Introduction en bourse : zoom sur les motivations et les avantages
Les incitations fiscales sont-elles suffisantes pour inciter les entreprises à se tourner vers la bourse ? Des dirigeants de PME soulèvent des doutes sur leur pertinence et leur impact économique. Une révision des mesures fiscales et une approche différenciée pourraient stimuler l’intérêt des entreprises marocaines, grandes et petites, pour l’introduction en bourse.
Lorsqu’une société envisage de s’introduire en bourse, elle poursuit plusieurs objectifs, allant au-delà de la simple recherche de capitaux. L’un des objectifs principaux est de faciliter la problématique de succession au sein de l’entreprise.
Dans le cadre de la table ronde organisée par le groupe Horizon Press, le directeur général du pôle Finance de Dislog Group, Zakaria Jerrari, a partagé son expertise sur les motivations et les avantages de l’introduction en bourse pour les entreprises marocaines : «L’introduction en bourse permet d’assurer une transition efficace et transparente en offrant une structure claire pour la gouvernance de l’entreprise. Cela peut être particulièrement important pour les entreprises familiales qui cherchent à assurer leur pérennité et leur croissance à long terme. De plus, l’introduction en bourse offre une opportunité de financer la croissance de l’entreprise. Les grandes entreprises marocaines qui souhaitent s’introduire en bourse ont souvent des ambitions de développement tant sur le marché national qu’à l’international.
Cette opération leur permet de lever des fonds à moindre coût, en attirant des investisseurs institutionnels et individuels intéressés par le potentiel de croissance de l’entreprise». Il faut dire que les introductions en bourse réalisées ces dernières années au Maroc ont démontré leur succès en améliorant la gouvernance des entreprises concernées. L’exigence de transparence et de conformité aux réglementations boursières favorise une meilleure gestion et une plus grande responsabilité des dirigeants. Cela renforce la confiance des investisseurs et contribue à l’attrait du marché boursier marocain. En outre, l’introduction en bourse crée une dynamique positive et fédératrice au sein de l’entreprise. Les employés peuvent bénéficier de programmes d’options d’achat d’actions, ce qui les incite à s’impliquer davantage dans la réalisation des objectifs du groupe. Ces programmes lient les intérêts des salariés à la performance de l’entreprise, favorisant ainsi une culture d’engagement et de motivation.
Les défis des incitations fiscales
Par ailleurs, Zakaria Jerrari a remis en question l’efficacité des incitations fiscales actuelles pour encourager les entreprises marocaines à entrer en bourse. Selon lui, les taux d’incitation fiscale de 50% ou 25% en cas de cession ne sont pas suffisamment attractifs pour les entreprises, en particulier les PME. Pour lui, cette situation soulève des interrogations sur l’adéquation des mesures fiscales mises en place et les objectifs affichés de développement économique. Les incitations fiscales visant à encourager les entreprises à entrer en bourse ont été introduites au Maroc en 2001. A titre d’exemple, Jerrari développe son argumentaire en se basant sur le succès des initiatives dans les zones d’accélération industrielle.
«On a mis en place un système d’incitation fiscale en 2001 pour encourager les sociétés à se développer et à s’implanter dans les zones d’accélération industrielle. Cette carotte fiscale prévoyait une exonération d’impôts pendant les cinq premières années, suivie d’une réduction de l’impôt sur les sociétés à 8,75% pendant 20 ans. Cette mesure a été couronnée de succès. Il est légitime de se demander pourquoi une partie, disons 30 à 40% de cette carotte fiscale, ne pourrait pas être utilisée pour encourager les PME à entrer sur le marché boursier. Cela constituerait un élément important d’incitation», soutient le dirigeant.
Le manque d’incitation pour les PME
Le principal reproche formulé par Jerrari concerne l’absence d’incitations suffisantes pour les PME. «Les taux d’incitation fiscale actuels ne sont pas considérés comme des facteurs déterminants pour ces entreprises. Les entrepreneurs marocains, en particulier dans le cas des PME, sont confrontés à une imposition totale sur les plus-values réalisées lorsqu’ils cèdent leurs actions en cas d’introduction en bourse hybride combinant cession et augmentation de capital. Cette situation les décourage à envisager le marché boursier comme une option viable pour la croissance de leur entreprise», explique le directeur général pôle finance de Dislog Group.
La nécessité d’une approche différenciée
Pour le dirigeant, pour stimuler l’investissement privé et encourager les entreprises marocaines à entrer en bourse, il est nécessaire de mettre en place des mesures concrètes qui profitent tant aux PME qu’aux grandes entreprises. Une approche différenciée pourrait être envisagée. Cela permettrait de renforcer l’attrait de l’introduction en bourse pour les entreprises de toutes tailles.
L’importance d’une révision des incitations fiscales
Il est essentiel de revoir les incitations fiscales actuelles afin de les adapter aux réalités économiques et aux besoins des entreprises marocaines. Une réduction de la fiscalité sur les plus-values réalisées lors de l’introduction en bourse, en particulier pour les PME, pourrait constituer une incitation significative. De plus, il convient d’évaluer la durée des avantages fiscaux accordés et de les rendre plus attrayants pour les entreprises à long terme.
«Imaginez des entrepreneurs marocains qui ont consacré 20 ans de leur vie au développement de leur entreprise et qui sont désormais prêts à entrer en bourse. Lorsqu’ils cèdent leurs actions, ils sont actuellement soumis à une imposition totale sur les plus-values réalisées. Par conséquent, pour un entrepreneur marocain, en particulier dans le cas des PME, il n’y a aucun intérêt à entreprendre cette opération dans le cadre d’une introduction en bourse hybride combinant cession et augmentation de capital. C’est là que je fais la distinction entre les PME et les grandes entreprises. Aujourd’hui, je ne vois donc pas comment nous pourrons stimuler l’investissement privé sans proposer un projet concret qui profite réellement aux PME, mais aussi aux grandes entreprises.»
Modeste Kouamé & Moulay Ahmed Belghiti / Les Inspirations ÉCO