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Urbanisme. Il est temps de repenser nos villes de demain !

Orientées vers des défis de compétitivité et d’ouverture à l’international, nos villes ne sont pas compatibles avec un confinement total, selon certains spécialistes. La guerre du «restez chez vous» contre le Covid-19 serait-elle perdue d’avance ?

Alors qu’en Afrique, de manière générale, et au Maroc en particulier, la guerre contre le Covid-19 fait rage, certaines batailles semblent perdues d’avance. Si l’on en croit l’urbaniste Badara Mboup, pour qui il existe un lien étroit entre l’urbanisme, l’architecture et la pandémie du coronavirus, l’urbanisme que nous pratiquons dans nos villes n’est corrélé aux questions de santé publique.

«Nos villes sont plus orientées vers des défis de compétitivité et d’ouverture à l’international (échangeurs, grands équipements, villes nouvelles, etc.)», estime le lauréat de l’École nationale d’architecture de Rabat, convaincu de la difficulté d’un confinement total dans nos villes.

«Il convient de rappeler que la ville est un lieu d’interactions sociales par excellence. Ce qui fait vivre la ville, ce ne sont pas ses infrastructures ni ses superstructures, c’est avant tout le citadin et ses interactions sociales. Sans ces dernières, la ville se confine et reste sans vie», a-t-il poursuivi, soulignant qu’en en ce sens, «qu’il faut faire preuve de vigilance car en cas de propagation du virus, son appréhension territoriale serait différente, entre ceux qui ont les moyens d’être en quarantaine ou en confinement et ceux qui ne peuvent pas se le permettre, entre ceux qui ont les structures sanitaires à proximité et ceux qui en sont éloignés, entre ceux qui peuvent s’offrir des soins et ceux qui ne le peuvent pas».

Une guerre perdue d’avance
En effet, les vulnérabilités mises à nu par le Covid-19 sont d’abord territoriales. Nos villes sont sans limite, s’étalent de plus en plus, occasionnant d’énormes déficits de services sociaux de base (équipements de santé, d’éducation, transport…), conduisant à un éloignement de la population des structures sanitaires de référence. «Cette délimitation est souvent utilisée à mauvais escient car elle évoque de prime abord la ségrégation. Cela peut se comprendre, mais osons prôner l’idée de circonscription, de sphères, de limites protectrices avec un degré de porosité, de variabilité afin que la nature sauvage puisse traverser nos villes comme nos autoroutes», martèle notre interlocuteur.

«La volonté de nos pouvoirs publics est de faire disparaître l’idée de limite territoriale en prétextant une superposition infinie de réseaux. Cela me paraît complètement aberrant. Une limite pas exclusivement physique doit exister et doit être respectée», insiste le jeune urbaniste.

Repenser nos villes
Dès lors, toujours selon le Sénégalais basé à Paris, il est temps de repenser l’urbanisme de nos villes dans une autre temporalité et spatialité. «À mon sens, une nouvelle alliance entre urbanisme et santé publique s’impose. Il est temps de revisiter les outils de planification, de restructurer en profondeur nos villes qui sont sans délimitation physique claire entre espace privé et espace public ou naturel. Protéger l’Homme de tout danger notamment sanitaire doit être au centre de la réflexion dans la reconfiguration des espaces publics», soutient Mpoub pour qui une limite, qui fait partie des premiers éléments d’architecture et d’urbanisme, s’inscrit aussi dans le paysage urbain pour protéger d’abord et séparer, souvent, un espace privé d’un espace public ou naturel.

Celle-ci, soutient-il, peut aussi devenir un repère, un support et parfois une distance de sécurité qui peut sauver des vies. C’est ce qui explique d’ailleurs les différences entre les pays en ce qui concerne l’efficacité de la lutte contre le virus. Il ne s’agit pas seulement d’avoir les moyens, il dépend d’abord d’une organisation et d’un état d’esprit. C’est dans la gestion du système de santé et de la carte hospitalière qu’il faut rechercher les causes. L’ouverture d’une structure sanitaire doit être du ressort de l’échelon de proximité. Cette décentralisation effective peut être un facteur déterminant, et le maillage territorial en tirera grand avantage, conclut-t-il.


Badara Mboup
Urbaniste

Rétrospectivement, l’urbanisme, dans son invention officielle, est étroitement lié à la lutte contre les épidémies. Les épidémies ont contribué à façonner les villes. L’un des premiers enjeux majeurs de l’architecture et de l’urbanisme a été de permettre la circulation de l’air, jugé coupable, dans l’Europe du 19e siècle, de porter avec lui les mauvaises odeurs, le choléra ou la tuberculose. De ces préoccupations hygiénistes, la ville est sortie guérie, avec un modèle de vie urbain nouveau.



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