Retenue à la source sur dividendes : fin de la logique dégressive, place au barème unique
Dans un souci de simplification administrative, la Loi de Finances 2025 instaure un barème unique de taux de retenue à la source pour tous les dividendes versés, quelle que soit l’année de réalisation des bénéfices dont ils sont issus.
La Loi de Finances 2025 apporte des changements majeurs en ce qui concerne la fiscalité des dividendes versés aux actionnaires. Cette réforme simplifie considérablement la gestion fiscale tout en réduisant progressivement les taux de retenue à la source sur ces revenus. Auparavant, les taux de retenue à la source sur les dividendes suivaient une logique dégressive basée sur l’année de réalisation des bénéfices distribués.
Ce système complexe prévoyait des taux différents selon que les dividendes provenaient de bénéfices réalisés en 2023, 2024, 2025 ou 2026. La réforme opérée par la Loi de finances 2025 met fin à ce système éminemment complexe dans sa mise en œuvre. Elle instaure un barème unique de taux de retenue à la source applicable à tous les dividendes versés, quelle que soit l’année de réalisation des bénéfices dont ils sont issus. Ainsi, les taux dégressifs initialement prévus de 2023 à 2026 ont été remplacés par les taux de RAS suivants, peu importe l’exercice de provenance des dividendes : 12,50% pour 2025, 11,25% pour 2026 et 10% pour 2027.
«Cette réforme marque donc une véritable rupture par rapport au système antérieur basé sur le principe du FIFO (First In First Out) à 15% pour les bénéfices antérieurs à 2023. Le nouveau barème s’appliquera de manière uniforme quelle que soit l’ancienneté des réserves distribuées. Ce changement de philosophie vise clairement à simplifier la gestion fiscale des dividendes pour les entreprises. Elles n’auront plus à suivre le stock de réserves ancien et récent soumis à des taux différents selon une logique complexe liée aux exercices».
Une réforme pour simplifier la gestion fiscale des dividendes
Mohamed Belkhayat, expert- comptable et commissaire aux comptes, souligne dans une publication que cette réforme fiscale sur les dividendes a probablement été motivée par un objectif de simplification administrative pour les entreprises.
En instaurant un barème unique de taux de retenue à la source applicable à tous les dividendes quelle que soit leur provenance, elle met fin à la complexité du système antérieur. Celui-ci obligeait les sociétés à suivre scrupuleusement la composition de leurs réserves distribuables selon les différents exercices pour appliquer les taux dégressifs correspondants. Une véritable usine à gaz comptable et fiscale.
«Le suivi du stock de réserves anciennes à 15% et des réserves récentes à taux dégressif était source de complexité», explique l’expert-comptable.
Chaque distribution devait faire l’objet de calculs précis selon la règle du FiFo (First in, First out) pour déterminer les quotités taxables à chaque taux.
Au-delà de cette lourdeur administrative, le système précédent posait également des difficultés de mise en conformité avec le droit des sociétés. La distinction entre bénéfices anciens et récents aux fins d’imposition pouvait entrer en contradiction avec les règles régissant l’affectation légale du résultat.
«Le télescopage entre la fiscalité des dividendes et les dispositions juridiques sur les sociétés créait une réelle insécurité juridique», souligne Belkhayat.
D’où la décision de l’exécutif d’adopter une réforme unifiant et simplifiant le régime fiscal dans un souci de sécurité juridique et d’allègement des formalités déclaratives. Cette réforme allège donc grandement la charge administrative pour les entreprises. Elles n’auront plus à suivre le stock de réserves soumises à différents taux selon les exercices. Une véritable simplification qui répond à une demande de longue date du monde des affaires.
Les regrets de certains
Les entreprises qui avaient anticipé en puisant dans leurs réserves en 2024 pour profiter du taux de 15% semblent toutefois pénalisées par ce changement.
«Dommage pour les entreprises qui ont liquidé leur Report à nouveau (RAN) en 2024», pourrait-on dire.
En effet, certaines entreprises avaient anticipé la réforme fiscale sur les dividendes et pris des mesures proactives en 2024. Conscientes que les taux de retenue à la source (RAS) allaient baisser progressivement, elles ont choisi de distribuer une partie de leurs réserves et bénéfices non répartis (RAN) sous forme de dividendes exceptionnels en 2024. Leur objectif était de bénéficier du taux de 15% applicable aux bénéfices réalisés avant 2023, selon la règle du FiFo.
Cependant, avec l’introduction du nouveau taux unique de 12,50% en 2025, ces entreprises prudentes se retrouvent pénalisées par rapport à celles qui ont attendu. Une différence de 2,5 points de pourcentage peut sembler minime, mais elle peut avoir un impact significatif sur les flux de trésorerie et la rentabilité des entreprises, en particulier pour celles à forte intensité capitalistique ou générant des bénéfices importants.
Prenons l’exemple d’une entreprise ayant distribué 10 millions de dirhams de dividendes en 2024 à partir de son RAN. Au taux de 15%, la retenue à la source s’élevait à 1,5 million de dirhams. Si cette même entreprise avait attendu 2025 pour distribuer ces dividendes, la retenue à la source n’aurait été que de 1,25 million de dirhams, soit une économie de 250.000 dirhams. Pour les grandes entreprises générant des bénéfices substantiels, cet écart peut se chiffrer en millions de dirhams.
Ainsi, bien que la nouvelle réglementation simplifie la gestion fiscale des dividendes, elle pourrait susciter des regrets chez certaines entreprises ayant anticipé trop tôt. Cependant, il est important de souligner que ces entreprises prudentes ont agi dans le cadre réglementaire en vigueur à l’époque et ont pris des décisions éclairées en fonction des informations disponibles. Elles ont simplement fait preuve de gestion proactive des risques fiscaux.
De plus, distribuer des dividendes en 2024 leur a permis de renforcer leur attractivité auprès des investisseurs et de démontrer leur capacité à générer des rendements substantiels pour les actionnaires. Malgré cette apparente pénalité à court terme, ces entreprises bénéficieront à long terme de la baisse progressive des taux de RAS jusqu’à 10% en 2027. Leur vision à long terme et leur gestion prudente des risques fiscaux pourraient s’avérer payantes sur le long terme.
Un impact à plusieurs niveaux
Sur le plan comptable, la réforme devrait faciliter la gestion des provisions pour impôts différés liées aux réserves distribuables. Les décisions de distribution seront aussi probablement impactées avec une accélération prévue pour profiter des taux dégressifs. Pour les actionnaires, les effets seront contrastés selon leur horizon de placement. Les détenteurs de longue date bénéficieront de taux plus avantageux dès 2025, tandis que les actionnaires récents paieront davantage d’impôts dans l’immédiat
Une mesure favorable à l’attractivité économique
Dans l’ensemble, cette réforme va dans le sens d’une fiscalité plus compétitive sur les revenus mobiliers. Accompagnée d’autres incitations, elle pourrait contribuer à renforcer l’attractivité du Maroc auprès des investisseurs étrangers.
«C’est un signal positif qui s’inscrit dans une politique fiscale visant à encourager l’investissement productif», analyse un économiste.
Certains appelant déjà à poursuivre sur cette lancée avec une nouvelle baisse du taux de RAS au-delà de 2027. Si les grands gagnants semblent être les entreprises avec une gestion fiscale simplifiée, l’impact réel de la réforme dépendra de nombreux autres facteurs. Une chose est sûre, le débat sur la fiscalité optimale des revenus du capital n’est pas prêt de s’éteindre.
Bilal Cherraji / Les Inspirations ÉCO