique digital El Economsita s’y est longuement intéressé. D’emblée, le média économique ibère reconnait que cette connexion est plus avantageuse et ce, à plus d’un titre. Outre le gain de temps, cette route éviterait aux expéditions agricoles marocaines les longs tracas administratifs aux frontières, appliqués aux produits dans l’espace communautaire. Le média évoque cette congestion des flux commerciaux aux portes de la Grande-Bretagne à cause des nouvelles procédures d’admission des biens en provenance de l’espace européen. Seulement, la liaison commerciale hebdomadaire ne fait pas des heureux en Espagne. Les producteurs canariens ont exprimé leur malaise avec la prochaine mise en service de cette desserte commerciale hebdomadaire. Confrontés à une épidémie qui s’attaque à la tomate insulaire, les exportateurs de l’archipel sont convaincus que cette nouvelle coopération portera un coup dur aux exportations agricoles destinées au marché britannique.
En effet, la tomate canarienne arrive en tête des expéditions avec 62% des envois, suivie par le concombre. D’où les inquiétudes de cette filière régionale. L’entrée en service de la ligne maroco-britannique infligera des pertes considérables au secteur de la tomate de cette zone espagnole. Celui-ci bénéficie déjà d’une ribambelle d’aides pour affronter la nouvelle situation du marché britannique. Les opérateurs de cette région insulaire reçoivent par exemple des fonds européens pour «le transport des envois destinées au marché britannique», ou encore cette subvention dans le cadre du programme d’appui aux productions agricoles des Canaries. Sans oublier ce subside appelé “aide à la réadaptation aux marchés”. Hélas, ce n’est pas suffisant, jugent-ils pour faire face à la nouvelle donne. La filière espagnole devrait faire face à une série d’obstacles, après le Brexit. Dès avril, un registre exhaustif de l’origine animale et non-animale des produits, les produits alimentaires d’origine non-animale de haut risque doit être fournie pour accéder au territoire britannique.
De même, à compte du 1er juillet et outre les contrôles phytosanitaires, les agriculteurs devraient passer à la caisse pour s’acquitter des droits de douane ainsi que l’entrée en vigueur de nouvelles procédures d’importation de produits d’origine animale. Donc, l’arrivée en trois jours des envois agricoles marocains est la grande hantise de la filière agricole espagnole. Celle-ci voit d’un mauvais œil ce nouveau service qui boostera à coup sûr le positionnement des expéditions agricoles du terroir sur le sol britannique, un marché plus que promoteur. Rien qu’en Andalousie, le principal concurrent du Maroc, les producteurs de cette région espagnole ont expédié, en 2020, des envois d’une valeur de 1.149 millions d’euros en hausse de 7%. Ce qui positionne le Royaume-Uni
comme la troisième destination des exportateurs agricoles andalous. En somme, cette nouvelle route, couplée aux nouvelles restrictions et la lourdeur des procédures douaniers devraient jouer en faveur des exportations marocaines de fruits et légumes.
D’ailleurs, les Britanniques, contrariés après le douloureux divorce avec le partenaire de jadis, cherchent à multiplier les marchés d’approvisionnement. Le Maroc se présente comme la plateforme idéale pour couper le cordon agricole avec l’Europe.
Amal Baba Ali, DNC à Séville / Les Inspirations Éco