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Réforme de l’IPE. La balle dans le camp d ‘El Otmani

Le chef de gouvernement est très attendu pour livrer son verdict sur les scénarios de réforme de l’indemnité pour perte d’emploi. Pour pérenniser le système qui piétine depuis son lancement, l’augmentation des cotisations est visiblement incontournable.

La réforme du système de l’Indemnité pour perte d’emploi (IPE) est un engagement gouvernemental formulé par le chef de gouvernement en 2017 dans sa déclaration devant les parlementaires. Cette révision s’impose. Mais, elle tarde à être mise en place en dépit du bilan décevant de ce dispositif. Cette révision devait se faire initialement en 2017 pour activer le programme. Mais, cet objectif a été ajourné alors que les attentes sont on ne peut plus grandes. Le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Yatim, a été interpellé à plusieurs reprises sur cette question au sein de l’hémicycle. Il vient d’annoncer que le dossier de la réforme est entre les mains du chef de gouvernement. À quand est prévue la mise en oeuvre de cette réforme? Yatim se contente de souligner qu’une «décision sera émise par la chefferie du gouvernement, le moment opportun».

Accélérer le processus
Aujourd’hui, il faut passer à la vitesse supérieure pour réviser le système qui piétine depuis son lancement en 2014. Le dispositif qui était très attendu par les salariés pendant de longues années n’a pas tardé à montrer ses limites dès la première année de sa mise en place. Alors que l’objectif de départ était d’atteindre plus de 30.000 bénéficiaires par an, le système n’a pu toucher en trois ans (de 2014 à 2017) que 31.905 bénéficiaires avec un montant de 432 millions de dirhams. Des milliers de demandes ont été rejetées car elles ne répondaient pas aux conditions requises. Les critères d’éligibilité, jugées trop draconiennes, sont le premier obstacle à la réussite de ce système. L’accès à l’indemnité pour perte d’emploi est conditionné par 780 jours de travail effectif déclaré durant les 36 derniers mois précédant la date de perte d’emploi (dont 260 jours, pendant les 12 mois précédant cette date). La perte d’emploi doit résulter des circonstances indépendantes de la volonté de l’assuré qui est appelé à faire une déclaration sur l’honneur portant sur le motif et la date de la perte d’emploi, et à s’engager à aviser la CNSS en cas de reprise d’activité. Un verdict judiciaire serait même exigé aux demandeurs. Ce qui est aberrant, selon les députés. Il faut dire que les conditions rigides étaient voulues au lancement du programme pour assurer la viabilité du système. À cela s’ajoute le montant de l’indemnité qui reste très modeste et ne peut répondre aux besoins basics des bénéficiaires. Rappelons à cet égard que l’indemnité est calculée sur la base de la moyenne des 36 derniers mois précédant la date de perte d’emploi, dans la limite du plafond en vigueur. Elle ne dépasse pas 70% du salaire journalier moyen de référence sans excéder le SMIG. Notons que ce montant a été décidé après concertations avec différentes parties. Il a en effet été fixé selon des paramètres préétablis suite à l’étude actuarielle effectuée à cet effet (le taux et la durée de cotisation). Deux autres scénarii ont été proposés lors de l’examen du projet de l’IPE par les partenaires sociaux et le patronat au sein du Conseil d’administration de la CNSS et pendant les sessions du dialogue social. Il s’agissait notamment d’augmenter les taux de cotisations et des montants de l’indemnité. Sauf qu’à cette époque, on avait préféré joué la carte de la prudence en choisissant le scénario le moins cher pour démarrer le projet. Les différentes parties avaient convenu d’évaluer le programme après trois ans de sa mise en oeuvre pour le réajuster, le cas échéant.

Le plus de bénéficiaires possibles
Le gouvernement a vite constaté que le système était perfectible et qu’il fallait explorer plusieurs pistes en vue d’augmenter le nombre des bénéficiaires tout en prenant en considération un critère de la plus haute importance: la nécessité de ne pas mettre en danger l’équilibre financier du système. La balle est aujourd’hui dans le camp du chef de gouvernement qui est appelé à asseoir la réforme le plus tôt possible en tranchant les scénarios qui lui ont été soumis par le conseil d’administration de la Caisse marocaine de la sécurité sociale. Cet organisme a en effet effectué en octobre 2018 une évaluation de ce programme en vue de trouver les solutions idoines et y introduire les amendements nécessaires. L’objectif est de pouvoir développer ses dispositions et d’améliorer ses critères. Les scénarios proposés visent la simplification des procédures et les conditions d’éligibilité tout en veillant à assurer sa viabilité et durabilité. Ce qui est sûr, c’est qu’il est demandé aux travailleurs d’effectuer un effort supplémentaire. L’augmentation des cotisations est visiblement incontournable pour éviter tout déséquilibre financier à l’horizon 2027. Actuellement, la cotisation mise en place est de 0,57% (0,19% pour la part salariale et 0,38% pour la part patronale). Le montant des cotisations s’ajoute au fonds d’amorçage mis en place par l’État. Le premier scénario vise à atteindre quelque 58.553 bénéficiaires à l’horizon 2027. Il prévoit en cas de maintien des conditions actuelles (780 jours déclarés à la CNSS durant les 36 mois précédant la perte d’emploi) d’augmenter de 0,04% la cotisation qui va passer de 0,57 % à 0,61 % à raison des deux tiers pour l’employeur et un tiers pour le salarié. Le second scénario s’assigne pour objectif de toucher quelque 68.611 bénéficiaires à l’horizon 2027. Il porte sur la baisse du nombre des jours déclarés à la CNSS de 780 jours à 636 jours pendant les 36 derniers mois et de 280 jours à 212 jours au cours des 12 derniers mois. Il faudrait, dans ce cas-là, augmenter les cotisations de 0,18 %. Quant au troisième scénario qui vise 70.605 bénéficiaires, il consiste à porter les jours déclarés à 546 au cours des 36 derniers mois et 182 durant les 12 derniers mois. Chaque scénario nécessite la mobilisation des financements, comme l’assure le ministre du Travail. L’État avait débloqué en 2015 une avance pour financer le régime à travers le fonds d’amorçage. Mais, l’on estime que la subvention ne peut pas durer éternellement.


La moitié des demandes rejetées
Chaque année, le nombre des rejets dépasse la moitié des demandes pour bénéficier de l’indemnité pour perte d’emploi. En 2018, le taux des rejets est de plus de 53 % pour plusieurs raisons : insuffisance des jours déclarés à la CNSS, documents incomplets, dépôt de la demande hors délai, perte d’emploi pour cause d’un départ volontaire du salarié. Ainsi, on n’a pas encore réussi à atteindre l’objectif de 30.000 personnes par an. En quatre ans, uniquement 47.163 personnes ont pu bénéficier de l’IPE dont 8.947 bénéficiaires durant la première année sur un total de 20.607 demandeurs ; 11.033 bénéficiaires en 2016 sur 24.095 demandeurs ; 11.925 bénéficiaires en 2017 sur un total de 27.442 et 13.706 bénéfi- ciaires sur 29.174 demandeurs en 2018.



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