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Défense : sans les États-Unis, les Européens diminués, mais pas démunis ?

Un désengagement américain de l’OTAN, dont le président élu Donald Trump a de nouveau brandi la menace dimanche, laisserait un vide que les Européens ne pourraient combler, mais leurs moyens militaires pour défendre le continent sont loin d’être anodins.

Après un lent déclin, les dépenses de défense des 30 pays européens de l’OTAN ont grimpé de 75% depuis 2014 pour s’établir à 452 milliards de dollars en 2024, selon les données officielles de l’Alliance atlantique. Loin des 968 milliards consacrés par les États-Unis mais davantage que les 142 milliards de dollars de dépenses militaires russes, selon l’Institut international pour les études stratégiques (IISS).

Ils sont désormais 21 pays européens à respecter le seuil minimal de 2% du PIB consacré à la défense, contre deux en 2014. Les États européens de l’OTAN (hors Turquie) alignent 1,5 million de soldats d’active, davantage que les 1,1 million de l’armée russe, selon le Military Balance. Mais pour que l’OTAN puisse selon ses plans déployer 100.000 soldats en 10 jours, il faut qu’ils augmentent de façon significative leur niveau de préparation, s’accordent à dire les experts.

«Si on additionne les capacités de chaque pays, qu’elles soient financières, industrielles ou militaires, il n’y a pas de raison que l’Europe ne soit pas capable de faire face», jugeait récemment le chef d’état-major des armées français, le général Thierry Burkhard, dans un entretien au Figaro.

Pour Nick Witney, expert au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), les Européens peuvent se débrouiller sans Washington mais ils «doivent se défaire de ce sentiment de dépendance totale», qui a longtemps été «bien pratique» pour consacrer moins de ressources à leur défense.

Un réarmement tous azimuts
Les Européens de l’OTAN disposent de près de 1.900 chars et de 2.000 avions de combat, soit deux tiers des moyens de Washington, comptabilise le Military Balance. De même, ils possèdent plus de 500 canons automoteur d’artillerie (Caesar, PzH2000), quand les États-Unis en possèdent 671, et ils ont commandé 1.100 systèmes supplémentaires depuis l’invasion de l’Ukraine. Depuis février 2022, les Européens de l’OTAN ont investi 27 milliards de dollars dans l’acquisition de chars et de blindés, 15 milliards dans l’artillerie et 39 milliards dans la défense anti-aérienne, selon l’IISS. Ils s’appuient sur les moyens américains dans de nombreux domaines.

«L’armée américaine fournit une grande part des postes de commandement et fixe les normes», rappelle le général Burkhard.

Ces systèmes dits C2 permettent de coordonner et de conduire les opérations et sont d’autant plus essentiels quand celles-ci impliquent plusieurs pays. «A minima, les États-Unis devraient mettre à disposition les C2 de l’OTAN car les Européens n’en disposent pas en propre», juge un responsable militaire pour qui «le risque est que les Européens y aillent désunis».

Pour l’IISS, «l’OTAN est excessivement dépendante de Washington pour la fourniture de capacités clés», notamment pour les moyens d’appui aux opérations (renseignement, surveillance…).

Les Européens ne disposent par exemple que d’une quarantaine d’avions de ravitaillement en vol, et comptent sur les 450 appareils américains. Même déficit dans les avions de transport ou les avions radar Awacs. Et la défense anti-aérienne fait défaut: un peu plus de la moitié des membres de l’OTAN ne possèdent pas de systèmes de moyenne portée, comme le SAMP/T italien et le Patriot américain. «Et sur les 15 États qui en disposent, cinq utilisent des systèmes vieillissants ou obsolètes», selon l’institut britannique.

L’argent, le nerf de la guerre
Face au besoin de muscler leurs capacités et d’aider l’Ukraine en matériels militaires, les Européens augmentent péniblement les cadences de production de leurs industries de défense, fragmentées et souvent en concurrence frontale. L’Union européenne a débloqué des budgets pour encourager des achats conjoints d’armements. Un premier pas qui n’évite pas les duplications entre pays, estime Nick Witney, qui a dirigé l’Agence européenne de défense. Il regrette «cette incapacité à se mettre d’accord sur un plan concret» pour coordonner leurs besoins.

Pour l’expert, «ce qui est le plus dangereux pour l’Europe en termes de capacité à se défendre, ce n’est certainement pas l’argent et ce n’est même pas le manque actuel de capacités, auquel on pourrait remédier avec de la détermination. La chose la plus dangereuse est le manque de courage politique».

«Bien sûr que l’Europe peut se défendre par elle-même», abonde sur X Phillips O’Brien, professeur d’études stratégiques à l’Université de St Andrews, «la vraie question est de savoir si elle peut s’imaginer le faire».

Sami Nemli Avec Agence / Les Inspirations ÉCO



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